Société
L’acné, ça se soigne si l’on sait être patient et opinià¢tre
Si elle n’est pas à proprement parler une maladie, l’acné
peut être responsable de troubles psychologiques sérieux.
L’acné atteint surtout les adolescents mais nouveaux-nés et
adultes n’en sont pas exempts.
Alimentation trop grasse, taux excessif de testostérone… toutes sortes
d’hypothèses ont été envisagées sans qu’aucune
ne soit sérieusement retenue.

Ilest des tourments physiques dont le caractère insidieux se révèle dès leur évocation. L’acné en fait partie. Le terme, à l’oreille, claque comme un fouet ; à l’écrit, pour mieux tromper son monde, il se débarrasse de sa deuxième robe vocalique alors qu’il appartient au genre féminin, et il dérive d’un terme grec poétique équivalant à «floraison» cependant qu’il désigne un gros désagrément.
Ces simulacres ne sont pas les moindres travers de l’acné. Depuis toujours, elle nous pose une énigme et un défi : quelle est son origine et comment la guérir ? Aujourd’hui encore, son origine reste inconnue, quant à la manière de la traiter, il n’en existe pas de réellement efficace.
De floraison, si l’on admet cette métaphore, il s’agit bel et bien, mais qui aurait choisi un terreau indu, celui de la peau. Et pas n’importe quelle peau! Celle du visage, dont l’anthropologue français David Le Breton disait qu’il était «une terre que l’on n’est jamais las d’explorer». On comprend alors le mal-être dans lequel peuvent sombrer les personnes présentant des visages piquetés de boutons disgracieux. Selon une étude menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près d’un patient acnéique sur cinq se plaint de dépression et 44 % d’entre eux présentent des symptômes d’anxiété. On voit que l’acné, qui n’est pas à proprement parler une maladie, peut provoquer des troubles préjudiciables à l’épanouissement de la personnalité.
Un patient sur cinq consultant pour acné se plaint de dépression
Comment définir l’acné : médicalement parlant, c’est une maladie. Elle affecte la glande sébacée (glande située à coté des poils et qui sécrète une substance grasse : le sébum). L’acné survient lorsque cette glande se bouche et forme les boutons. Les hormones mâles jouent un rôle important sur le déclenchement de l’acné. Il faut savoir que les femmes ont aussi des hormones mâles, et peuvent donc avoir aussi de l’acné.
L’acné se manifeste à travers deux types de boutons qui envahissent le visage et le haut du corps : les boutons rétentionnels comme les points noirs et les kystes ; et les boutons inflammatoires (boutons rouges).
Quand on dit acné on pense jeunesse. Mais il faut savoir qu’il n’y a pas d’âge pour subir une acné. Les nouveaux-nés n’en sont pas exempts, les enfants en pâtissent moins, les adolescents n’y échappent pas dans une proportion de 85 %. En fait, c’est à cette phase-là que l’acné prospère et s’enhardit. Boutons disséminés sur le front, les joues, les ailes du nez et le menton en sont les vilaines manifestations. Cette acné, dite juvénile, finit généralement par abandonner le terrain vers l’âge de vingt ans. Mais elle peut persister au-delà (acné tardive, après 30 ans), particulièrement chez les femmes, qui doivent la supporter comme une malédiction. On parle alors d’«acné vulgaire de l’adulte». Rajaa, chef du personnel dans une banque, en est encore marquée, à 42 ans: «J’en ai assez de montrer, à mon âge, un visage boutonneux aux gens. J’ai tout essayé, depuis les recettes traditionnelles jusqu’aux médicaments les plus sophistiqués, en passant par les cures thermales et les fquihs. En vain. Et je dois, chaque matin, cacher sous une épaisse couche de fard ma disgrâce. Mes collègues m’appellent entre eux “taârija”, allusion à mon visage constamment peint». Comme Rajaa, beaucoup de femmes recourent parfois à des expédients inimaginables dans l’espoir d’éradiquer les signes malfaisants de ce désordre cutané.
Aïcha, 30 ans, raconte que, depuis dix ans, elle se ruine en achats de légumes dont elle se fait nuitamment un masque : «A chaque fois qu’on me recommande un légume pour ses vertus, j’en fais provision. Tout y est passé, tomate, concombre, avocat, citron…, mais mes points noirs refusent de disparaître». En désespoir de cause, elle a raclé ses fonds de poche pour se payer un voyage à Moulay Yacoub, dont les eaux sulfureuses sont censées «guérir des boutons», comme dit la chanson. Elle y a fait trempette, ses points noirs ont viré au rouge.
A Mounia, on a conseillé des bains de soleil, elle s’y prêta intensément. Ô miracle, ses boutons avaient disparu ! Quelque temps après, ils ont réapparu, plus enflammés. Cela lui a glacé le sang. «Mes boutons m’empoisonnaient la vie. Honteuse, je n’osais même pas regarder un homme. Quand ces imperfections se sont volatilisées, je me suis mise à espérer et j’ai commencé à fréquenter un jeune homme qui me trouvait quelque charme. Hélas ! il a disparu quand mes boutons ont refait surface, pensant, il me l’a dit, que j’allais le contaminer». Erreur grossière ! Tout dermatologue vous assurera que l’acné n’est pas contagieuse. Explication : le développement de la bactérie contenue dans les lésions d’acné (propionibacterium acnes) se fait à l’intérieur des follicules pileux, à l’abri de l’air et de l’oxygène.
Se drapant dans son mystère, l’acné ne laisse rien transpirer de la cause dont elle résulte. Certains l’attribuent à un excès de testostérone (hormone mâle secrétée par les testicules). Or, il n’y a pas de preuve que les gens souffrant d’acné aient plus de testostérone que les autres. Devant ce flou, pas très artistique, les imaginations se débrident.
L’acné serait due à un manque d’hygiène ? Faux. La formation des comédons (point noirs), lésion caractéristique de l’acné, découle simplement d’une trop grande quantité de sébum (matière grasse) à l’intérieur des pores. Au contraire, certains acnéiques aggravent leurs lésions en les nettoyant énergiquement, ce qui accroît l’inflammation locale et retarde la cicatrisation. Ce qui ne les dissuadera pas de se servir d’un savon, mais doux de préférence. On prétend également qu’une alimentation trop grasse favoriserait l’acné. Faux. Ni le tagine, ni le chocolat ni les gâteaux ne sont à bannir de votre table : ils sont savoureusement innocents. L’acné passerait avec les premiers rapports sexuels ou le premier bébé ? Encore faux.
Quand on a posé que ni le régime alimentaire ni l’exposition au soleil et encore moins les décoctions traditionnelles ne peuvent avoir raison de ces excroissances qui gâchent la vie, on n’a pas fait avancer l’affaire. Et les acnéiques continueront à broyer du noir.
Il faut savoir que l’acné ne se guérit pas. Toutefois, elle se traite avec plus ou moins de bonheur. Plusieurs traitement existent (péroxyde de benzoyle, acide salicylique, accutane, traitement hormonaux, antibiotiques) mais, les médecins l’avouent, l’acné est réfractaire et difficilement traitable. La vieillesse, elle, en vient bien à bout, mais à un moment où l’on n’a plus forcément envie de séduire
