Société
Syndrome de Prader Willi : un centre de prise en charge ouvrira en 2018
L’association Prader Willi Maroc sollicite l’aide du ministère de la santé. Aucune estimation de la prévalence de la maladie n’est encore disponible. Pour le moment, la prise en charge des patients est à la charge exclusive des familles.

C’est mardi 11 avril que l’association Prader Willi Maroc a rencontré, pour la première fois, El Houssaine Louardi, ministre de la santé. Ordre du jour de la réunion: aide du ministère en matière de prise en charge des patients atteints du syndrome de Prader Willi, réalisation d’une étude pour évaluer la prévalence de la maladie au Maroc et enfin l’intégration des traitements et de la prise en charge dans l’assurance maladie. Pour Hanaa Bellahcen, présidente de Prader Willi Maroc, «cette rencontre est primordiale car jusqu’à présent cette maladie n’est pas très connue et difficilement ou pas diagnostiquée par les médecins. Ce qui aboutit à un isolement des patients et de leurs familles contrairement à d’autres pays où la maladie est prise en charge dès la naissance».
L’association, qui a lancé le projet de construction d’un centre de prise en charge des malades, sollicite une collaboration du ministère de la santé qui pourrait, selon Mme Bellahcen, permettre d’accueillir les patients à l’hôpital des enfants de Rabat en attendant l’ouverture du centre prévue en 2018. «Aujourd’hui, nous avons une promesse de la Fondation Mohammed V pour l’octroi d’un terrain pour construire le centre. Les travaux seront financés par des bienfaiteurs. Nous sommes en contact avec plusieurs donateurs, notamment des entrepreneurs qui devraient, au lieu de donner de l’argent, effectuer les travaux», explique la présidente de Prader Willi Maroc. Et d’ajouter que «le centre permettra d’assurer un suivi médical mais aussi et surtout un suivi au niveau de la formation. Les personnes atteintes du syndrome Prader Willi ont un apprentissage lent et ne peuvent être scolarisés dans des écoles normales. Nous envisageons donc une prise en charge à ce niveau pour leur permettre d’intégrer une classe normale et assurer, pour les adultes, une formation en vue de leur intégration sociale». Sans compter que «le centre, à l’instar de ce qui se fait en Europe, pourrait héberger les malades pour une journée ou un week-end afin de permettre aux familles de souffler un peu car le syndrome de Prader Willi nécessite une grande mobilisation de la famille…».
Le syndrome de Prader Willi, une pathologie lourde, chronique et coûteuse… Comment les familles font-elles face à ses différentes implications sociales et financières ?
Il faut rappeler que cette pathologie a été découverte par la majorité des Marocains suite à la médiatisation en octobre 2016 du cas de la petite Aya, âgée de 11 ans et souffrant d’une obésité morbide. Pesant 200 kg, Aya ne peut se déplacer et a été exclue de l’établissement scolaire où elle était inscrite. La maladie lui interdit toute possibilité de socialisation. On ne saurait dire combien d’enfants sont dans la même situation que la petite Aya car, au Maroc, on ignore tout de la prévalence de cette pathologie. «Aucune donnée chiffrée n’est disponible chez nous et c’est pour cela que nous sollicitons l’aide du ministère de la santé. En Europe, la prévalence est estimée à 1 sur 50 000 habitants. Le nombre annuel de nouveaux cas à la naissance est estimé à 1 sur 30000 naissances. En France la prévalence est de 1 naissance sur 15000», avance Hanaa Bellahcen.
Le coût de la prise en charge varie de 6 000 à 9 000 DH par mois
La présidente souligne que 60 familles sont membres de l’association qui a été créée en février 2016 dans l’objectif d’apporter un soutien aux patients atteints de ce syndrome et en particulier ceux démunis.
