Société
L’Hôpital Cheikh Khalifa étoffe son offre pour la prise en charge des cancéreux
Le centre d’oncologie de l’hôpital introduit une nouvelle technologie de radiothérapie. Elle réduit la durée des séances d’irradiation, minimise les effets secondaires et surtout coûte moins cher que la radiothérapie conventionnelle. Les assurés AMO ainsi que ceux couverts par les assureurs privés sont pris en charge.

Le Casablanca Cancer Center de l’hôpital Cheikh Khalifa vient d’acquérir le True Beam STX. Une radiothérapie de pointe avec une technologie nouvelle dite OSMS (Optical surface monitoring system). Au-delà de la terminologie médicale et autres explications savantes avancées par les responsables de l’hôpital et du centre, on retiendra deux choses essentielles: cet équipement permet, d’une part, une réduction du temps du traitement, et, d’autre part, une amélioration de la qualité de vie du patient cancéreux.
En effet, selon le docteur Toufik Essakali Loubna, oncologue responsable du CCC, «la séance d’irradiation dure une minute au lieu de 45 à 50 minutes dans le cadre de la radiothérapie conventionnelle. La durée du traitement global passe de 25 ou 30 séances à 4 ou cinq séances avec le True beam STX». De plus, cette technologie permet le repérage précis des cellules malades, donc de la tumeur, et leur irradiation ciblée en évitant de toucher les cellules avoisinantes. Ce qui réduit le risque de fragilisation des tissus sains et minimise les effets secondaires notamment les nausées, les vomissements et la chute des cheveux. C’est pourquoi le Dr Essakali souligne l’amélioration de la qualité de vie de la personne traitée.
En cours d’installation dans de grands centres d’oncologie européens, cet équipement de radiothérapie et de radiochirurgie est désormais disponible au Maroc. Une première en Afrique et au Moyen-Orient. Depuis sa mise en place il y a une dizaine de jours, le Casablanca Cancer Center a traité cinq patients dont un ressortissant du Bénin qui témoigne des «avantages certains de cet appareil notamment la courte durée des séances. Nous passons une à deux minutes au lieu de 45 minutes».
Au-delà de la durée des séances d’irradiation et du confort, qu’en est-il de l’efficacité de cette radiothérapie nouvelle génération ?
Selon Alain Tolédano, cancérologue et radiothérapeute au centre de radiothérapie Hartmann à Paris, «le taux d’efficacité varie de 90 à 95% pour la guérison d’une tumeur. Et en cas de métastases, l’efficacité de cette technologie est également prouvée en matière de suivi, de contrôle de l’évolution de la maladie. Ce qui permet d’accompagner le malade et de prendre en charge sa douleur». Ce cancérologue souligne par ailleurs que le nouvel équipement sert aussi à la chirurgie de certaines tumeurs situées dans des zones difficilement opérables. Il est très indiqué dans le traitement des cancers de la prostate, du cerveau, du poumon, du colon et du sein . Et Dr. Loubna Essakali de préciser : «En particulier pour les tumeurs du sein gauche car cette technologie permet d’effectuer la radiothérapie sans toucher le cœur et ceci grâce à la possibilité de faire l’irradiation dite Real time tracking, c’est-à-dire en temps réel et suivant les mouvements de déplacement de la tumeur».
Le coût du traitement, pas encore définitivement arrêté selon Mohamed Harif, hématologue et directeur de l’Hôpital Cheikh Khalifa, devrait se situer, d’après les estimations des cancérologues du CCC, autour de 70 000 dirhams. Ce qui est largement inférieur au coût actuel de la radiothérapie conventionnelle qui s’élève à 120 000 DH. Comment expliquer ce différentiel de prix ?
