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Société

Les cracks du bac : surdoués ou hyperbosseurs ?

26 ont eu plus de 18/20 de moyenne, 1969 ont dépassé 16/20. Leur recette ? Anticipation et travail acharné.

Le nouveau système favorise les notes élevées avec une pondération de 25% pour les notes obtenues en contrôle continu.

Fini les questions pièges : un candidat qui prépare bien réussit.

Des responsables du ministère, des inspecteurs et des enseignants en parlent.

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Ils sont 26 bacheliers (dont 5 de sexe masculin seulement) à avoir décroché une note supérieure à 18/20. Ils sont 409  à avoir dépassé la barre des 17/20 et 1 969 à avoir eu 16/20 et plus. Rapportés au nombre total des candidats, 250 829 en tout, ces chiffres ne sont pas particulièrement élevés, certes. Mais le fait est que, dans l’histoire du bac, hormis la période 1988 à 2001 où la réforme avait grandement ouvert les portes à l’inflation au niveau des notes, on a rarement vu autant de lauréats avoir des notes de ce niveau. Pourquoi y en a-t-il de plus en plus ? Quel est le secret de ces cracks du bac ? Sont-ils des surdoués ou tout simplement des bosseurs ? Comment ont-ils préparé leurs examens ? La Vie éco est partie à la rencontre de huit parmi ceux qui ont des notes supérieures à 18. Dans leurs récits, des points communs : l’organisation, la régularité de l’effort et du travail, la préparation précoce des examens et surtout aussi de la passion pour les matières étudiées. Comme quoi, que ce soit dans les études ou la vie professionnelle, les ingrédients de la réussite sont toujours les mêmes.
Des questions ont été posées également à de hauts responsables au ministère de l’éducation nationale, des inspecteurs à l’échelle nationale, des délégués, des enseignants sur les taux actuels de réussite, le niveau de notes…
Contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, les professionnels de l’enseignement, eux, ne trouvent pas que le taux de réussite est particulièrement bas. Mohamed Sassi, directeur du Centre national des examens, met en avant un chiffre : l’effectif des bacheliers, au terme de la première session, soit 87 605, est en augmentation de 5,5% par rapport à la première session de l’année dernière. Le taux de réussite, lui, est de 35%, soit pratiquement au même niveau que les trois dernières années. Si l’on s’en tient à la tendance des années passées, ce taux devrait grimper après la deuxième session aux environs de 45%. D’autres collègues à lui au ministère vont même plus loin en soutenant que le taux de réussite à la première session est «large». Selon des inspecteurs coordonnateurs centraux, dont Thami Hamdache, «le taux est légèrement supérieur au niveau réel des élèves, la réalité ne devant pas excéder les 20 à 25%». Hamid Mayssour, l’adjoint du délégué de l’éducation nationale à Hay Hassani à Casablanca, est en revanche plus perplexe : le taux de 37% est normal par rapport à la tendance des années précédentes et au niveau général des élèves. Cependant, il reconnaît que le taux de réussite au bac devrait être aux environs de 60% ne serait-ce que pour décongestionner les classes terminales. Il est vrai qu’avant 2001, année de mise en œuvre du nouveau système (contrôle continu et examen final national), les taux de réussite avoisinaient souvent les 65% chaque année. A partir de 2002, ces taux ont  baissé de manière spectaculaire à 35% et n’arrivent plus à décoller depuis.

Taux de réussite : faible, juste ce qu’il faut  ou supérieur à la réalité ?
Cela dit, le taux de réussite cache des disparités entre villes et académies, entre privé et public et surtout entre branches. Exemple : le taux de réussite national dans toutes les branches scientifiques réunies est de 44,82% contre 26,34% dans les branches littéraires. Ce sont en fait ces derniers qui tirent le taux vers le bas et ce depuis plusieurs années. L’explication du phénomène est simple : la branche littéraire est une sorte de fourre-tout, une option choisie par défaut. Quand un candidat n’a pas suffisamment de bonnes notes pour s’orienter vers les sciences, il ne lui reste que les Lettres. Or le paradoxe, comme le relève Chakir Akki, inspecteur coordonnateur au niveau central, «c’est qu’un candidat qui s’oriente vers les Lettres et sciences sociales doit, au contraire, avoir une excellente culture générale, maîtriser les langues, posséder une aisance dans la synthèse et la rédaction…». Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Qu’ils soient inspecteurs, enseignants ou responsables centraux, ils reconnaissent tous qu’il y a manifestement un problème d’orientation qu’il faut résoudre d’urgence.
Au taux de réussite qui reste, il est vrai, un indicateur purement quantitatif, certains opposent l’argument selon lequel l’amélioration est plus dans la qualité des bacheliers que dans leur nombre. Selon le directeur du centre des examens, il y a des indices qui ne trompent pas : pour la première session 2009, 36% des admis ont eu une mention assez bien et plus. Ils n’étaient que de 25% l’année dernière. Un avis que partage Chakir Akki pour qui il y a manifestement des choses qui ont changé dans le profil de ces nouveaux bacheliers. Autre indicateur de cette amélioration du niveau : les moyennes. Cette année, la plus élevée était de 18,67/20 et 1 969 bacheliers ont eu une note supérieure à 16/20. Des éléments qui, pourtant, ne manquent pas de soulever quelques questions. Pour une moyenne de 18 par exemple, cela veut dire que dans certaines disciplines, il faut avoir eu des 20, des 19. Comment font-ils ? N’y a-t-il pas une inflation de notes ? Les correcteurs seraient-ils plus généreux ?

