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Société

« Ghorba », dureté de la vie… , elles racontent

Déjà  quand j’étais au lycée, un sentiment de ras-le-bol me gagnait : enseignement et établissement calamiteux pour commencer et mentalité laissant à  désirer pour finir.

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Hiba Mdidech, Etudiante à Lille, France : On cherche la liberté mais elle est à double tranchant. Il faut savoir la gérer.

Beaucoup de jeunes autour de moi partaient étudier à l’étranger. Je me suis dit qu’il fallait que je parte aussi après le bac. Déjà quand j’étais au lycée, un sentiment de ras-le-bol me gagnait : enseignement et établissement calamiteux pour commencer et mentalité laissant à désirer pour finir. Plus le bac approchait, plus j’étais contrainte de  faire des cours supplémentaires. Plus j’étais harcelée dans la rue, plus je me disais qu’il fallait que je parte. A côté de cela, il y a bien sûr l’envie de partir loin pour voir d’autres horizons, connaître d’autres cultures, et, surtout, quitter le toit paternel, avoir un chez soi, et être plus ou moins libre de faire ce que l’on veut, quand on veut.
Il faut dire aussi qu’en France l’éventail du choix est plus large, et les infrastructures y sont meilleures. J’ai songé dans un premier temps à faire une grande université à Paris, genre Sorbonne ou Dauphine. Ensuite, j’ai été tentée, vu mes bonnes notes au lycée, par les classes préparatoires économiques (prépas HEC) dans un grand lycée de province (ex : lycée Montaigne de Bordeaux). Finalement, j’ai opté pour des études d’ingénierie en trouvant une école qui me permettait de contourner l’épisode des classes prépas (où la concurrence fait rage) et qui offrait une double formation, ingénierie et commerce : ça sera donc, Institut Technologique Européen d’Entrepreneuriat et de Management (ITEEM) à Lille. Une fois en France, logé dans une résidence universitaire, il fallait se faire à l’idée qu’on était dorénavant seul, que l’on devait tout faire par nous-mêmes, des courses jusqu’au paiement des factures, et ce n’est pas simple à gérer avec des cours qui commençaient, et la discipline de fer qui régnait au sein de l’école. Loin de la famille et du pays, le changement est radical, à tous les niveaux. Beaucoup abandonnent ou vont faire autre chose que les études, car la liberté qu’on cherchait est à double tranchant, il faut savoir la gérer pour ne pas se perdre.
Les premiers mois sont les plus durs : on déprime et personne face à vous pour vous consoler. On a envie de rentrer chez soi, vite, regagner la douillette et insouciante ambiance familiale, bien manger, retrouver ses amis, ses habitudes… Petit à petit des liens se tissent, le doute cède le pas à l’assurance. On finit par s’habituer à vivre loin du pays, de la famille, des amis, de nouvelles habitudes se créent, les nôtres.

Farah Abdelmoumni, Etudiante à Lille, France : Même après neuf mois, il m’arrive encore d’avoir le cafard.

Le système d’éducation nationale marocain n’est vraiment pas fait pour moi, c’est un système d’excellence. Moi qui suis moyenne, je n’aurai jamais trouvé ma place dans les grandes écoles, et je n’avais pas non plus envie de me retrouver, au bout de trois ans, avec une licence en gestion et économie, mais au chômage. Ainsi, pour mettre toutes les chances de mon coté, j’ai décidé de quitter le Maroc. Après hésitation, j’ai laissé tomber l’idée du Canada et des USA à cause de l’éloignement.
En ce qui concerne les procédures à suivre, ça n’a pas été trop dur, car les élèves ayant un bac français n’ont pas besoin d’entretien à CampusFrance, un simple enregistrement sur le site fait l’affaire, et pour l’obtention du visa, c’est le lycée qui s’occupe de la prise du rendez-vous. La galère commence quand le billet d’avion est pris, et que la date de départ arrive. Beaucoup d’appréhension, de doutes, de questions nous assaillent. Et si je n’ai pas fait le bon choix ? Et si je ne m’intègre pas ? Et si je n’arrive pas à suivre et que je rate mon année ? En plus, autour de moi, des amis, des cousins, des proches, n’ayant pas réussi, ont fait des dépressions nerveuses, certains sont tombés dans la dépendance…, et donc on se sent nous aussi menacés. Mais la rage de mener notre propre vie comme bon nous semble, et de prouver à nos parents que nous ne sommes plus de petits enfants est trop forte aussi.
Une fois en France, où je me suis inscrite à l’université Lille 1, c’est une toute  autre histoire. Il faut trouver un logement, s’inscrire, ouvrir un compte bancaire, prendre un abonnement téléphonique… mille choses à faire pour entamer sa vie d’étudiant du bon pied. Mon père m’a accompagné pour m’aider à m’installer et trouver mes repères. Mais quand la personne qui nous accompagne part, et que l’on se retrouve tout seul, d’un seul coup, on n’a qu’une seule envie, prendre ses cliques et ses claques et repartir chez soi, car tout semble s’écrouler. Tes parents te manquent, tes amis te manquent, ton chien te manque, tout le beau monde que tu as laissé à des milliers de kilomètres te manque. Le premier mois fut très dur, le deuxième aussi, pareil pour troisième et le quatrième. Jusqu’à maintenant, cela fait 9 mois que je suis ici, il m’arrive encore de pleurer, d’avoir des coups de blues, d’avoir le mal du pays.
Mais, heureusement, il y a aussi beaucoup d’agréables moments. C’est une expérience de vie très enrichissante, où il faut d’abord apprendre à gérer un budget, à faire ses courses, sa vaisselle, sa lessive, se préparer à manger, tout simplement de vivre comme un adulte capable de se prendre en charge tout seul. En gros, les études à l’étranger, c’est comme un package, avec ses avantages, ses inconvénients, une bonne poignée d’excellents souvenirs et des amis irremplaçables.