Société
Médecine sur les ondes : Questions à Abdellah Farah, Directeur du Laboratoire à l’INPMA
« L’usage des plantes comme source de soins est toujours anarchique au Maroc »

La Vie éco : Quelles sortes de plantes médicinales existent au Maroc ?
Les plantes représentent une source immense de molécules chimiques complexes. Le Maroc recèle une richesse appréciable en matière de plantes aromatiques et médicinales (4 500 espèces végétales, 940 genres et 135 familles). Il occupe ainsi la première place parmi les pays du Sud de la Méditerranée pour sa richesse en plantes endémiques. Cependant, sur les 800 espèces de plantes aromatiques et médicinales potentiellement exploitables, seule une dizaine l’est effectivement (romarin, thym, camomille, armoise, origan, menthe pouliot, laurier sauce, lichen, câpre, pyrèthre…). Approximativement, 600 espèces sont utilisées dans la médecine traditionnelle !
Existe-t-il une toxicité de ces plantes ? Quels sont les dangers de cette toxicité pour la santé de l’individu ?
Les produits utilisés par ces herboristes constituent souvent «un panaché» de plantes, avec une méconnaissance botanique des espèces. La connaissance et les impératifs de préparation et de consommation de ces recettes ne sont pas maîtrisés. La formulation n’est pas souvent facile comme le préconisent certains praticiens. La complexité de la composition chimique des plantes rend cette opération encore plus difficile. Le mélange entre deux plantes, voire plus, augmente le danger de toxicité. Par ailleurs, les plantes peuvent contenir plusieurs composés chimiques puissants. L’absence d’une pharmacopée traditionnelle officielle et codifiée participe également à cette situation d’anarchie. Même constat concernant l’absence de législation et de contrôle des produits à base des plantes qui sont sur le marché national.
Que pensez-vous de l’usage thérapeutique des plantes au Maroc ?
En dehors des plantes traditionnellement utilisées par les populations marocaines, et en l’absence de toutes formations spécialisées, l’usage des plantes comme source de soins reste anarchique au Maroc. Les recettes sont souvent données sans aucune consultation ou diagnostic. Donc on ne peut pas parler d’un usage thérapeutique réel au Maroc, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays comme la Chine et l’Inde.
Peut-on donner des prescriptions à base de plantes sans consulter un malade ou connaître son historique médical ?
Je pense que donner des prescriptions à base de plantes sans consultation des malades est une opération incompréhensible. Un bon diagnostic ne peut se faire qu’avec une consultation directe. Dans la médecine moderne, les prescriptions sont fournies en fonction de plusieurs facteurs : l’âge, le poids, l’état du patient… Et enfin, après la prescription, un suivi de la personne est toujours préconisé pour estimer l’évolution de l’état des patients en fonction du remède.
Que pensez-vous des émissions où des naturopathes délivrent des prescriptions à travers les ondes de la radio ?
Donner des recettes simples comme compléments alimentaires c’est possible, mais délivrer des prescriptions à travers des moyens de communication, c’est quelque chose qu’il faut éviter. La plante est dotée de pouvoirs énormes et une composition chimique souvent complexe, son usage abusif peut avoir des effets néfastes à court, moyen et long terme sur la santé des personnes.
