Société
Des étudiants marocains en médecine s’imposent à la SIMCUP 2019
La compétition internationale de simulation médicale a eu lieu à Prague cette année. Quatre étudiants de la Faculté de médecine et de pharmacie d’Oujda se sont imposés devant l’équipe professionnelle française. Cela s’est fait en dépit des contraintes linguistiques et du manque d’expérience.
O umayma, Fatima, Amine et Driss. Ils sont étudiants en médecine. Et ce sont eux qui ont remporté le Prix international de la SIMCUP 2019 qui a eu lieu à Prague du 12 au 17 octobre. Si la compétition de la simulation médicale se déroule, chaque année, depuis 2015, au Maroc, aussi bien au niveau national qu’au niveau régional, c’est la première fois qu’une équipe participe à la compétition internationale. «C’était un grand défi pour nous, et une belle aventure que nous avons partagée à quatre. Et j’espère que d’autres étudiants marocains auront l’occasion de faire cette expérience», dit Oumayma Demnati, leader de l’équipe et étudiante en septième année à la Faculté de médecine et de pharmacie d’Oujda. Sa collègue d’équipe, Amkhaou, étudiante en sixième année à la même faculté et coach de l’équipe, ne manque pas d’ajouter: «Nous sommes partis à l’aventure, on ne pensait pas du tout que nous allions gagner, mais nous avons réussi à relever les nombreux défis de cette expérience». En effet, pour tous les membres de l’équipe, il y avait trois grands défis à relever. Premièrement, l’équipe marocaine était composée de quatre étudiants en 5e, 6e et 7e années de médecine qui devaient s’affronter à des médecins en cours de spécialisation dans la médecine d’urgence et en médecine de catastrophe. De plus, ces équipes comptaient toutes un infirmier spécialisé en médecine d’urgence en plus des quatre médecins. «La présence de l’infirmier constituait un plus, un avantage pour nos concurrents, parce qu’il s’agit d’un technicien qui maîtrise toutes les manœuvres et tous les gestes d’urgence. Il avait la pratique. Alors que nous, nous sommes encore dans le théorique, puisque la simulation médicale n’est pas encore intégrée dans le cursus des études de médecine au Maroc», explique Oumayma. Deuxième grand défi : la maîtrise de la langue anglaise. Toutes les interventions, les communications et les débriefings se font en anglais. «Nous avions, un mois avant notre départ à Prague, travaillé ensemble notre anglais médical. Car, même si nous avons des connaissances en langue anglaise, il nous fallait maîtriser l’anglais médical. Donc, pendant tout un mois, nous avons appris les noms des organes en anglais, des pratiques médicales, des analyses et des traitements et protocoles de soins», explique Oumayma Demnati. Et son acolyte Fatima Amkhaou a opté, en plus de cela, pour les séries “Dr House” et “Urgences” en version originale. Donc en anglais. «Car je voulais me familiariser avec la langue anglaise et aussi me motiver», explique-t-elle. Il faut souligner que les jeunes étudiants sont tous, à part Fatima, qui s’y est mise tout récemment, des fans des séries médicales américaines. «J’adore “Dr. House” et cela m’a appris à comprendre comment fonctionnent les services des urgences, quels gestes s’imposent et comment les médecins et les infirmiers gèrent le stress dans ce service vital pour la prise en charge des patients en situation critique», confie Oumayma Demnati. Enfin, le troisième défi à relever pour l’équipe nationale : l’absence d’expérience en simulation. En effet, comme l’ont souligné les participants, la simulation, en dépit de l’existence de centres de simulation, n’est pas une discipline enseignée. Il s’agit de simples ateliers de formation. Néanmoins, dans les deux facultés de médecine de Casablanca et Rabat, les professeurs des CHU assurent des formations en simulation médicale. Celle-ci est une discipline à part entière dans les autres pays concurrents, notamment la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, le Brésil, la République Tchèque et l’Irlande. Il est à rappeler que la simulation médicale est un exercice au cours duquel les étudiants sont mis face à une situation d’urgence réelle mais simulée, avec pour objectif éducatif de parvenir à une maîtrise sans mettre en danger le patient. Et le défi médical étant donc de sauver le malade et de le maintenir en vie. C’est ce qu’ont réussi à faire, haut la main, Fatima, Oumayma, Amine Driaouch et Driss Benali au cours des quatre grands scénarios d’urgence qu’ils ont dû affronter lors de trois tours de cette compétition.