Le syndrome de Prader Willi est une maladie génétique due à des anomalies au niveau du chromosome 15. Elle se caractérise, à la naissance, par une hypotonie (un relâchement des muscles) et des difficultés à s’alimenter. Ce qui nécessite le placement du bébé dans une couveuse pour une durée variant de deux semaines à un mois et demi. Mais dès l’âge de deux ans, l’état du nourrisson change: il devient boulimique, ne peut pas marcher ni parler. Une obésité précoce associée à une prise excessive d’aliments. Ce qu’on appelle une hyperphagie. Au Maroc, témoignent les parents d’enfants atteints de ce syndrome, le diagnostic reste très difficile et rare en dépit de l’existence de certains traits caractéristiques, notamment le front étroit, les yeux en amande, les coins de la bouche tombants, les petites mains et les pieds plats. Et dans de nombreux cas, la maladie est diagnostiquée tardivement, soit après l’âge de 7-8 ans, ce qui rend la prise en charge compliquée. «Nous avons, mon mari et moi, constaté que notre bébé était mou et avait des difficultés à téter. Nous avons consulté le pédiatre qui a aussi constaté les anomalies sans toutefois parler de cette maladie. Nous avons commencé à faire des petits jeux avec notre fils pour l’aider à marcher à quatre pattes, à bouger et à se repérer dans l’espace. Par la suite, nous avons contacté un spécialiste de la psychomotricité et en orthophonie dès l’âge de deux ans. Ce qui nous a fait gagner du temps et permis à notre enfant de s’en sortir», témoigne une maman membre de l’association. L’enfant a pu évoluer normalement, grâce à un suivi médical et alimentaire strict, et il poursuit actuellement des études supérieures. C’est un des rares cas à être scolarisé dans la mesure où les enfants ne peuvent s’intégrer dans une classe normale et sont le plus souvent exclus des établissements scolaires.
Après l’âge de deux ans, surviennent de multiples complications, notamment au niveau de l’alimentation, de la croissance, de l’apprentissage, du sommeil et du comportement. Il est aussi observé un déficit en hormone de croissance et un développement pubertaire incomplet. Le déficit intellectuel est extrêmement variable d’un enfant à l’autre. Il est associé à des difficultés d’apprentissage et d’expression orale majorées par les troubles psychologiques et comportementaux.
Ce qui nécessite, selon Mme Bellahcen, une prise en charge globale et multidisciplinaire chez le psychomotricien, le nutritionniste, le dentiste, le psychologue, le psychiatre, le cardiologue, le gastroentérologue et l’endocrinologue. Ce qui représente un coût global de 6 000 à 9000 dirhams par mois. Des frais qui ne sont pas, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays, remboursables. Ce qui explique, selon la présidente de l’association, que «plusieurs enfants ne sont pas pris en charge. Notre projet de centre d’accueil, de scolarisation et d’éducation ambitionne d’aider et de soutenir les démunis».
Un soutien psychologique des familles est conseillé…
Il n’existe pas actuellement de traitement curatif de cette maladie. Dans certains pays, comme en France par exemple, on prescrit un traitement par hormone de croissance qui risque d’entraîner une croissance rapide et causer une scoliose, de favoriser l’augmentation du taux de sucre dans le sang et donc entraîner un diabète. Au Maroc, ce traitement a été administré à certains enfants sans toutefois apporter des changements ou des améliorations de leur état. Pour l’heure, seul le suivi au niveau de ces diverses spécialités précitées est nécessaire afin d’éviter des complications, notamment l’obésité handicapante et morbide dans bien des cas. Et l’association Prader Willi de préciser que «l’implication et la mobilisation des parents sont primordiales».
En effet, au Maroc, les patients atteints du syndrome de Prader Willi sont totalement pris en charge par leurs familles. «Ce qui est très lourd financièrement et psychologiquement car les familles finissent, en général, par s’isoler et n’ont plus de vie sociale. Alors qu’en Europe, il y a des centres spécialisés qui accueillent les enfants le week-end ou pour une durée déterminée afin que les parents puissent se reposer ou voyager, ce qui permet de souffler et d’éviter des dépressions», dit Mme Bellahcen. En plus de l’accueil dans les centres, dans ces pays, il est possible d’avoir une auxiliaire à domicile pour l’aide et l’accompagnement, en particulier scolaire, des enfants. Et d’expliquer que «le suivi et l’accompagnement des enfants sont nécessaires à tous les niveaux et spécialement au niveau de l’alimentation pour éviter des prises excessives de poids. Car elles sont handicapantes, privent les patients d’autonomie et aboutissent parfois au décès du malade».
La vigilance des parents s’impose en priorité au niveau de l’alimentation qui doit être contrôlée. Les aliments des repas sont pesés au gramme près et tous les excès sont bannis. Certaines familles sont obligées de fermer les cuisines à clé pour contrer la boulimie de l’enfant. Ce qui provoque, selon une maman, des crises de colère qu’il faut gérer quotidiennement… Un quotidien lourd, déprimant pour des familles livrées à elles-mêmes.
Pour des psychologues, il est conseillé de faire suivre les parents de ces patients pour qu’ils puissent accompagner l’évolution de la maladie. Sachant qu’au Maroc, avance-t-on à l’association, la majorité des enfants n’ont aucune vie sociale et ne sont que très peu à être scolarisés. C’est dans ce sens que le soutien du ministère de la santé est nécessaire…
