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Société

Home schooling : Un rêve d’enfant exaucé par les parents

L’école à la maison, de plus en plus en vogue au Maroc, offre une pédagogie personnalisée et un emploi du temps flexible. C’est un véritable défi pour les parents qui doivent s’organiser minutieusement. Cependant, les spécialistes de l’enfance craignent la désociabilisation. Au Maroc, seuls les enfants inscrits dans les missions étrangères peuvent faire du home schooling….

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Ne pas aller à l’école et rester à la maison. Un rêve d’enfant que de nombreux parents ont, durant ces dernières années, exaucé dans plusieurs pays à travers le monde, notamment en Europe, aux USA, dans certains pays arabes (Émirats arabes Unis, l’Égypte ou encore l’Irak) et plus récemment au Maroc. En effet, durant ces dix dernières années, rester à la maison n’est plus illusoire mais désormais possible, puisque plusieurs familles optent, de plus en plus, pour l’école à domicile ou le home schooling. Selon des professeurs, c’est une tendance qui est apparue au début des années 2000 et qui a été favorisée par la crise sanitaire et le confinement imposé par les autorités en 2020. Si pendant cette période exceptionnelle, faire l’école à la maison était une tâche difficile et stressante, aujourd’hui, on peut dire que cela a permis à plusieurs familles à sauter le pas.
Qu’est-ce que le home schooling ? Qui opte et pourquoi pour cette méthode d’enseignement ? L’école à la maison est une nouvelle méthode, dite alternative, d’enseignement. C’est permettre à l’enfant d’étudier un programme scolaire officiel, à son rythme et à la maison sous l’encadrement de ses parents et/ou d’intervenants extérieurs. Il importe de souligner que la scolarité à distance n’est pas une déscolarisation mais plutôt sortir d’un enseignement classique pour une scolarisation permettant, d’après des enseignants, «de cadrer l’enfant et de l’accompagner selon un suivi individualisé qui valorise la confiance en soi et permet un plus grand épanouissement personnel».
Tout cela sous-entend donc que suivre une scolarité à distance est un choix qu’il faut assumer avec beaucoup de sérieux. C’est pourquoi certains estiment que l’un des deux parents doit être présent pour assurer les cours. Mais, ce n’est pas une obligation, selon Hasna Guenoun, mère de deux home schoolers, «car la présence parentale dépend de l’autonomie de l’enfant et de son âge». Par ailleurs et pour un suivi sérieux, les organismes de home schooling comme le Centre national d’enseignement à distance (CNED) qui dispense l’enseignement français public ou encore les autres écoles Hattmer ou encore le Cours PI, ont mis en place une organisation structurée des cours et des contrôles (voir encadré).
Par ailleurs, il y a la formule du professeur à domicile pour les familles qui en ont les moyens. Ainsi, un professeur est engagé à plein temps pour les diverses matières. Certaines familles s’organisent autrement : elles font appel à des enseignants à domicile et regroupent leurs enfants pour former des petites classes de 10 élèves au maximum pour un enseignement à la maison. Une formule qui permet de mutualiser le coût annuel qui variera entre 20 000 et 25 000 dirhams pour chaque famille. «Ce qui est beaucoup moins cher que les frais de scolarité dans les écoles étrangères», dit Kenza Touil, mère de deux enfants scolarisés à domicile. Et d’ajouter que «l’intérêt est ailleurs dans la mesure où cette formule nous permet d’avoir une école qui correspond au rythme de chacun et un meilleur épanouissement des enfants».

