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Société

Internet : un outil de développement pour les enfants mais aussi un danger

L’internet se
démocratise :
834 463 abonnés
en 2009.

Les enfants en
deviennent friands.
Les parents
s’inquiètent. Quelle
attitude faut-il
prendre ? Les avis
divergent.

Non à  la censure,
oui à  la liberté mais
avec un contrôle
des parents et des
éducateurs.

Publié le

rub 14016

Aquel âge un enfant peut semettre à surfer sur la toile ? Pour combien d’heures ? Quels sont les avantages qu’un enfant peut tirer de l’internet et quelles pourraient être ses dérives, voire ses dangers ?Autant de questions que se posent inévitablement tous les parents, et leur angoisse est, a priori, justifiée.Un simple clic peut transporter un mineur de sa petite chambre vers des mondes virtuels illimités.On sait que le développement prodigieux des NTIC et leur pénétration dans les foyers prennent au dépourvu toute une société. L’outil informatique a gagné des dizaines de milliers de foyers, et les cybercafés poussent à chaque coin de rue. Les chiffres sont édifiants : il y a, selon les estimations de l’Agence natioanle de réglementation des télécommunications (ANRT), à la fin mars 2009, 834 463 abonnés internet (ils étaient 433 399 à la même période de 2007) à travers le pays, soit une progression de 92,54%. opérateurs ne font rien. Ils vendent internet mais jamais accompagné de filtres pourmineurs. Aucun accompagnement ni protection au niveau des usagers. Nous sommes dans un pays qui jouit d’une liberté totale dans l’usage de cette technologie de l’information,et nous nous en félicitons, mais il faudra que cette liberté soit accompagnée d’une protection sous forme de filtre pour les mineurs.»

