Société
Les jobs d’été, très prisés mais peu encadrés…
La demande est de plus en plus importante. Elle émane des jeunes étudiants âgés de 17 à 25 ans. Le tourisme, les librairies, les centres d’appels et les établissements de soutien soclaire sont les principaux recruteurs. Mais le cadre légal fait encore défaut…

Un job d’été. C’est ce que cherchent de plus en plus de jeunes Marocains, élèves et étudiants. La motivation de ces jeunes, dont l’âge varie de 17 à 25 ans, est essentiellement de deux sortes: professionnelle lorsqu’ils recherchent un travail intéressant qui pourrait valoriser leur CV, et financière puisque le job leur permettrait de mettre de l’argent de côté afin de financer leur scolarité.
La demande existe et est de plus en plus importante au fil des années. Cependant, de l’avis des jeunes interrogés, l’offre demeure encore timide. «Les entreprises ne font pas d’annonces pour des jobs d’été contrairement à ce qui se passe dans plusieurs pays européens. Donc les jeunes n’ont pas beaucoup ou pas du tout de visibilité sur les opportunités de travail durant cette période de l’année», explique un jeune serveur, employé pour la troisième saison dans un restaurant à Dar Bouazza. C’est un de ses voisins, agent de sécurité dans ce même restaurant, qui lui a fait part de l’offre et qui l’a présenté au patron. «Ce travail est doublement intéressant pour moi, dans la mesure où il me permet de joindre l’utile à l’agréable. Je suis sur la plage toute la journée, donc je suis un peu en vacances et il permet d’avoir un revenu pour mes études et pour aider mes parents», s’enorguellit le jeune serveur qui précise avoir travaillé également pendant Ramadan puisque le restaurant a organisé des ftours. «Et pour avoir suffisamment de personnel, j’ai présenté deux cousins au patron qui les a embauchés pour les ftours du Ramadan seulement», ajoute le serveur qui souligne que le plus souvent pour décrocher un travail d’été c’est le bouche-à-oreille qui prévaut. Ce qui est confirmé par les cabinets de recrutement qui affirment que les entreprises ne font pas d’annonces pour les jobs d’été. Et, ajoute un professionnel du recrutement, «quand bien même les grosses entreprises font appel à des jeunes étudiants pour renforcer leur effectif en cette période de congé annuel, elles préfèrent parler de stage que d’emploi d’été !».
Globalement, l’offre provient des secteurs du tourisme (hôtellerie, restauration et clubs de vacances), du télémarketing, des librairies ou encore du soutien scolaire… La librairie Omar El Khayyam à Casablanca a depuis une vingtaine d’années fait appel à des jeunes étudiants durant les mois de juillet et août. Pour Latefa, actuellement cadre dans une banque, «les deux mois à la librairie m’ont permis de m’occuper pendant cette période puisqu’on ne voyageait pas. Cela me permettait aussi d’avoir un revenu mensuel. Dans le temps, je percevais 1700 dirhams et à la fin août, le patron nous donnait les fournitures scolaires dont on avait besoin. Ce qui était doublement intéressant, sans compter que ce travail-là m’a permis de me familiariser avec l’outil informatique. Je n’avais pas de PC à l’époque…».
Faire de la lecture à de vieilles personnes: une opportunité qui s’impose de plus en plus
Pour les responsables des librairies, le recrutement des jeunes leur permet d’organiser leur travail avant la rentrée afin de répondre à la demande qui enregistre un pic à la fin août et début septembre. Les librairies reçoivent les listes de fournitures fin juin et début juillet et doivent préparer les commandes à la fin août. Pour cela, elle ont besoin de renforcer leurs équipes permanentes par le recrutement de 10 à 15 jeunes temporaires durant l’été. Ce renforcement des équipes permet, dit un libraire, de diversifier les prestations, notamment couvrir les manuels, démarcher les clients par téléphone ou encore livrer les commandes à domicile.
Outre les librairies, l’offre des emplois d’été provient de plus en plus de particuliers qui recourent à une aide à domicile pour une personne âgée, malade qui a besoin d’un accompagnement, notamment pour faire de la lecture ou des jeux comme le scrabble et autres. «Les offres sont souvent affichées chez des librairies, des superettes de quartier ou bien sur Facebook. Il s’agit souvent de familles aisées, parfois des étrangers qui sont prêts à payer un salaire à l’heure intéressant pour les jeunes», explique un libraire qui a souvent procédé à la mise en contact des familles avec les jeunes. «Dans certains cas, les familles proposent aux jeunes de continuer à venir chez eux durant l’année scolaire en fonction de leur disponibilité. En moyenne, le salaire est de 200 dirhams pour une durée de deux heures ou trois heures d’accompagnement», explique le libraire. Pour Rachid, jeune étudiant à la Fac de droit, «assurer l’accompagnement de ces personnes âgées est très intéressant. Même s’il ne pèse pas lourd sur un CV, il a un côté humain qui est important pour moi. J’ai fait la rencontre de plusieurs personnes âgées dont une Française à qui je fais de la lecture et que j’accompagne pour une promenade ou pour un après-midi à la plage. Cela me rapporte 600 dirhams par semaine durant l’été. Mais en cours d’année, j’assure deux après-midis de lecture et un accompagnement mensuel chez le médecin en contrepartie de 300 dirhams par semaine. Avec un petit surplus en décembre et pour mon anniversaire».