Liberté de déplacement et apprentissage personnalisé

Aujourd’hui, souligne-t-elle, «les parents s’organisent entre eux, via les réseaux sociaux, pour échanger les avis et les expériences. On est aussi à la recherche de conseils, surtout auprès de parents ayant vécu à l’étranger et ayant déjà pratiqué l’école à domicile dans d’autres pays».
Plusieurs autres arguments militent pour le choix de l’enseignement à domicile. Tout d’abord, les frais d’inscription et de scolarité aussi bien des missions étrangères que des écoles privées nationales. Connaissant une augmentation annuelle régulière, ces frais sont devenus exorbitants et ont rapidement encouragé les parents à sauter le pas vers le home schooling. Puis il y a les parents qui travaillent à leur propre compte, et à domicile, et pour qui cette alternative offre une opportunité de veiller directement sur leurs enfants, de suivre leur apprentissage et leur éducation. Et elle offre également la liberté de déplacement. «J’organise mes déplacements professionnels en fonction du rythme de mon enfant et cela nous permet de voyager ensemble souvent et à n’importe quelle période de l’année», souligne Mohamed Srairi, père d’un lycéen scolarisé à domicile. Et de préciser que «nous avons aussi programmé les sorties en classes vertes et des visites culturelles ensemble et adaptées au programme de l’école française».
Par ailleurs, certains parents ont opté pour le home schooling parce que leurs enfants souffrent de troubles de l’attention, de concentration, de dyslexie ou encore d’hyperactivité. L’école à domicile, dans ces cas précis, avance Majda Benkirane, pédopsychologue, permet «d’adapter l’apprentissage au rythme de l’enfant et l’accompagner pour dépasser ses difficultés. Ce qui est plus compliqué dans une classe normale». Pour une autre maman, «l’école à domicile permet à mon fils qui a un trouble d’attention de ne pas être perturbé par d’autres enfants et d’échanger directement avec les enseignements s’il a des difficultés de compréhension». Sans compter que la charge de travail est moins lourde et les cours sont organisés en fonction du rythme de l’enfant. Il importe de souligner que les programmes sont identiques aux programmes officiels des ministères de l’enseignement concernés. Par ailleurs, les parents soulignent que l’on peut également adapter le contenu pédagogique au rythme de l’enfant, à ses capacités et surtout à ses désirs et préférences. Flexible, l’emploi du temps permettra de passer d’une matière à l’autre avec beaucoup moins de contraintes que dans un emploi du temps classique établi en fonction des disponibilités des professeurs et des classes.
Il est important de souligner que dans d’autres pays, où le home schooling est réglementé, les cours à domicile font l’objet d’une inspection du ministère de tutelle et les formations sont diplômantes. Et les organismes français, américains et canadiens qui interviennent au Maroc sont soumis à ces mêmes règles. En revanche, au Maroc, il n’y a pas de home schooling au niveau de l’enseignement national. «On parle plutôt de in schooling qui consiste à donner des cours soi-même à ses enfants suivant le programme du MEN et de passer les examens en candidat libre». Si, techniquement, cette solution alternative à l’enseignement classique est intéressante, les spécialistes de la psychologie de l’enfant et des enseignants ne manquent pas de signaler les inconvénients du home schooling.
La non-scolarisation induit beaucoup moins de stress, ce qui permettra à l’enfant de mieux vivre son apprentissage, toutefois, il sera privé de l’expérience de l’adversité qui renforce sa motivation personnelle et sa maturité. Parmi les craintes formulées : la désocialisation de l’enfant et le manque ou l’absence de pédagogie des parents. Un enfant qui n’est pas scolarisé risque d’être peu sociable et coupé du monde des jeunes de son âge. Ce qui risque de rendre difficile son intégration sociale. Pour cela, les pédopsychologues appellent à la nécessité des activités parascolaires pour permettre à l’enfant de sortir de sa bulle. Par ailleurs, l’absence de pédagogie des parents peut altérer la bonne maîtrise des connaissances prévues au programme scolaire et surtout le mode de transmission du savoir. Pour ces spécialistes, la formule est plutôt destinée, et elle s’est avérée réussie, pour les très bons élèves et les enfants surdoués.

Ecole à domicile : Combien ça coûte ?

Le home schooling ou l’école à la maison, connu depuis les années 80 dans plusieurs pays étrangers, a fait récemment son entrée au Maroc.
Et ce sont notamment des organismes étrangers, français, canadiens et américains, qui offrent ce type d’enseignement. Les enfants de tout âge et de toutes nationalités peuvent y accéder.
Les organisations et les méthodologies diffèrent d’un organisme à l’autre. Tout comme les tarifs.
Ainsi, pour le Conseil national d’enseignement à distance (CNED), qui est un organisme public de l’enseignement du français, l’inscription est soumise à trois conditions : si l’enfant est malade, si la famille est contrainte à faire des déplacements fréquents ou si l’enfant suit un cursus sport études de haut niveau. On signalera toutefois que les conditions d’accès ont été durcies pour les élèves marocains et il y a même eu suspension des nouvelles inscriptions.
Pour tous les organismes, les inscriptions se font en ligne et les cours sont dispensés via des plateformes digitales. Les manuels sont également envoyés aux élèves.
Le coût du home schoolling varie d’un organisme à l’autre : il est de 8 000 dirhams (primaire/collège) et de 10 000 dirhams pour le lycée, en ce qui concerne le CNED ainsi que les autres écoles de l’enseignement français. Pour les Canadiens, les parents doivent payer 6 000 dirhams par matière. Pour les élèves du primaire, il y a quatre matières, notamment les mathématiques, l’anglais, SVT et l’histoire géographie. Au lycée, les parents devront payer pour 10 matières. En ce qui concerne le système américain, les frais de l’école à domicile varient entre 10 000 et 100 000 dirhams en fonction des niveaux. Si pour le CNED, les emplois du temps sont organisés par les parents, pour les deux autres organismes, les cours sont dispensés entre 16 et 20 heures.
Les home schoolers sont soumis à des évaluations régulières. Trois évaluations en ligne par an, soit une à la fin de chaque trimestre pour le CNED. Pour les autres écoles françaises, on comptera par an. Pour les SVT, les élèves passent des QCM. Les corrections sont faites par des professeurs agréés. Pour les Canadiens et les Américains, les évaluations sont faites régulièrement conformément au système classique.
Enfin, on signalera que les home schoolers se présentent en candidats libres aux examens du brevet et du baccalauréat dans le système français.