Société
Lutte contre le cancer : l’effet du Plan national de prévention et de contrôle
Le Maroc enregistre, chaque année, 40 000 nouveaux cas de cancer. Le cancer du sein arrive en tête avec 30 000 cas par an. Et ce sont 3 400 nouveaux cas de cancer du col utérin qui sont également enregistrés. Les Marocains ont 14,67 % de risque de contracter un cancer avant l’âge de 75 ans. Création de centres régionaux d’oncologie et disponibilité des médicaments.

Début octobre, démarrera, comme chaque année, la campagne nationale de sensibilisation et de dépistage du cancer. L’objectif du ministère de la santé est de renforcer le diagnostic précoce et la prise en charge thérapeutique des personnes atteintes de cancer. C’est, dit-on au ministère da la santé, une action prioritaire de son plan d’action. Annuellement, cette campagne permet en moyenne, selon les statistiques disponibles, d’examiner 130 000 femmes dont la majorité réside en milieu rural.
Le Maroc, à l’instar des autres pays, se mobilise donc pour lutter contre cette pathologie qui, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), continue à prendre de l’ampleur à travers le monde avec 18,1 millions de nouveaux cas et 9,6 millions de décès enregistrés durant l’année dernière. Ainsi, un homme sur cinq et une femme sur six dans le monde développeront un cancer au cours de leur vie. Les cancers du sein et du col de l’utérus sont les plus répandus chez la femme. Chez l’homme, les cancers de la prostate, du poumon et du larynx sont les plus fréquents, alors que le cancer du côlon est le troisième cancer courant chez les deux sexes. Qu’en est-il du Maroc ?
Ce sont 40 000 nouveaux cas de cancers qui sont diagnostiqués chaque année dans le pays, selon le ministère de la santé. Arrive en tête le cancer du sein chez les femmes avec 36% des cas. De son côté, le cancer du col utérin progresse également de façon notoire, puisque le Maroc est passé de 2 258 nouveaux cas par an en 2012 à 3 400 nouveaux cas par an en 2018. Avec un nombre de décès qui a doublé, passant de 1 076 à 2 465 décès sur cette période.
L’hygiène de vie, notamment les habitudes alimentaires : la consommation d’aliments riches en sucre et en gras, l’excès de viandes rouges et de charcuteries, la consommation d’alcool et du tabac, l’obésité et l’inactivité physique constituent des facteurs de risques importants. Outre les consultations, lors de la campagne de dépistage, les médecins et le personnel paramédical font aussi de la sensibilisation au niveau de l’hygiène de vie et donnent des conseils via des dépliants et des livrets. Une action nécessaire lorsque l’on sait que les Marocains ont 14,67% de risque de contracter un cancer avant l’âge de 75 ans. Et ils ont 9,28% de risque d’en décéder.
L’accent est mis sur le dépistage des cancers du sein et du col utérin
Tous les établissements de soins, notamment les hôpitaux, centres de santé et centres de proximité sont mobilisés afin de faire bénéficier un grand nombre de femmes, aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
Il est à noter que cette campagne nationale est soutenue, durant toute l’année, par des campagnes menées, à travers le pays, par des associations de médecins et de bénévoles.
Dans le milieu médical, on estime que cette mobilisation s’impose dans la mesure où le cancer est la deuxième cause de mortalité au Maroc. Le taux de prévalence se situe à 139,6 cas par 100 000 et le taux de mortalité est estimé à 86,9 cas par 100 000. On notera précisément que le cancer du sein arrive au premier rang, représentant 20% des cancers, aussi bien chez les hommes que chez les femmes chez qui il est plus fréquent avec 35,8% des cas. On enregistre 8 000 nouveaux cas par an. Le cancer du col utérin est le deuxième cancer touchant les femmes avec environ 2 000 nouveaux cas annuellement. Et son taux de mortalité pourrait doubler d’ici 2040 et on compterait 4 570 décès par an. Aujourd’hui, 17,2 femmes sur 100 000 contractent ce type de cancer chaque année et 12,6 sur 100 000 meurent des suites de cette pathologie. Les cancers du poumon et de la prostate sont également répandus, selon le Centre international de recherche sur le cancer avec respectivement 6 488 et 3 990 cas recensés en 2018.
