Société
«La criminalité à Casablanca est différente de ce qui est relayé sur les réseaux sociaux»
Casablanca fait de plus en plus peur. A ses habitants ainsi qu’aux résidents des autres villes. Et pour cause, une grande insécurité dans certains quartiers de la métropole: violence, vols avec agression et atteintes aux personnes. Toutefois, cette criminalité est maîtrisée et reste, selon la Préfecture de police de la ville, dans des normes normales. On affirme également que la réalité est en deçà de ce qui est relayé dans les vidéos…

Casablanca est réputée être une ville violente et caractérisée par une forte criminalité. Confirmez-vous ce constat ou est-ce juste une impression ?
Il n’y a pas eu d’évolution de la criminalité à Casablanca. Et contrairement à ce qui est relayé par les réseaux sociaux et dans certains articles de presse, la criminalité reste normale pour une métropole comme Casablanca.
Si l’on compare avec le passé, le taux d’enregistrement des plaintes en 2019 est dans la normale. Pour les délits les plus fréquents, comme les vols à l’arraché et les vols avec violence, le taux de répression est de 100% en 2019 alors qu’il était de 80% en 2018. La Direction Générale de la Sûreté Nationale a mis à notre disposition les moyens pour juguler le phénomène des vols notamment pour le renforcement des brigades mobiles ainsi que le déploiement des éléments de police en civil dans les secteurs les plus touchés par la criminalité.
Combien de vols et d’actes de violence sont enregistrés quotidiennement ?
Nous sommes aujourd’hui sur les 12 districts de la wilaya à une moyenne de 4 à 5 vols à l’arraché contre 30 à 40 vols par jour en 2005-2006. Ce recul est dû à la lutte acharnée qui a été menée depuis. Au mois de septembre nous avons réalisé un taux de répression de 100% grâce à la surveillance continue des grands axes de la ville par les caméras en place et suite au traitement rapide des plaintes déposées par les victimes. Si la victime fait sa déclaration immédiatement après son agression, le ou les auteurs sont arrêtés dans l’heure ou les deux heures qui suivent puisque nous pouvons suivre son trajet grâce aux caméras ainsi qu’au signalement fourni par les victimes. Les groupes mobiles réussissent dans 80 à 85% des cas à procéder à des arrestations sur la base de ces indications. Nous procédons également à l’arrestation de 30 personnes par jour en moyenne pour détention illégale d’armes blanches. Pour les atteintes à la personne ou aux mœurs qui englobent également la prostitution et les relations hors mariage, nous avons enregistré, en 2019, 8 000 nouveaux cas et nous avons résolu 8 250 affaires.
Globalement, le taux de répression est de 90,25% à Casablanca. Depuis le début de l’année, 76 854 affaires ont été enregistrées dont 69358 résolues. Et le taux de résolution a augmenté de 3,56% par rapport à 2018. Les personnes arrêtées sont au nombre de 82 362. Le nombre des arrestations a progressé de 27,33% pour la même période.
Quels sont les types de délits les plus fréquents ?
Les affaires qui constituent le pain quotidien des services de police sont essentiellement les vols à l’arraché et les vols avec violence. C’est-à-dire avec des agressions physiques. Il y a les crimes de sang, notamment les coups et blessures, les coups et blessures entraînant la mort et les homicides volontaires ou encore les atteintes à la personne ou aux mœurs comme les viols et les atteintes à la pudeur contre les mineurs. On notera également le trafic de stupéfiants et la détention illégale d’armes blanches.
Quels sont les quartiers chauds de la capitale économique ?
C’est à la préfecture de Casa-Anfa que l’on enregistre le plus grand nombre de délits et d’actes criminels. Cela s’explique par son positionnement de pôle attractif marqué par un grand développement de la consommation. C’est à Casa-Anfa que la tentation est donc plus grande pour les délinquants issus de la périphérie et qui y viennent pour commettre leurs actes criminels, en particulier le vol. Il s’agit d’une criminalité que l’on peut qualifier de mobile parce que dans cette préfecture, les auteurs de vols affirment qu’il y a d’énormes opportunités de vol. On peut dire que c’est un fief des vols à l’arraché avec violences. Les vols concernent surtout les téléphones portables, les sacs et les objets de valeur.
Quel est le profil type des auteurs de ces actes ?
Il n’y a pas de profil bien déterminé pour les auteurs d’agressions, de vol et de violence. Mais, l’analyse des actes commis et des interventions sur le terrain nous permettent de dire que pour les vols à l’arraché, les vols avec violence, la vente et la consommation des drogues et la petite délinquance autour des établissements scolaires, les auteurs sont dans la tranche d’âge de 18 à 23 ans. Pour le vol dans les voitures et le vol qualifié, les actes sont commis par des individus dont l’âge varie entre 55-60 ans et il s’agit souvent de récidivistes. Pour les cas d’atteinte à la pudeur des mineurs, les auteurs sont âgés entre 18 ans et 50 ans.