Le nombre de patients traités par jour passera de 5 à 20
Selon les responsables du CCC, cela est dû au statut de l’Hôpital Cheikh Khalifa qui est, rappelons-le, une association à but non lucratif. D’autre part, le niveau du prix s’explique par l’alignement de la tarification de l’hôpital sur les tarifs de référence de l’assurance maladie établis par l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM). Le traitement est remboursé par les deux organismes gestionnaires de l’AMO notamment la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale et la Caisse nationale de sécurité sociale pour les assurés AMO. Et également remboursé par les compagnies privées d’assurance.
En raison de la réduction de la durée de l’irradiation, le service de radiothérapie pourra traiter un plus grand nombre de malades atteints du cancer. Ainsi, selon les responsables du centre, le nombre de patients traités quotidiennement passera de cinq à vingt. Cependant, il faudra que les médecins traitants de ces patients les dirigent vers le Casablanca Cancer Center car pour l’heure, avancent les oncologues du centre, «l’Hôpital Cheikh Khalifa vient en dernier lieu dans le choix des patients et aussi des médecins qui préfèrent souvent orienter leurs malades vers des cliniques privées. Pourtant, l’hôpital est aligné et est moins cher que les autres structures sanitaires pour des soins de meilleure qualité». Les responsables de l’hôpital tiennent à souligner que «l’hôpital ne cible pas les patients aisés mais s’adresse à l’ensemble des Marocains. Il ne s’inscrit pas non plus dans une position de concurrence, mais tient à avoir une relation de collaboration et compléter l’offre du secteur privé». Preuve en est la signature par l’établissement de conventions avec les assurés privés, les mutuelles, la CNOPS et la CNSS pour les assujettis à l’AMO.
Outre son apport en matière de radiothérapie, le True Beam STX permet également de traiter des pathologies bénignes comme certaines maladies cérébrales, des pathologies hépatiques, des maladies de la prostate ou encore ORL. Il permet aussi d’effectuer des opérations délicates dans des zones difficilement accessibles pour les chirurgiens. Ce qui justifie le lourd investissement engagé par l’Hôpital Cheikh Khalifa pour l’acquisition de cette technologie de dernière génération.
Cet investissement, dont le montant n’a pas été dévoilé, constitue, affirme Mohamed Harif, patron de l’hôpital, «une avancée pour le traitement du cancer pour les patients marocains et étrangers, en particulier les Africains qui optent pour les soins dans notre structure». Cet équipement complète l’offre de soins de l’hôpital et permet une prise en charge multidisciplinaire des patients qui mobilise l’ensemble des spécialistes de l’hôpital. Par ailleurs, le centre d’oncologie confirme son positionnement de pôle d’excellence grâce à son plateau technique comportant la radiothérapie, l’hôpital du jour dédié à la chimiothérapie, son service de médecine nucléaire, son unité de greffe de la moelle, l’unité d’aphèrèse thérapeutique et de crybiologie. En plus de l’unité de réanimation et du Laboratoire national de référence, l’ensemble visant une prise en charge oncologique globale. Celle-ci est déjà assurée par diverses techniques pratiquées à l’hôpital notamment la technique de la biopsie ganglion sentinelle axiliaire BGS utilisée pour le traitement du cancer du sein ou encore la curiethérapie pour des cancers localisés dans des zones difficiles.
Il est à préciser que le Casablanca Cancer Center prend en charge les patients atteints d’un cancer à chaque étape de la maladie: diagnostic, choix thérapeutique, traitement chirurgical, surveillance post-thérapeutique, traitement de la douleur, kinésithérapie, arthérapie, nutrition et accompagnement psychique et social.
Selon les dernières statistiques disponibles relatives à l’activité de l’hôpital depuis son démarrage en mars 2015, quelque 28 000 patients ont pu être soignés dont un peu plus d’une centaine d’étrangers notamment en provenance du Sénégal, du Cameroun et de la Côte d’Ivoire. Multidisciplinaire, l’Hôpital Cheikh Khalifa Al Nahyane Casablanca offre quatre pôles d’excellence : la cancérologie, les pathologies cardiovasculaires, les grossesses à risque et compliquées ainsi que la traumatologie routière et du sport. Il est à rappeler que l’ouverture de l’hôpital s’est faite de façon progressive. Le démarrage n’avait concerné que les consultations, les explorations de cardiologie, l’endoscopie et la radiologie. Ensuite sont entrés en activité les services des autres explorations, le laboratoire et la médecine nucléaire. Les blocs opératoires et la réanimation avaient ouvert en mai 2015. Puis, en juillet, ont suivi les services d’urgences et le centre des grands brûlés en août de la même année. L’ouverture du SAMU s’est faite en septembre 2015 après la mise en place par la direction de l’hôpital d’une coordination avec la Protection civile et le SAMU public.
