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Société

Une reprise progressive et sous haute protection chez les cabinets médicaux

• Après deux mois de fermeture des cabinets et de consultations à distance, les médecins du secteur privé reprennent le chemin de leurs cabinets.
• Trois médecins, un généraliste et deux spécialistes, nous racontent la reprise : Ils ont pris des mesures draconiennes de prévention pour réduire le risque de contamination.
• Horaire continu, rendez-vous fermes, sensibilisation des patients, de leurs assistants et haute désinfection des cabinets…

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Après avoir assuré, depuis le début du confinement, une prise en charge à distance et gracieuse à ses patients, le docteur généraliste Fadwa Belbouab, exerçant dans le quartier Hay Mohammadi, a décidé de reprendre du service. Et ce, malgré la réticence de ses enfants qui ont peur pour elle. «J’ai arrêté de me rendre au cabinet fin mars pour réduire le risque de contamination. Je faisais la consultation par téléphone. L’infirmière présente au cabinet recevait les patients et me les passait au téléphone. Il est certain que cette façon de faire était beaucoup plus envisageable avec les patients réguliers de mon cabinet. Il fallait faire le suivi mais pour les cas nouveaux, c’était plus difficile. Et parfois, je les dirigeais vers un confrère», indique Dr. Belbouab. La décision de ne plus se rendre au cabinet a été prise, au début du confinement, par de nombreux médecins et ce pour une double raison : le manque de patients, ayant peur à l’idée de sortir, et la protection contre les risques de contamination. Sans oublier que les médecins n’avaient aucune instruction de la part de leur ministère et ne disposaient pas non plus des équipements de protection. «Nous avons dû faire face à la pénurie de masques et de gels désinfectants. Donc pour nous il était impossible de travailler et de recevoir directement les patients», dit M.O, gynécologue à Casablanca. Il ne se déplaçait à son cabinet que sur rendez-vous pour des échographies et se rendait à la clinique pour les accouchements. «J’ai fait une dizaine d’accouchements pendant cette période. Et il faut préciser que cela s’est fait dans des conditions stressantes, aussi bien pour l’équipe médicale que pour les mamans dont certaines étaient paniquées et craignaient d’être contaminées», avoue le gynécologue qui a repris, depuis le 1er juin du service.
Ces deux médecins, généraliste et gynécologue, ont pris des mesures pour se protéger et protéger leurs patients : réorganisation du lieu et des horaires de travail. Concernant ce dernier point, les médecins ont opté pour l’horaire continu afin d’éviter les déplacements entre le cabinet et leur domicile. Ensuite, pour éviter la transmission du virus, le Dr Belbouab a dû réorganiser la prise en charge de ses patients : le réaménagement de la salle d’attente, d’une capacité normale de 15 personnes, pour observer la distanciation de rigueur. De ce fait, pas plus de trois personnes dans la salle. On procède à l’octroi de masques nouveaux à l’entrée du cabinet et le port de sabots médicaux et d’un tablier avant d’entrer en salle de consultation. Le drap de la table de consultation est changé après chaque consultation.
Le docteur n’a pas hésité non plus à improviser un système de désinfection des pièces de monnaies et des billets d’argent. «Les pièces de monnaie sont trempées dans une bassine remplie d’eau tiède et d’eau de javel. Pour les billets nous utilisons un spray désinfectant», raconte le médecin qui ne manque pas de souligner qu’en dépit de toutes ces mesures, subsiste encore la crainte d’une contamination. Et cela également chez les patients. Pour cela, le médecin recommande aux patients de ne se déplacer à son cabinet qu’en cas d’urgence. Et il leur interdit également de venir accompagnés. Dans ce cabinet, seul le patient peut pénétrer. Et en cas d’une personne âgée, c’est l’infirmière qui lui assure de l’aide.

Les cabinets régulent le flux des patients

Le personnel du cabinet, infirmière et agent de nettoyage, a également été sensibilisé aux mesures de prévention. Outre les équipements, dans un cabinet de dermatologie, le médecin a tenu à réguler les entrées et sorties des patients. «Cette mesure est essentielle parce qu’il ne faut pas recevoir plusieurs personnes à la fois afin de réduire le risque de contamination. Donc, nous fixons des rendez-vous aux patients qui viennent et attendent à l’extérieur du cabinet. A la sortie d’un patient, la secrétaire appelle la personne suivante. Ce qui laisse le temps à l’infirmière de désinfecter la salle de consultation», précise ce dermatologue installé sur le boulevard Abdelmoumen à Casablanca. La même précaution est prise par sa voisine de palier, I.L., pédiatre. «J’ai longtemps hésité avant de rouvrir le cabinet. Jusqu’ici j’ai assuré les cas urgents et le suivi des vaccins à domicile. C’est-à-dire que je me rendais, sur rendez-vous, chez les familles pour vacciner les bébés et faire le suivi des nouveaux-nés à la demande de la clinique avec laquelle je travaille. J’avais tout le temps le résultat de mon test de dépistage, c’est une manière pour moi de rassurer les familles», explique ce docteur. Ce service à domicile, cette jeune pédiatre a dû le facturer un peu plus cher que le tarif de la consultation au cabinet. Soit 500 dirhams au lieu de 300 dirhams.
Pour ces médecins, la reprise d’activité a nécessité l’engagement de dépenses exceptionnelles, notamment l’achat de masques, de gels hydro-alcooliques, de tabliers et des produits d’entretien dont le budget a sensiblement augmenté car il faut nettoyer, deux à trois fois par jour, le cabinet et même l’extérieur du cabinet, notamment les surfaces d’accès au cabinet. Aussi, tous les points de contact, notamment les interrupteurs, les poignées de portes et les portes d’ascenseur sont régulièrement nettoyés aux produits désinfectants. Chez la pédiatre, cette désinfection est effectuée toutes les demi-heures, car, précise-t-elle «ma clientèle est très sensible et je tiens à prendre le maximum de précautions. Et je conseille aux parents, qui le peuvent bien sûr, de faire les consultations à domicile pour réduire le risque». Récemment installée, cette jeune pédiatre a dû «difficilement se séparer de ses plantes et de certains objets décoratifs offerts à l’occasion de l’ouverture du cabinet pour réduire le risque de contamination. Pas de revues non plus dans la salle d’attente ni de jouets et peluches. Le cabinet me semble moins accueillant, mais prévention oblige…», dit-elle.
Outre les équipements de protection pour les patients, les médecins également sont tenus de porter le masque et la visière et d’utiliser des gants à usage unique pendant les consultations. Le praticien doit se laver les mains après chaque patient. Chez ces trois médecins qui ont repris il y a une semaine, on signale que le nombre de patients est encore faible. «Il semble que les patients ont encore peur de se déplacer dans les cabinets. Et ils sont encore nombreux à me contacter par téléphone pour une consultation ou un conseil. Et nous espérons que les choses iront mieux dans les jours qui viennent car nous avons des charges, notamment le loyer et le salaire du personnel soignant. Mais, l’on reste conscient qu’un cabinet, non protégé, peut être un foyer de contamination…», conclut docteur Belbouab qui confie recevoir plusieurs appels téléphoniques de ses trois enfants qui s’inquiètent pour elle et qui sont contre la reprise de son activité…