Société
Ismaïl Alaoui : «Quand Rabat devient un pôle d’attraction économique, social et administratif, Salé devient une ville-dortoir»
Ismaïl Alaoui, Président de Sala al Moustaqbal

La Vie éco : Comment voyez-vous le Salé actuel, en tant que fils de cette ville et président de l’association Sala Al Moustaqbal ?
Il faut dire que pendant des décennies, la ville de Salé a été marginalisée par rapport à la ville de Rabat, déjà pendant le protectorat, et cette marginalisation s’est accentuée après l’indépendance. Quand Rabat devient un pôle d’attraction économique, social et administratif, Salé devient en quelque sorte un dépotoir (bien que je n’aime pas ce mot), où les gens viennent passer la nuit après leur jour de travail à Rabat. Comme le loyer et le foncier n’y étaient pas chers, la ville a connu un développement urbanistique sans précédent, à tel point qu’elle devient en l’espace de quelques années la deuxième ville après Casablanca ayant la densité la plus élevée. Elle a connu un exode rural effréné avec toutes les conséquences que cela entraîne, des habitations anarchiques, une misère crevant les yeux, et une bonne partie de la population de jeunes sans travail.
Et un taux de criminalité des plus élevés au Maroc…
C’est vrai, bien que cette criminalité ne soit pas l’apanage de la ville de Salé, on la trouve dans toutes les villes qui connaissent un développement urbanistique anarchique et incontrôlé. Salé vit l’épineux problème que vivent toutes les régions du Royaume : une population rurale qui n’a plus d’attaches socio-économiques dans la campagne et qui cherche refuge dans les villes les plus proches. 13 millions d’habitants vivent actuellement dans le monde rural, avec un taux de vulnérabilité important. Pour retenir sur place cette population il faudra une répartition équitable des millions de terres cultivables.
Salé aura pâti à votre avis de cette marginalisation et de ce boom urbanistique ?
Absolument. Elle en subit en tout cas tous les impacts néfastes : une ville éclatée, et un centre-ville introuvable, une ville vivant en marge de Rabat toute proche. Heureusement qu’il y a actuellement une volonté de la société civile, et même de l’Etat, pour que Salé puisse être intégrée dans une perspective d’union avec Rabat, et le projet d’aménagement de Bouregreg s’inscrit dans cette optique. De même pour le projet d’aménagement de Skhirat à Bouknadel, notre vœu est que la ville de Salé retrouve sa place comme ville moderne, développée et intégrée économiquement, tout en gardant son âme et son patrimoine socioculturel. Certes, c’est le rôle des pouvoirs publics que d’impulser cette transformation, mais la société civile de Salé a aussi son rôle à jouer en tant que force de proposition qui recense les problèmes et propose des solutions… Elle se réveille d’ailleurs pour réhabiliter la ville et la sauver des avatars d’une urbanisation anarchique, de l’oubli et de la marginalisation.