Est-ce qu’il y a un effet de saisonnalité en matière de criminalité ?
Oui. En été, les agressions diminuent car les gens sont en voyage. On enregistre aussi une recrudescence durant certaines périodes comme Ramadan ou à l’approche de certains événements comme Aid Al Adha. Durant ces périodes, nous renforçons nos moyens sur certains quartiers sensibles où les risques sont importants et où résident les personnes récidivistes, par exemple.
Est-ce que la criminalité à Casablanca se distingue par des particularités par rapport à d’autres villes ?
On ne peut pas faire des comparaisons avec les autres villes du pays. La taille de la métropole, son expansion démographique et l’extension du périmètre urbain font que c’est un positionnement particulier. La criminalité peut y être qualifiée de mobile dans la mesure où la ville compte ce qu’on appelle des secteurs dortoirs où vivent les gens des périphéries et des banlieues.
Et surtout, la criminalité à Casablanca est différente de ce qui relayé par les réseaux sociaux avec beaucoup d’exagération. Dans le cas de l’affaire de Hay Hassani où un homme attirait les filles derrière un établissement scolaire pour les agresser sexuellement, les réseaux parlaient de 70 cas alors qu’il ne s’agissait en réalité que de 7 filles. De plus, les faits qui sont relatés sont accompagnés de vidéos tournées à l’étranger ou bien de photos ou de vidéos d’anciens faits commis il y a plusieurs années. Tout cela sème et nourrit un sentiment d’insécurité chez les citoyens. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays connus mondialement pour leur taux de criminalité élevé, la criminalité chez nous reste dans des proportions normales et, surtout, elle est maîtrisée.
Ce qui frappe le plus le Grand Casablanca ce sont les incivilités : le vagabondage, la mendicité, les rassemblements injurieux des jeunes au coin des rues ainsi que la violence collective aux alentours des stades de foot ou encore des lieux d’attraction. C’est ce qui sème le plus un sentiment d’insécurité chez les citoyens.
Que faut-il faire alors dans de pareilles situations ?
Lorsque les actes criminels sont relayés par les sites ou par les journaux et quand il n’ y a pas de plaintes déposées, nos équipes se rendent immédiatement sur les lieux pour identifier l’auteur ou les auteurs présumés de ces actes en prenant attache avec les victimes qui dressent un portrait de ces personnes. Notre stratégie prévoit aussi le déploiement d’éléments civils qui surveillent les quartiers et sur la base de plusieurs indicateurs, notamment les signalements fournis par les victimes ou les témoins, les témoignages, le modus operandi, les casiers judiciaires des récidivistes relaxés ainsi que leurs photos. Tout cela permet de procéder rapidement à l’arrestation des agresseurs s’il y a lieu.
Quel est le délai moyen pour procéder à une arrestation ?
Le délai varie en fonction du modus operandi, mais aussi de tous les indicateurs que nous avons cités ci-dessus. Pour un vol, suite à la déclaration faite par la victime et à l’aide des images des caméras mises en place, on peut procéder à l’arrestation dans l’heure ou les deux heures qui suivent. Pour d’autres cas, elle peut se faire dans les deux à trois jours. Cependant, beaucoup de plaintes ne sont pas vraies et n’aboutissent donc pas. A titre d’exemple, sur 100 plaintes pour viols on ne retient généralement que 40 cas plausibles. On est dans l’obligation de faire le tri pour évaluer la crédibilité de la plainte et pouvoir agir.
Combien y a-t-il de caméras de surveillance et où sont-elles placées ?
Nous avons aujourd’hui 210 caméras opérationnelles placées sur les grandes artères de la ville comme le boulevard Mohammed VI, la route côtière de Ain Sebâa, sur le boulevard Moulay Ismail, au niveau du port de Casablanca et de la rocade. Et nous prévoyons l’installation de 700 nouvelles caméras en 2020. Ces caméras nous permettent de procéder à des arrestations en temps réel et en flagrant délit.
Que dire alors aux Casablancais pour les rassurer ?
On doit rassurer la population en soulignant que nous n’avons pas de crime crapuleux et nous n’avons pas non plus de crime organisé à Casablanca, de meurtres en série ou de braquages à grande échelle. Cela dit, ce qui est relayé dans les réseaux sème la peur et un sentiment d’insécurité alors que la situation est totalement différente.
