Société
«Notre principal objectif est de donner un message d’espoir, celui de la vie après le cancer du sein»
La vie après le cancer, Latéfa Cherif y croit fermement. C’est pourquoi elle a fondé, avec un groupe d’amies, atteintes de cancer tout comme elle, l’association «Les Amis du Ruban Rose». Son objectif est d’inculquer les valeurs humanitaires et l’importance de l’engagement social auprès des femmes atteintes de cancer du sein. L’association milite en vue de créer une présence autour de ces femmes malades et de promouvoir la sensibilisation au dépistage précoce.
Qu’est-ce qui a motivé la création de L’association «Les amis du ruban rose» ?
L’association a été créée suite à des rencontres entre femmes atteintes d’un cancer du sein des différents centres de traitements. Nous avons fait connaissance, partagé nos expériences et avons compris qu’il était essentiel de ne pas vivre seules cette aventure. Notre association est donc formée par un groupe de femmes, en rémission du cancer du sein ou récemment atteintes mais également des femmes amies, toutes des bénévoles pour soutenir, écouter et accompagner les malades et leurs familles. Notre principal objectif est de donner un message d’espoir, celui de la vie après le cancer du sein.
Quelles sont les principales actions de votre association ?
Les actions sont très variées et visent essentiellement la sensibilisation et l’accompagnement psychologique des femmes atteintes du cancer ainsi que de leurs proches. Pour cela, nous offrons aux femmes malades des ateliers de psychi-énergétique, d’art-thérapie, de yoga, de nutrition, de conseils en dermatologie, de relooking et bien-être, nous prêtons des perruques, turban et tout autre accessoire nécessaires à l’arrivée des chutes de cheveux. Nous avons un groupe de parole afin que nos guerrières puissent évacuer et partager, nous leur offrons également un suivi personnalisé chez un psychologue ou psychiatre en fonction des cas, nous avons également des séances de sport régulières, soit plusieurs fois par semaine. La sensibilisation est aussi l’une de nos priorités. Pour cela, nous organisons une campagne, «Octobre rose», durant le mois d’octobre. Nous avons prévu des panneaux à Casablanca, les affiches ont été faites en collaboration et avec la participation de grandes artistes marocaines. Il est également prévu une caravane Palp’mobile à travers le pays en partenariat avec Roche.
Quelle est votre principale cible ?
Toutes nos actions sont destinées au grand public certes, mais elles sont principalement orientées vers les femmes atteintes d’un cancer du sein et qui se soignent aussi bien dans le secteur privé que public. L’accompagnement que nous assurons peut se faire tant à l’annonce du diagnostic suite à la première consultation chez l’oncologue ou le chirurgien qu’après l’annonce de la maladie. Et à ce moment-là, nous sommes présentes et les accompagnons lors des séances de chimiothérapie, de radiothérapie ou de chirurgie. Notre présence physique les rassure beaucoup.
Quel est actuellement l’état de la prévalence du cancer au Maroc ?
Les chiffres ne sont pas tout à fait réels et conformes à l’existant car il n’y a pas eu un recensement au niveau du milieu rural, mais on annonce environ 15 000 nouveaux cas de cancer du sein par an, ce qui représente à peu près 40% des cancers chez la femme marocaine.
Que pensez-vous des conditions de prise en charge de cette maladie lourde et coûteuse ?
Aujourd’hui, l’accès aux soins s’est élargi grâce à la mise en place de l’assurance maladie obligatoire de la CNSS et de la CNOPS qui est venue renforcée les assurances privées ainsi que les mutuelles. Et il y a aussi le Régime de l’assistance médicale pour les économiquement démunis qui a permis à une large couche de la population, femmes et hommes, de bénéficier de soins. Cependant, le problème qui se pose au niveau du Ramed est celui de la lenteur des procédures et du retard de prise en charge. Il nous arrive de rencontrer des femmes qui attendent des mois pour un rendez-vous de consultation. Un retard qui contribue à l’aggravation de leur état, car vous savez bien qu’un cancer se propage et n’attend pas qu’un fonctionnaire veuille bien activer un dossier. Par ailleurs, l’accès aux soins reste encore impossible lorsque le malade n’a pas de moyens pour se prendre en charge !
Le ministère de la santé a mis en place un Plan national de prévention et de contrôle du cancer. A-t-il contribué à l’amélioration de la prise en charge et du suivi des patients ?
En ce qui concerne ce plan 2010-2019 du ministère de la santé, on peut dire que oui, il y a eu une petite avancée mais nous traînons toujours, car il n’y a pas de campagnes continues de prévention, alors que le ministère pourrait y mettre les moyens et élargir ses actions de communication et renforcer également les actions de dépistage. Il faut aussi noter que la situation demeure critique et difficile pour les femmes démunies et résidant dans des zones éloignées. Parfois, elles abandonnent leurs soins car elles ne disposent pas de frais de transport !
A la veille de la campagne nationale, quel est votre message pour les femmes atteintes de cancer et leur entourage ?
Je voudrais d’abord m’adresser aux employeurs à qui je demande d’être patients et d’accompagner les employés malades, car il ne faut pas oublier qu’un cancer n’arrive pas qu’aux autres ! Je demande également aux époux de ces femmes d’être solidaires et présents pendant cette étape de la vie.
Enfin, je voudrais aussi m’adresser à ces femmes, que je considère comme de véritables guerrières, et leur demander de ne pas cacher leur cancer, de briser le tabou, car ça soulage énormément, croyez moi !
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