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Vidéo. Tabagisme : Réduire les risques plutôt que de rester dans le déni !

Le tabagisme est une réalité avec laquelle la politique de santé publique doit composer. De nouvelles méthodes de réduction des risques font leur chemin. Des médecins praticiens expliquent les contours de ces approches qui marquent une rupture.

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«Les cigarettes, c’est tabou !». Mais il n’est pas évident d’en venir à bout… Un pari pas facile à gagner ! Moins de 2% de fumeurs arrivent en effet à arrêter la cigarette sans aucun accompagnement. Selon les spécialistes invités à la conférence-débat de LaVie éco, il y a un véritable suivi à faire pour les patients désireux de décrocher de la cigarette, qui va au-delà des campagnes de sensibilisation adossées aux programmes nationaux.

«Dans chaque plan stratégique de lutte antitabac, il faut commencer à détecter les troubles mentaux et les anxiétés généralisées. 60 à 90% des fumeurs ont des comorbidités psychiatriques», alerte docteur Moncef Drissi. «Cela va de troubles anxiogènes très légers à des troubles d’agoraphobie et de stress post-traumatique, voire des troubles de conduites alimentaires», détaille ce spécialiste en addictologie. Son confrère, l’oncologue Hassan Jouhadi abonde dans le même sens. «Dans l’addiction, trois sphères s’entrecroisent : l’addiction physique, psychologique et sociale. La première, contrôlée par nous-mêmes, réside dans l’acte d’allumer une cigarette. La deuxième est liée à un stress particulier et l’envie de l’évacuer avant de le subir. Et la dernière a trait à une habitude (déjeuner, pause-café…) pendant laquelle la personne y associe la cigarette. L’un tire l’autre», nous explique-t-il.

Produits alternatifs
Les deux cliniciens relèvent par ailleurs le changement de dogme qui commence à s’installer à travers l’apparition de solutions alternatives. Ils sont unanimes sur le fait qu’il faut offrir au fumeur le moyen d’arrêter, mais dans des situations extrêmes, il faut envisager des alternatives qui réduisent le risque. «Il y a quelques années, on se battait contre le tabagisme. Aujourd’hui, il y a un nouveau dogme : nous sommes en train de parler de certains produits alternatifs pour accompagner un fumeur qui n’arrive pas du tout, malgré plusieurs essais, à arrêter, ou qui ne veut pas arrêter. On ne peut pas les regarder aller vers la maladie sans rien faire.»

Des produits alternatifs, il en existe dans toutes les formes : des produits nicotiniques, qu’ils soient en comprimés, en patchs, en gomme, mais il y a aussi les cigarettes électroniques ainsi que le tabac chauffé qui permettent aussi de réduire l’accès à la cigarette classique. D’ailleurs, différents examens, études et recherches menés constituent des premières données scientifiques tangibles prouvant l’efficacité de la méthode de réduction des risques du tabagisme (THR) par rapport aux méthodes traditionnelles d’abandon de la cigarette. Et dans certains pays, les politiques de santé publique commencent déjà à considérer sérieusement cette approche (voir encadré).

Réduire la combustion
Quand on allume une cigarette, une combustion est créée, générant une fumée, et des produits toxiques sont inhalés. Il y a des milliers de produits chimiques, notamment le goudron, qui s’installent dans les poumons. Donc la solution, il fallait la chercher au niveau de cette exposition. Il faut arrêter cette combustion ou du moins la diminuer.

«Finalement, le risque, c’est quoi ? C’est ce danger du tabagisme, soit par exposition, soit par récurrence. Donc, si j’arrive à agir sur l’exposition en réduisant les volumes de produits, tels que la nitrosamine, dans ce cas, j’ai un volume qui contient 90% en moins d’agents cancérogènes. J’aurai ainsi agi dans le cadre du concept de réduction des risques», étaye Dr Drissi. Le tabac chauffé paraît ainsi comme une alternative valable pour les fumeurs invétérés. Mais la recherche et développement ne s’arrête pas là. Il s’agit d’une amélioration continue de ces mêmes produits à travers un contrôle a priori et a posteriori. «L’idée est de dupliquer ce système de veille du code de la pharmacologie au niveau de l’industrie du tabac. Cela permettra de remonter les données pour qu’on puisse constituer une base de données. Ce qui va nous permettre d’identifier les facteurs déterminants qui peuvent nous aider à mettre en place des stratégies réalistes», explique le spécialiste, tout en insistant sur la nécessité de penser au système d’information qui va permettre de remonter les données. «Il faut un suivi prospectif. Car nous ne sommes pas égaux vis-à-vis des nuisances : deux personnes peuvent être exposées aux mêmes choses, l’une développera la maladie, l’autre non.»

La réduction des risques liés au tabagisme passe également par le développement de nouveaux produits de substitution. «Il y a plein de voies qui sont explorées dans ce sens. Il y a ce qu’on appelle les molécules analogues au tabac. Cela consiste à imiter le tabac par le goût, l’odeur, avec des substances qui ressemblent à la nicotine, mais moins addictif», conclut Dr Jouhadi.


Benchmark à l’international

Pour nos spécialistes, il n’y a pas de standard international sur lequel peuvent se baser les pays en développement en matière de réglementation des produits de substitution. Cela dépend des contrées et des types de produits. La Suède est par exemple le seul pays européen à avoir autorisé la chique, dite snus (sachet de tabac calé entre la gencive et la lèvre). «L’Angleterre semble aller dans le même sens», relève Dr Jouhadi.
Le tabac chauffé qui a été autorisé par la «Food and Drug Administration» et considéré comme un produit à risque modifié est en revanche autorisé un peu partout dans le monde. «Au Canada, les autorités étaient au début totalement contre l’entrée au pays des cigarettes électroniques, ou le tabac chauffé. Aujourd’hui, elles disent qu’il ne faut plus bloquer l’accès à l’utilisation de ces produits. Celui qui a commencé et qui a pu arrêter la cigarette classique, il faut le laisser, il faut l’accompagner, avec une thérapie comportementale et avec des traitements», rappelle le spécialiste.