Les opérateurs ne font rien pour aider les parents
 De quoi a-t-on peur au fait ? Des sites qui encouragent la pédophilie, quimanipulent les mineurs, qui diffusent des contenus choquants, violents, racistes, des sites pornographiques, mais l’on craint aussi le phénomène d’addiction aux «chats» et aux jeux en ligne, répondent les spécialistes qui ont travaillé sur le sujet. Et les parents ont raison de s’alarmer, convientMohsine Benzakour, psychosociologue. Pour les enfants et les adolescents, internet doit être consommé avec modération et surtout avec un accompagnement.C’est un outil d’éducation,de partage et de découverte du monde, c’est certain.Mais il est aussi un outil qui fait apprendre de mauvaises habitudes : liberté, immédiateté et impatience», se désole- t-il. Un enfant asservi à l’ordinateur, qui veut et qui obtient virtuellement tout et instantanément via internet, vit dans la fiction, il méconnaîtra les valeurs de la patience, du travail, de la persévérance et de l’expérience de la rue. «Jouer au ballon avec ses copains dans la rue est aussi éducateur», enchaîneM. Benzakour. L’ère du numérique, jugent certains, serait même synonyme de perte d’autorité des parents et de déperdition des valeurs de la société.Cette position est quelque peu exagérée, rétorquent d’autres observateurs dans le domaine du numérique. Ceux-là vont Plus de 120 000 ordinateurs sont vendus annuellement, et le nombre de personnes qui se sont mises à la 3G s’élève à 200000.C’est dire que l’outil internet est en train d’envahir le quotidien des foyers marocains. Et c’est, en somme, naturel que les parents, face à cet intrus, commencent à montrer des signes d’inquiétude. Ce père l’exprime ainsi : «J’ai une fille de 10 ans, raconte-t-il, je suis abonné à l’ADSL depuis deux ans.Le PC est dans ma chambre et ma fille s’y est mise depuis qu’elle était petite.Aujourd’hui, elle le maîtrise assez bien. Ce qui m’inquiète maintenant c’est qu’elle commence aussi à surfer sur la toile, et je la laisse faire car je ne peux pas l’empêcher de profiter de cette technologie. Sa mère s’inquiète un peu plus que moi et le sujet commence à nous empoisonner la vie.Souvent elle arrache le fil relié au wifi pour empêcher notre fille de se connecter. » Qui a raison et qui a tort dans cette histoire ? Liberté totale ? Interdiction formelle ?Ou liberté sous contrôle parental ? Les avis divergent et les comportements des parents dépendent de l’environnement socioculturel. Une chose est sûre, en revanche : plusieurs ménages, faute de conseils et d’orientation, d’outils de filtrage offerts par les opérateurs, et d’ONG spécialisées qui fournissent explications et conseils d’utilisation d’internet, sont livrés à eux-mêmes et ne savent pas comment s’y prendre avec leurs enfants. D’autant que nombre de parents, qui ne maîtrisent pas cette nouvelle technologie et très peu l’outil informatique, se sentent dépassés et n’arrivent à exercer aucun contrôle sur leurs enfants.Malheureusement, se désole Rachid Jankari, directeur général deMITmédia et spécialiste de l’internet, «les confectionner un guide intitulé Parents ! la paternité à l’ère du numérique (voir encadré), sur les grands principes de l’exercice de la parenté à l’époque de l’internet, prodiguant des conseils à l’attention des parents et des éducateurs. Un excellent guide qui fait la part des choses a été effectivement réalisé et diffusé au début 2009 conjointement par le bureau de l’UNESCO au Maroc, Microsoft Maroc et l’Observatoire national des droits de l’enfant (ONDE). «Le nouvel environnement cybernétique de l’enfance, lit-on dans ce guide, s’accompagne effectivement de nouveaux défis,mais ne change pas fondamentalement le rôle des parents.Les technologies peuvent même encourager le dialogue entre parents et enfants, renforcer le bon sens, et même servir d’argument». Elles aident en tout cas les élèves et les étudiants dans leurs travaux de recherche, pourvu que l’utilisation de l’internet ne soit pas détournée de sa fonction première : une source de communication et d’information. Ce qui n’est pas toujours évident, soulève un professeur de l’enseignement secondaire : «Souvent, quand je demande des dossiers sur des sujets, je n’obtiens que du copié-collé. Il faut apprendre aux élèves comment utiliser internet comme source d’information et non pas rabâcher ce qui y est écrit.»

Le risque zéro n’existe pas, mais il faut prendre le maximum de précautions
Et le ministère de l’éducation nationale dans tout cela ? Depuis 2005, il a entrepris un programme intitulé Génie (Généralisation des technologies d’information et de communication dans l’enseignement au Maroc). Ainsi, 9000 établissements ont bénéficié de ce programme jusqu’à présent. L’internet est, en effet, mis à la disposition demillions d’élèves.Que faiton pour écarter le danger des sites pornographiques, ceux incitant à l’usage de la drogue, à la xénophobie et au racisme ? Deux approches sont suivies, répond Ilham Laaziz Elmalti, coordinatrice du programme Génie : «La sensibilisation des élèves et des enseignants aux spécificités de l’internet, et la mise à disposition,en partenariat avec les opérateurs, d’outils de filtrage des sites délictueux pour contrôler les informations consultées».Mais toutes ces techniques pour lutter contre les dangers de l’internet, ajoute la coordinatrice du programme, sont insuffisantes sans unemise à jour régulière et une sensibilisation continue. «Ainsi, loin de prétendre les supprimer, elles permettront de minimiser les risques d’exposijusqu’à tion des élèves aux dangers du net». En tout cas, selon elle, «la question cruciale de la protection des enfants à l’ère du tout numérique est étroitement liée à l’éducation : c’est à la fois le rôle de l’école et des parents». Et de toutes les manières, «le risque zéro n’existant pas, il faut apprendre aux enfants à prendre le maximum de précautions», avertit Jalil Bennani,psychiatre et psychanalyste (voir entretien).