Société
«Habilitation au mariage» : La formation avant les noces
Le principe est d’expliquer l’institution du mariage, son importance sociale, les répercussions du divorce aussi bien sur la famille que sur la société. A terme un certificat, à joindre au dossier de mariage, soumis au juge pour l’autorisation de l’union, sera remis aux concernés.
Une formation prénuptiale des futurs jeunes mariés à la santé sexuelle et reproductive et aux droits et devoirs des conjoints. C’est ce que prévoit la convention nationale pour la promotion des droits et de la santé des jeunes qui a été signée la semaine dernière par l’Association marocaine de la planification familiale (AMPF), le Fonds des Nations Unies de la population au Maroc (FNUAP) et l’Ordre national des adouls. La signature de cette convention permettra d’élargir à l’ensemble du territoire l’expérience pilote qui a été lancée, en 2021, à Oujda auprès d’un groupe de 20 adouls. Désormais, ce partenariat sera effectif dans six autres régions du Maroc, notamment Casablanca-Settat, Fès-Meknès, Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi et Agadir-Souss-Massa. L’objectif est «d’impliquer les 24 conseils régionaux des adouls qui opèrent à travers le Maroc», explique Abdelatif Maamri, directeur exécutif de l’Association marocaine de la planification familiale.
La finalité de cette convention est de fournir, dit-on au Fonds des Nations Unies de la population, «un cadre de coopération et de faciliter la collaboration entre les parties dans des domaines d’intérêt commun». Ce qui contribuera à une meilleure sensibilisation des populations locales en milieu urbain et rural aux pratiques néfastes liées à la santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’à la Violence basée sur le genre (VBG) et à l’égalité des sexes. Aussi, ce partenariat permettra au FNUAP d’élargir sa présence dans des zones difficiles d’accès tout comme l’Ordre national des adouls et bénéficiera de l’amélioration des connaissances de ses membres en matière de Santé sexuelle reproductive (SSR), de prévention de la VBG tout en contribuant de manière significative au développement d’une nouvelle prise de conscience locale qui préviendra les pratiques néfastes parmi les jeunes populations.
Par ailleurs, le directeur exécutif de l’AMPF indique que ce partenariat est une réaction face à l’inquiétante évolution du divorce au Maroc durant ces dernières années, d’une part, et, d’autre part, à la persistance du mariage précoce des petites filles. En effet, selon les statistiques officielles, on compte 135 724 divorces qui ont été prononcés au cours de l’année 2021 contre 76 936 l’année antérieure. Un chiffre record jamais atteint depuis la promulgation de la Moudawana en 2005. Année au cours de laquelle ont été prononcés 28 232 divorces. Concernant le mariage des mineures, les données récentes démontrent, chiffres à l’appui, que de nombreuses familles marient encore, et toujours, leurs petites mineures. Sur les 20 000 demandes de mariage de jeunes de moins de 18 ans 80% sont acceptées!
C’est dire l’importance de cette convention qui permettra aux adouls de jouer un rôle social et de ne plus rester cantonnés seulement à un travail technique de contraction de l’acte de mariage. Ainsi, concrètement, il est prévu d’assurer une formation en faveur d’un pool de formateurs au niveau national composé de 30 adouls, hommes et femmes, représentant les différentes régions du Maroc. Par la suite, ces formateurs vont composer des binômes (1 binôme par région) pour former des adouls au niveau des régions. Chaque binôme doit faire au moins une formation par région en faveur de 30 adouls. L’objectif de cette première année est de faire bénéficier 340 adouls dans les six régions précitées.
Les programmes de formation et de sensibilisation sont axés sur les droits des jeunes aux droits de SSR et l’égalité des sexes. Il s’agit de sensibiliser, explique Abdelatif Maamri, les jeunes hommes et femmes souhaitant se marier aux diverses responsabilités des conjoints dans un couple, aux risques liés à la SSR et à la violence sexiste pouvant conduire à l’effondrement des structures familiales. Il est à préciser que cette formation consiste en une communication stratégique visant les jeunes qui se présentent officiellement en vue de se marier. Il ne s’agit pas, souligne-t-on auprès des adouls, «d’une démarche ou d’une procédure obligatoire à entreprendre avant le mariage. Il s’agit de débattre avec les futurs mariés sur des sujets liés à la santé sexuelle et reproductive et à la violence basée sur le genre en mettant l’accent sur les femmes et les jeunes».
Un livret pour l’habilitation des jeunes au mariage
La formation est faite ainsi de façon informelle et ne donnera lieu à aucune attestation administrative. Ce que déplorent les militantes féminines qui, citant l’exemple canadien, suggèrent l’institutionnalisation d’une formation au profit des jeunes mariés, qui se solderait par la remise d’un certificat à joindre au dossier de mariage soumis au juge pour l’autorisation de l’union. Pour l’AMPF, cette proposition est à retenir mais, pour l’heure, «il faut procéder par étape et dans cette première phase, on tente de sensibiliser les jeunes et leurs familles».
Une sensibilisation qui a pour support un guide intitulé «Permettre aux jeunes hommes et femmes de se marier», élaboré avec l’appui technique du FNUAP. Dans ce document, les jeunes trouveront des informations sur le dispositif légal régissant le mariage et des informations pratiques sur la santé sexuelle et reproductive. Ce guide est disponible en ligne et les jeunes pourront le consulter et visionner aussi des vidéos et des capsules explicatives. Selon l’AMPF, «cette même démarche se fait déjà auprès des morchidates dans les mosquées. Elles distribuent un kit permettant de sensibiliser à la fois les jeunes et leurs parents aux diverses normes sociales et dangers des MST, de la violence et du mariage des mineurs».
Parallèlement à cette opération qui a nécessité une enveloppe de 134 000 dirhams financés par le FNUAP, l’Association marocaine de la planification familiale poursuit, dans le même objectif, son action de plaidoyer pour la révision des textes législatifs régissant les droits des femmes pour en assurer la protection et en particulier les articles 20 et 21 de la Moudawana qui, faut-il le rappeler, rendent encore possible le mariage précoce notamment, accordant au juge le pouvoir discrétionnaire de donner ou pas l’autorisation aux parents de marier leurs enfants mineur.