Toujours dans cette même catégorie de travail, certains jeunes, notamment des étudiants en médecine ou sciences, proposent des cours de préparation à des concours et autres examens pour l’accès aux grandes écoles. C’est le cas de quatre jeunes étudiants vivant au quartier Ziraoui qui ont mis sur pied une micro-entreprise pour le soutien scolaire en vue des concours et de la rentrée scolaire. Ils dispensent des cours pour les matières scientifiques essentiellement dans un rez-de-chaussée des parents de l’un d’entre eux qui a été aménagé en deux salles de classe équipées d’un tableau et de dix bureaux. «Nous sommes en pleine session de préparation du concours de médecine actuellement. Nous engageons les jeunes bacheliers à raison de quatre heures par jour pendant tout le mois de juillet pour 3 000 dirhams. Ce qui est bien compétitif par rapport aux écoles qui facturent la session de préparation à 5 000 dirhams», indique l’un des étudiants qui ne manque pas de préciser qu’«il s’agit d’un petit projet que nous avons monté et qui marche depuis trois ans. Et peut-être que nous pourrions le développer, l’an prochain, en augmentant le nombre d’élèves et en élargissant les cours aux langues étrangères».
Mais on notera que deux secteurs sont aujourd’hui au premier rang des pourvoyeurs d’emplois d’été : le tourisme et loisirs et les call centers. Pour le premier secteur, le gérant d’une plage privée assure que les jeunes sont des profils très intéressants car ils ont une formation, maîtrisent au moins deux langues et sont assez disponibles durant cette période. Ce qui leur permet de renforcer leurs staffs de jour comme de nuit pour les dîners et autres soirées thématiques organisées par ces établissements. Ils sont embauchés comme animateurs de soirée ou bien de mini-clubs d’enfants en journée. Concernant la rémunération, le gérant reste plutôt discret, se contentant de dire «qu’ils sont assez bien payés». Il semblerait que le salaire est de 2 700 à 3000 dirhams en fonction des établissements et aussi des qualifications des jeunes.
Pour leur part, les centres d’appels enregistrent une importante demande d’emplois durant l’été. «Une fois les examens terminés, les jeunes, en grande majorité des filles, déposent leurs demandes. Nous faisons une sélection des profils car nous sommes intéressés par les jeunes qui maîtrisent le français et l’anglais et qui ont une bonne diction. Il faut aussi qu’ils soient ponctuels et assidus pour nous faciliter l’organisation du travail», explique un responsable d’un centre d’appels de la place qui requiert l’anonymat. Globalement, les centres d’appels recrutent des jeunes étudiants (Bac+2) qui remplacent les départs en congés et permettent d’assurer les services. Le nombre des travailleurs d’été dans ces centres peut aller de 20 à 25 jeunes. Le salaire octroyé par les centres d’appels varie de 3 500 à 4 000 dirhams en fonction des heures travaillées. Il est à noter que parfois les jeunes sont recrutés définitivement par les centres d’appels.
Un contrat de travail verbal…
Outre ces deux domaines, la distribution, en particulier les enseignes de l’habillement, offre du travail aux étudiants. Dans les centres commerciaux, on précise que cette offre est destinée aux jeunes des deux sexes mais ce sont particulièrement les filles qui sont recrutées en priorité. Les conditions ne sont pas draconiennes pour le recrutement, explique le gérant d’une boutique de prêt-à-porter, il faut que les jeunes aient une bonne présentation, soient ponctuels et parlent le français. Le salaire dans ce secteur ne dépasse pas les 2 000 dirhams avec l’octroi de petites réductions sur quelques articles de l’enseigne.
Les jobs d’été sont donc de plus en plus demandés au Maroc, mais l’offre reste encore timide et n’émane que de quelques activités déterminées. On peut également déplorer l’absence d’un cadre juridique spécifique pour ce type d’emploi. En dehors des centres d’appels qui établissent des CDD spécifiant les salaires, la durée du travail et les avantages sociaux notamment une assurance maladie, la pratique dans les autres secteurs demeure inégale et au bon vouloir des employeurs qui se contentent le plus souvent d’un contrat de travail verbal.