[tabs][tab title = »L’activité de l’hôpital est en hausse de 25% en 2016« ]En activité depuis mars 2015, l’Hôpital Cheikh Khalifa Al Nahyane Casablanca s’est fait, selon son directeur le docteur Mohamed Harif, une place dans l’offre médicale de la ville et aussi au niveau national. Et ceci aussi bien au niveau qualitatif qu’au niveau quantitatif. D’abord parlons chiffres : le nombre de patients est passé de 8 000 en janvier 2016 à 12 000 en novembre de la même année, «soit une augmentation de 25 à 30% sur les onze mois de l’année. Cela prouve que l’hôpital se positionne bien au niveau de l’offre médicale», explique Mohamed Harif qui précise par ailleurs que la structure a effectué plus de 700 actes chirurgicaux au cours de cette année, le nombre de patients reçus aux urgences est passé quant à lui de 70 à 100 par jour. Il est à signaler qu’aux urgences de l’hôpital les patients sont, en premier lieu, pris en charge par des urgentistes qui les auscultent, font faire les examens biologiques et radiologiques avant de les adresser, si nécessaire, à des spécialistes. Et sur ce point, on peut dire que l’hôpital livre une rude concurrence aux hôpitaux publics ainsi qu’aux cliniques privées dans la mesure où il offre en urgence une prise en charge globale. Et c’est là le plus de cette structure qui offre 43 spécialités médicales et chirurgicales, ce qui lui permet d’être pluridisciplinaire. Outre le volet médical, l’établissement propose plusieurs services hôteliers de très haute qualité pour les patients qui le souhaitent. On peut citer, à titre d’exemple, les suites avec kitchenettes, wifi et chambre d’accompagnant. D’un point de vue qualitatif, l’Hôpital Cheikh Khalifa qui a opéré un démarrage progressif est aujourd’hui totalement opérationnel. Et il s’est même doté, selon son directeur, de centres spécialisés notamment le Casablanca Cancer Center, International prostate center, le Casablanca audition center, le Centre de santé sexuelle. En 2016, les équipes médicales ont pu développer les actes médicaux dans la mesure où ont été réalisées trois greffes de la cornée, des greffes de la moelle et 104 implants cochléaire (correction de la surdité chez les enfants) et des implants du tronc cérébral. Parmi les bénéficiaires de ces opérations, on peut compter plusieurs patients couverts par le Régime de l’assistance médicale pour les démunis (RAMED). «Notre objectif est de pouvoir mettre en place un système de financement pour le RAMED et prendre en charge les personnes démunies qui en bénéficient. On prévoit la mise en place d’un programme dédié à cette population par le biais d’une collecte de fonds pour financer ce projet et la signature d’une convention avec les associations et les fondations concernées afin d’assurer une prise en charge de qualité aux assurés du RAMED», dit le patron de l’hôpital. Et d’ajouter que «le projet tient toujours sauf que pour l’instant, le financement bloque». Mais cela n’empêche pas la prise en charge des ramédistes pour des pathologies lourdes, graves et des actes que l’on ne peut pas faire dans les hôpitaux publics. Par exemple, l’une des trois greffes de cornées a été faite à un jeune ramédiste de 27 ans. Aussi, plusieurs enfants démunis ont bénéficié des implants cochléaires. «Le financement se fait pour ces cas en partenariat avec des associations ou par l’hôpital seulement».[/tab][/tabs]