Face à une telle prévalence, le pays s’est doté d’un Plan national de prévention et de contrôle du cancer (PNPCC). Se déclinant en 78 mesures, ce plan, qui s’est étalé sur la période 2010-2019, vise la prévention, le dépistage, le traitement ainsi que l’accompagnement social des patients. Lancé officiellement en mars 2010, ce plan arrive à terme cette année et il a permis, selon le ministère de la santé, des améliorations notoires au niveau de la prise en charge et de la prévention du cancer. L’objectif est de réduire la mortalité imputable au cancer et améliorer la qualité de vie des personnes concernées. En effet, on pourrait éviter 40% des cas de cancers par an grâce à la prévention et à la réduction de la vulnérabilité des populations touchées. Ce qui explique que 7% du budget global du PNPCC, qui est de l’ordre de 8,1 milliards, a été destiné à la prévention. Pour une meilleure prise en charge et un élargissement de l’accès aux soins, 4,6 milliards de dirhams ont été destinés à l’achat des médicaments et 86 millions de dirhams pour le renforcement des soins palliatifs.
Par ailleurs, le PNPCC a alloué 578 millions de dirhams pour les infrastructures de soins et d’accueil des malades dans les diverses régions du pays.Ainsi, durant les neuf dernières années, le PNPCC a permis de doter plusieurs régions du pays de centres régionaux d’oncologie. Ainsi, entre 2011 et 2012, deux centres oncologiques ont été construits à Casablanca et Rabat et deux centres d’oncologie pédiatrique dans les villes de Marrakech et Fès. En 2013, ce sont les villes de Safi, Laâyoune, Meknès et Tanger qui ont été dotées de quatre nouveaux centres régionaux d’oncologie. Enfin, entre 2010-2015, on a procédé à l’extension des centres existants à Marrakech, Agadir, Oujda, Al Hoceima, Rabat et Casablanca. Le PNPCC ayant également comme objectif d’assurer un accompagnement interdisciplinaire des malades et de soulager leurs souffrances, sa mise en place a permis, entre 2010-2013, la construction de trois centres universitaires de prise en charge et de formation en soins palliatifs dans les villes de Casablanca, Marrakech et Fès.
La baisse des prix des médicaments et le Ramed ont élargi l’accès aux soins…
Par ailleurs, le plan national, mettant l’accent sur la détection précoce, a permis, une année après son lancement, la création en 2011 de six centres de référence de la santé reproductive et 86% du budget détection précoce, soit 146 millions de dirhams, a permis l’accès aux divers programmes mis en place. Globalement, aujourd’hui on compte environ 20 centres dans plus de 20 villes du pays.
En dépit de tous ces efforts pour un diagnostic précoce, il est constaté, malheureusement, que grand nombre de malades consultent à des stades avancés. Et c’est souvent la difficulté d’accès aux soins qui explique cela. Pour certains cancérologues en tout cas, le cancer ne constitue plus une fatalité actuellement, dans la mesure où plusieurs actions ont été mises en place, notamment l’instauration du Régime de l’assistance médicale des économiquement démunis (RAMED) et la baisse régulière, depuis 2012, du prix des médicaments anticancéreux. En effet, les Ramédistes, atteints de cancer bénéficient des consultations, des hospitalisations et aussi, grâce à la mise en place de conventions avec l’industrie pharmaceutique, des médicaments. Par ailleurs, il faudra noter que sur le marché, les anticancéreux sont plus accessibles, puisque le prix a enregistré une baisse qui va de 300 à 350 DH. Par ailleurs, dans le cadre du Plan national de prévention, le budget médicament a été multiplié par 2,6, pour passer de 270 millions de dirhams en 2010 à 700 millions de dirhams en 2019.
Au niveau associatif, on reconnaît également les avancées réalisées pour la prise en charge diagnostique et thérapeutique. Toutefois, «le processus demeure encore lent, dans la mesure où le délai entre la première consultation et le diagnostic est supérieur à 3 mois dans 52% des cas et supérieur à 6 mois dans 27% des cas». Les associations déplorent enfin, en dépit des diverses actions de sensibilisation, le recours à la médecine traditionnelle qui représente un grand risque d’aggravation de la maladie.
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