L’équipe marocaine s’est surclassée au premier tour face aux autres équipes…
C’est avec fierté et beaucoup d’émotions que Fatima et Oumayma racontent la compétition. Les quatre étudiants vainqueurs, qui ne se connaissaient pas jusqu’en 2018 lors de la compétition nationale, se sont imposés face aux équipes britannique, irlandaise et enfin française, lors des trois tours programmés. Et à chaque fois, ils ont dû gérer un scénario d’urgence différent. Ainsi, au premier tour, ils devaient sauver une jeune femme qui a fait une overdose. «La prise en charge de cette urgence s’est faite hors milieu hospitalier, notamment dans une discothèque. Et nous avons eu droit à un véritable cadre de night-club avec la musique, l’éclairage, le décor et l’assistance. Nous avions 10 minutes pour faire le débriefing entre nous et opter pour le protocole à suivre pour sauver la victime», indique Oumayma. Il faut souligner que la victime de cette overdose, sauvée par les étudiants marocains, est un mannequin de simulation qui respire, qui fait des convulsions, qui réagit au monitorage, etc.
L’équipe marocaine qui s’est imposée devant les Français a remporté, en guise de prix, un mannequin de simulation qui sera mis à la disposition du centre de simulation de la Faculté de médecine et de pharmacie d’Oujda. Le coût du mannequin s’élève à 200000 euros pour un modèle adulte et se situe entre 30000 et 60000 euros pour un modèle enfant ou bébé. Pour les participants marocains, l’octroi de ce mannequin revêt une grande importance pour leur faculté qui dispose d’un centre de simulation mais qui manque de moyens. Ils ne manquent pas de préciser que le développement de la simulation dans les cinq facultés de médecine est tributaire des moyens techniques et humains, notamment des médecins spécialisés et des infirmiers techniciens spécialisés aussi.
Au deuxième tour, les équipes marocaine et britannique se sont affrontées pour sauver un patient souffrant d’une bronchopneumopathie obstructive. «Le patient avait du liquide autour du cœur, il nous fallait le sauver en milieu hospitalier cette fois-ci. Après avoir fait le diagnostic, nous avons déterminé les radios et les examens biologiques à effectuer afin de prescrire un traitement. Nous avons pu éviter l’arrêt cardiaque alors que l’équipe britannique n’a pas eu cette chance. Il fallait faire preuve de rapidité, gérer le stress et prendre les risques qu’il faut afin de faire face à la situation», raconte fièrement Fatima Amkhaou qui a également pris un risque en se rendant à Prague pour cette compétition hautement stressante alors qu’elle est enceinte de cinq mois. Enfin, la finale. Nos étudiants ont dû travailler et collaborer avec les médecins urgentistes français pour sauver trois patients présentant une hypothermie, une grave fracture de la jambe avec une plaie ouverte et traumatisme crânien. Ils sont victimes d’un accident en mer alors qu’ils étaient dans une barque qui s’est renversée. Il est à noter que le décor a été minutieusement reproduit et les concurrents étaient sur une barque et arrosés d’eau à l’aide de gros tuyaux. Cette mise en situation n’a pas du tout déconcentré Oumayma, Fatima, Driss et Amine qui ont eu les bons réflexes, les bons gestes et ont pu maîtriser la situation d’urgence et sauver les trois victimes. «Cette finale était très stressante pour nous qui n’avons jamais été dans une pareille situation, Nous sommes intervenus tout en expliquant notre choix aux coéquipiers français et en récapitulant, à chaque fois, en anglais les diverses étapes de prise en charge au jury !», se souvient Oumayma qui reconnaît la forte implication de toute l’équipe. D’ailleurs, ajoute-t-elle, pour cette épreuve le jury a évalué aussi bien le travail d’équipe que le comportement individuel des participants. L’évaluation des prestations des équipes lors de la SIMCUP se fait sur la base d’un scoring réunissant plusieurs critères, notamment la réactivité, l’évaluation de la situation d’urgence, le protocole de soins, les examens radiologiques et biologiques demandés, la gestion du stress, etc.
Le jury se prononce sur la base d’une grille d’évaluation pour noter les équipes participantes aussi bien au niveau des réflexes, des gestes et actes médicaux accomplis, des décisions prises qu’au niveau de la communication inter-candidats.
Parmi ce jury, il y avait le professeur Mouhaoui Mohamed, chef de service de réanimation au Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd de Casablanca. Une compétence qui a, selon les gagnants à la SIMCUP 2019, développé la simulation médicale et qui a encadré les participants. Et bien entendu dans un souci de neutralité et d’impartialité, il n’a pas fait partie du jury de la finale remportée par l’équipe marocaine.
Au-delà de la victoire, les jeunes étudiants affirment que la SIMCUP leur a permis de relever des défis importants avec les moyens dont ils disposaient, et le peu d’expérience en la matière face à des concurrents plus âgés et surtout plus expérimentés. Une expérience qui leur donne à réfléchir quant à la suite de leur parcours de formation. Fatima veut se spécialiser en dermatologie et Oumayama en pédiatrie. Mais, depuis le 17 octobre, il n’est pas exclu qu’elles se spécialisent en urgence pédiatrique et de dermatologie. Elles y pensent déjà et elles évaluent même les contraintes de cette spécialité médicale qui, de leur propre aveu, commence à les tenter de plus en plus…