Des notes trop généreuses ?
Pour y répondre, il faut d’abord revenir sur le mode de fonctionnement du système. La moyenne finale du bachelier est, en fait, la résultante de trois notes. La première est celle de l’examen final qu’il vient de passer. Elle compte pour 50% dans la moyenne finale. La deuxième composante est ce qu’on appelle le contrôle continu. C’est la moyenne des notes que l’élève obtient aux examens en classe durant toute l’année et qui compte pour 25%. Et enfin, les 25% restants, sont la note à l’examen partiel passé à la fin de la première année du bac dans certaines matières dites non essentielles. Aujourd’hui, si certaines moyennes peuvent paraître élevées c’est généralement dû aux 25% du contrôle continu. Et c’est particulièrement le cas dans les lycées privés. Selon un inspecteur coordonnateur à Casablanca qui a requis l’anonymat, «la note du contrôle continu dans les lycées de Casablanca est systématiquement comprise entre 16 et 18», ce qui donne déjà au candidat une petite longueur d’avance. Selon notre interlocuteur, si pour le privé «la note élevée du contrôle continu peut constituer un argument marketing pour attirer plus d’inscrits», dans les lycées publics on assiste à un tout autre phénomène : la compétition. La course aux meilleures notes entre enseignants d’un même établissement, entre lycées et même entre délégations et académies pousse les enseignants à être plus généreux dans la notation du contrôle continu, parfois même sur des consignes des directeurs. A.B., enseignant du bac dans un lycée à El Jadida, reconnaît qu’il est plus large avec ses élèves durant l’année. En tout cas, de l’avis de tous, à cause du contrôle continu essentiellement, les notes finales ne reflètent pas exactement le niveau réel des bacheliers. En revanche, pour ce qui est des notes de l’examen final, qui compte pour 50% dans la moyenne générale, il n’y a pas de doute : les choses se passent de la manière la plus objective et la plus impartiale. Les copies sont anonymes, les consignes de surveillance également. Alors  comment peut-on expliquer des notes aussi élevées ?

Des épreuves à la portée…de ceux qui ont bien préparé
Pour Thami Hamdache, inspecteur coordonnateur central, les épreuves sont ce qu’elles devraient être, «ni trop faciles, ni trop difficiles, mais seulement à la portée de ceux qui ont bien préparé». Alors fini les questions pièges ? Apparemment oui, si l’on croit le directeur du Centre des examens, M. Sassi. Ce dernier explique, en effet, que depuis 2008, le ministère a mis en place ce qu’on appelle des référentiels d’examen. Il s’agit de manuels qui définissent matière par matière le contenu précis et le périmètre sur lequel doit porter l’examen. La différence avec ce qui se faisait auparavant est grande : il y avait un programme que les commissions chargées d’élaborer les épreuves devaient couvrir sans aucune norme précise. Et c’est justement ce qui produisait des injustices : un élève peut avoir bien travaillé 95% du programme et se trouver piégé sur un détail qu’il n’a pas traité.  A contrario, un autre candidat qui n’a pas fourni le même effort peut décrocher le jackpot. «Aujourd’hui, il n’y a plus de place aux coups de chance», souligne M. Sassi. «L’élève qui a bien travaillé tout son programme est assuré d’avoir une bonne note». En somme, c’est le principe de l’équité qui, il est vrai, n’était pas toujours le point fort de notre bac surtout dans l’ancien système d’avant 1988.
A tel point qu’en 1987, justement, quand le taux de réussite était descendu à moins de 20%, feu Hassan II avait demandé qu’on change le système. En 1988, une nouvelle expérience est lancée avec un bac qui se déroulait, sur deux années, presque entièrement sous forme de contrôle continu. Dans les années qui suivent, le taux de réussite a alors atteint des niveaux anormalement élevés et souvent supérieurs à 60%.
Une fois de plus, devant l’inflation et la perte de la valeur du diplôme, les pouvoirs publics reviennent en 2002 à un système hybride combinant les deux. Les résultats furent immédiats : le taux de réussite en 2003 était de 38% contre 64% en 2002.

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