Société
Produits du terroir : Commerce équitable, matière première, R&D…, les leviers à renforcer
Un écosystème en pleine évolution et des paris relevés. Le développement des filières passe par un renforcement de la gouvernance à travers une amélioration de l’interprofession et un meilleur partage de la valeur entre l’ensemble des opérateurs de la chaîne.
La capitale du Souss est depuis le 31 août une vitrine géante des produits du terroir marocain, et ce à l’occasion de l’édition 2022 du Salon international des produits du terroir d’Agadir qui se poursuivra jusqu’au 5 septembre. Ouverte au grand public, cette manifestation se tient sur 4 500 m² où sont exposées toutes les richesses du terroir du Maroc. Huile d’argane, miel, couscous, safran, dattes, amandes… Tout le potentiel du Maroc en la matière s’est donné rendez-vous à cette grande foire pour promouvoir ces richesses naturelles et mettre en exergue les avancées du secteur.
Depuis 2008 avec l’avènement du Plan Maroc Vert et l’entrée en vigueur de la loi 25-26 relative aux signes distinctifs d’origine et de qualité des denrées alimentaires et des produits agricoles et halieutiques, ce segment de l’économie solidaire a véritablement réalisé un saut qualitatif. Ainsi, pas moins de 200 produits du terroir ont pu être inventoriés. En matière de reconnaissance, 70 produits ont été labellisés dont 58 indications géographiques, 6 appellations d’origine et 6 labels agricoles. C’est dire l’attention particulière dont a bénéficié le secteur depuis 14 ans. De source institutionnelle, cela se traduit aujourd’hui par un potentiel de production annuel qui dépasse les deux millions de tonnes capable de générer un chiffre d’affaires de plus de 14 milliards de DH par an. Les retombées sont aussi importantes au niveau organisationnel et au niveau emplois. Ce secteur compte plus de 3 000 groupements de producteurs (coopératives, unions, GIE…). L’intérêt porté à la valorisation et la promotion des produits à l’échelle nationale et internationale a dopé la demande et, aujourd’hui, les produits du terroir marocain sont plus que jamais en vogue à travers le monde et rencontrent un véritable engouement au sein de l’industrie cosmétique, des milieux de la recherche comme du grand public.
Made in Morocco
Pour accompagner des coopératives et des groupements dans l’effort de commercialisation, maillon faible de la chaîne, l’Agence pour le développement agricole (ADA), qui pilote le développement de la commercialisation des produits du terroir, a mis en place plusieurs programmes de mise à niveau de groupements producteurs des produits du terroir. Ils ont bénéficié aux groupements et coopératives relevant de toutes les régions du Royaume et opérant dans plusieurs catégories de produits (argane et dérivés, couscous et dérivés, cactus et dérivés, dattes et dérivés, amandes et dérivés, arachide et dérivés, plantes aromatiques et médicinales, olives de table, huile d’olive, noix, figues, truffes, légumineuses, vinaigre de pommes, confiture de cerises et produits d’origine animale). En outre, un programme d’accompagnement pour l’accès aux grandes et moyennes surfaces (GMS) a été mis en place pour référencer plusieurs produits du terroir. C’est ainsi qu’aujourd’hui sur les rayons de ces grandes surfaces sont commercialisées plusieurs marques des produits du terroir. La promotion à l’international a aussi donné ses fruits. Des centaines de coopératives et groupements de coopératives ont participé à des salons internationaux (Paris, Berlin, Abu Dhabi) dans le temps d’avant la Covid. Et cela devrait reprendre maintenant.
Pour protéger l’image du made in Morocco, l’ADA a créé un label collectif ‘’Terroir du Maroc’’. Ce label renouvelable tous les trois ans est donné à plus de 500 produits de 6 filières du secteur du terroir (argane, roses, olives de table, couscous, figues de barbarie et amandes). Afin aussi d’étendre l’accessibilité de ces richesses naturelles aux consommateurs, les rendre plus visibles et doper leur commercialisation, l’ADA a mis en place la première vitrine digitale pour la promotion des produits du terroir marocain (www.terroirdumaroc.gov.ma).
Amélioration de la gouvernance
D’importantes avancées ont ainsi été enregistrées en matière de commercialisation. Les dispositifs en la matière et les reconnaissances mises en place ont permis d’aider au développement des filières mais aussi des zones rurales d’origines qui étaient pour beaucoup marginalisées. L’impact est ainsi visible sur la femme rurale, qui représente 55% des bénéficiaires. Mais si les investissements réalisés ont permis le changement dans le milieu des femmes rurales, il reste encore à faire pour leur assurer des revenus équitables. Le milieu des coopératives nécessite encore de l’appui pour l’amélioration de la gouvernance de ces entités. Pour un institutionnel, l’agrégation pourrait être la solution pour rendre cet écosystème efficient. Le manque de matière première dont souffre aujourd’hui la filière de l’argane ou encore celle du miel, appelle de même au respect des cycles de production pour de meilleurs rendements, et à ce niveau une loi est nécessaire. De fait, le développement des filières passe par plus d’organisation de l’interprofession et un meilleur partage de la valeur entre l’ensemble des opérateurs de la chaîne de valeur. Cela nécessite un renforcement de la présence des femmes dans les différents collèges de l’interprofession, particulièrement dans le collège qui représente l’amont de la filière.
Le volet R&D est aussi encore à développer. Les investissements en la matière permettent aujourd’hui la culture de plantes endémiques, et l’arganiculture en est un bel exemple. Il y a cependant encore des efforts à faire dans ce domaine en ce contexte de changement climatique pour faire de cet écosystème si fragile et si résilient à la fois un secteur plus efficient, tout en préservant un équilibre entre intérêts marchands et ceux non marchands. Les opportunités d’exportation des produits du terroir sont multiples et réelles. La niche des produits cosmétiques bio est un segment à exploiter. A l’instar de l’argane, les figues de barbarie, les roses ou encore quelques fruits et légumes spécifiques, le Maroc dispose d’un potentiel sur lequel il faut davantage miser.