Société
Grande mobilisation pour un Maroc sans «mika» !
200 associations se sont regroupées pour former la Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC). «Zéro Mika», une opération de ramassage de déchets plastiques a eu lieu entre le 24 et le 26 juin dernier. Gouffa, sacs en papier et tupperwares pour remplacer les sacs en plastique.

Bir Jdid, vendredi 24 juin. La petite localité située à une quarantaine de kilomètres de Casablanca est le théâtre d’un événement loin d’être anodin. Elle a été retenue pour le lancement de «Zéro Mika», une opération de sensibilisation menée du 24 au 26 juin sur l’ensemble du Maroc à l’initiative de la Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC).
Bir Jdid a vu des volontaires affluer de toute la région afin de ramasser les sachets en plastique, dans un des points noirs localisé au préalable par la coalition. «En tant que coalition, nous avons mobilisé 500 volontaires de la région d’El Jadida, Settat et Casablanca. Nous avons choisi d’investir ce terrain vague qui abrite le souk hebdomadaire de la région», explique Aziz Sakri, membre de la jeunesse du Forum des alternatives Maroc (FMAS), une des 200 ONG faisant partie de la coalition. Une ambiance bon enfant règne sur place. Une tente caïdale a été érigée afin de servir de point focal de l’opération.
La société civile à la rescousse
«Nous sommes venus en tant que tissu associatif de Bir Jdid pour participer à l’opération Zéro Mika. C’est quelque chose que nous faisons depuis 1991, mais c’est une excellente initiative qu’il faut généraliser», explique Mustapha Shouta, président de l’association Solidarité sans frontières avec les handicapés, entouré de 24 membres de son association, venus débarrasser Bir Jdid de sa «mika». Même son de cloche chez une autre association de la ville, l’association de l’Action citoyenne pour l’écologie. «On veut éliminer les sacs en plastique de Khmiss Bir Jdid. Nous avons assisté ces dernières années à la recrudescence des sacs en plastique qui finissent par contaminer les terres, alors que Bir Jdid vit en grande partie de son agriculture», assure Hicham, un des membres de cette association.
Plus loin des volontaires, un groupe de femmes rurales tissent des trousses, des sacs, des porte-monnaie et même des «gouffas» réalisés à partir des déchets de plastique. Des femmes venues de Dar Bouaaza font partie de l’association Dar B’na. «Parmi les projets de cette association créée en septembre 2015, «Antik Pastik», une initiative visant à valoriser le plastique en divers objets. Une activité qui bénéficie à une quarantaine de femmes artisanes. Nous, on les aide à les commercialiser. Les produits des femmes de Dar Bouaaza sont disponibles dans plusieurs boutiques de la région. L’argent collecté leur est distribué à 100%», assure Alain Desoriaux, membre fondateur de l’association. «Dar B’na» voit dans l’opération «Zéro Mika» une excellente opportunité pour collecter la matière première, susceptible d’être revalorisée. «Nous sommes en contact permanent avec la coalition afin de récupérer le plastique collecté. D’autre part, on essaie de sensibiliser les gens pour ne plus utiliser les sacs en plastique classiques et d’opter pour des produits plus écologiques», conclut M. Desorieux.
Les autorités locales étaient présentes en grand nombre, et ce, pas seulement pour des raisons de sécurité. «Les autorités assurent le côté logistique. Après la collecte, qui est une mission de la coalition, les autorités se doivent d’assurer le dispositif logistique et l’après-ramassage, à savoir l’incinération ou le recyclage», assure une source du comité de pilotage de la COP22. En fait, la coalition s’est associée avec trois partenaires pour démarrer cette opération. «Il y a le pôle Média présidé par Samira Sitaïl qui a mis à notre disposition un bureau conseil en communication et qui a assumé les frais financiers de cette opération ainsi qu’un travail monumental de mobilisation des médias. Le pôle Société civile qui est présidé par Driss El Yazami s’est employé à nous faciliter l’adhésion politique des autorités au niveau central et local, sans compter l’appui à la mise à disposition d’une partie de la logistique. Le mouvement associatif, membres et non membres de la coalition ont adhéré au projet et ont permis la mobilisation de près de 8 000 volontaires pour le ramassage des sachets en plastique. Un quatrième partenaire qui est une entreprise de collecte de déchets nous a fourni 4 500 kits pour la campagne (tee-shirts, casquettes, sacs en plastique, gants) et une partie des moyens de transport pour l’opération de Bir Jdid», explique Kamal Lahbib, membre fondateur de la Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC).
Les étudiants ont également été de la partie. Rachid est venu avec ses camarades de classe de l’OFPPT d’El Jadida : «C’est une excellente initiative, mais comme je suis originaire de Bir Jdid, je me demande si cela est suffisant. Le jeudi prochain aura lieu le souk hebdomadaire et cette place qu’on aura nettoyée redeviendra encore une fois couverte de plastique. Le souk de Khmiss Bir Jdid accueille plus de 8 000 visiteurs tous les jeudis».
L’opération «Zéro Mika» s’est poursuivie ailleurs. «Pas moins d’une trentaine de villes ont été concernées par cette opération de ramassage de sachets et de déchets en plastique de trois jours. Tous les citoyens étaient invités à nous rejoindre dans les différents points recensés. Une caravane de sensibilisation et de collecte se poursuivra les prochaines semaines dans les villes, les plages et les souks», souligne M. Sakri.
Des alternatives au plastique
Depuis le 12 juin dernier, la coalition a commencé son travail de sensibilisation à travers une série de 20 capsules où l’on découvre, via des témoignages, les multiples méfaits du sachet en plastique sur la santé et l’environnement. Ces capsules sont diffusées sur le web et à la télévision. Un guide des alternatives du sac en plastique a également été édité, notamment sur le site zeromika.ma, à l’attention des consommateurs et des commerçants. On découvre par exemple que l’on peut utiliser des paniers en palmier ou en osier pour une grande quantité d’éléments, le sac en papier pour les fruits et le pain ou encore des sacs en tissu, les bocaux, les bouteilles en verre et tupperwares notamment pour le poisson. «Le panier en palmier ou en osier a l’avantage d’être un produit traditionnel et artisanal marocain encourageant le travail des coopératives. Il est ancré dans le patrimoine culturel marocain et demeure très populaire, de génération en génération», souligne Kamal Lahbib.
Quant à l’arsenal juridique, les choses sont claires. Dès ce 1er juillet, la loi 77-15 va entrer en vigueur. Une loi qui interdit toute production, importation, exportation, commercialisation et utilisation de sacs en plastique destinés à l’emballage. Consommateurs, grandes surfaces, industriels du secteur du plastique : tout le monde doit se conformer à cette nouvelle loi. Le ministère de l’industrie a mis en place une stratégie pour remplacer les sacs en plastique par des sachets plus écolos. Les grandes surfaces proposeront ainsi des emballages de substitution à leur clientèle. L’Etat consacre également une enveloppe de 200 millions de DH pour aider la filière plasturgie à opérer sa reconversion. L’informel, important dans le secteur des sacs en plastique, est selon le ministère de tutelle également pris en considération. Une reconversion qui reste à démontrer pour les petites structures informelles qui n’ont pas nécessairement les moyens de passer à une activité de substitution. Idem pour ces revendeurs de «mika» qui travaillent également dans l’informel et qui vivent depuis des semaines dans la crainte de perdre leur emploi.
