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Société

Casa : 7 000 véhicules en heure de pointe à  certains carrefours

Vétusté du parc automobile – 63% du parc marocain a 10 ans et plus -, incivisme des conducteurs, présence de poids lourds venus du port en plein centre-ville, retards dans la réalisation de certains travaux d’aménagement…, circuler à  Casa est devenu un cauchemar.Embouteillages inextricables aux heures de pointe, pollution, accidents, des solutions urgentes sont requises. Taxis, petits et grands, dans leur course au gain, aggravent encore l’anarchie qui règne dans les artères de la ville.

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La circulation routière est devenue le cauchemar des Casablancais. On sait en effet que la ville blanche, avec quelque 600 000 véhicules, compte 25% du parc automobile du Maroc. 15 000 taxis, petits et grands, et 600 bus y circulent. Mais Casablanca abrite aussi trois millions d’habitants, tous usagers de la route, que ce soit à titre de piéton, d’automobiliste, de cycliste ou de motocycliste…

Or, comme le dit ce spécialiste au sein du Conseil de la ville, la circulation et les déplacements sont aussi vitaux dans la vie d’une cité que les canalisations d’eau ou les branchements d’électricité. «A pied ou dans un véhicule, un citoyen a besoin d’un minimum de confort. Une route sécurisée et une circulation bien organisée aident au rendement. Aller à l’école, se rendre au travail nécessitent de bonnes routes et une bonne sécurité routière.

De toute façon, les routes ont une capacité, en nombre de véhicules, à ne pas dépasser sous peine de saturation». Et «c’est ce qu’on est en train de vivre», ajoute-t-il en guise de conclusion. La situation est-elle si alarmante ? Le problème cardinal dont se plaignent les Casablancais est celui des embouteillages. Aux heures de pointe, certaines artères de la ville deviennent de véritables points noirs.
«Rond-point Chimicolor», un des carrefours par où transitent le plus de véhicules

Il est 16h30 ce lundi 14 juillet. Une file interminable de véhicules occupe le boulevard de la Résistance. Ils remontent depuis la Place Dakar (dite «rond-point Chimicolor»), et vont vers le boulevard Mohammed V. Pareil dans l’autre sens. Un enchevêtrement inextricable de véhicules. Taxis rouges et blancs, autobus, voitures et semi-remorques se bousculent pour sortir de la mêlée. Une chape de fumée enveloppe les lieux. Un concert de klaxons énervés fait encore monter la tension.

Les plus téméraires réussissent, en slalomant à leurs risques et périls, à se frayer un chemin pour sortir de cet enfer, au détriment des autres conducteurs dont certains n’hésitent pas à baisser les vitres pour les traiter de tous les noms d’oiseaux. C’est la loi de la jungle et conduire devient une épreuve pour les nerfs. Des règles élémentaires du code de la route, comme le respect de la priorité, du stop ou du feu rouge n’ont plus aucun sens. Un automobiliste, cadre bancaire de son état, raconte : «Il me faut trente minutes pour faire moins d’un kilomètre au centre de la ville.

Ce carrefour [la Place Dakar] devient ma bête noire. Pas d’agents de la circulation pour réguler le flux. En général,un seul est en poste à cet endroit, vite dépassé par les événements. Aux heures de pointe, il est incapable de contrôler la circulation. Je me demande pourquoi des poids lourds circulent encore à l’intérieur de la ville. C’est scandaleux. Où sont les élus locaux et le Conseil de la ville? Où sont les solutions qu’ils proposent pour mettre un terme à cette anarchie ?», peste-t-il.

Ce carrefour est en effet parcouru à toute heure de la journée par des camions remorques ou semi-remorques qui viennent du port, transportant conteneurs, bobines d’acier, bois…, pour rejoindre les usines situées à la périphérie casablancaise, ou d’autres villes du pays. Puissants, dangereux, ils sont les maîtres de la route et imposent leur loi aux autres usagers. Le banquier qui a livré ce témoignage travaille dans une agence sise boulevard Emile Zola, et il doit emprunter quotidiennement ce trajet pour rentrer chez lui, au boulevard Moulay Youssef. Quand il a enfin réussi à se sortir de ce carrefour infernal, il en a encore deux autres à affronter, du même acabit : celui de la Place Zallaka, sur le boulevard des FAR, et celui de la Place Verdun.

Selon des études réalisées par le Conseil régional de la ville, le carrefour de la Place Dakar est l’un des plus problématiques de Casablanca en matière de circulation. Selon l’étude faite en 2004, à l’occasion de la préparation du Plan de Déplacement Urbain (PDU) en vigueur, pas moins de 6 887 unités de véhicule particulier (UVP) y circulaient en heure de pointe le matin. Normal : ce carrefour reçoit les flots des voitures, des camions et des bus qui empruntent les huit artères qui convergent vers le rond-point, dont les grands boulevards de la Résistance, Emile Zola, Mohamed Diouri et le boulevard Ibn Tachefine.

Ce carrefour relie en effet le nord et le sud de Casablanca, et une trémie devait y être creusée. Le déplacement des réseaux de Lydec et de Maroc Telecom a été effectué. Ce tunnel permettra-t-il pour autant de fluidifier la circulation dans cette zone ? «En partie seulement, confie une source proche du dossier. Le projet remonte à 1976, et la situation a, depuis, changé, avec la construction de l’autoroute Casablanca-Rabat. Il faisait partie d’un projet global comportant un pont aérien à partir du port, qui aurait permis d’éviter la circulation des camions remorques en pleine ville. Sans ce pont, la trémie est un pis-aller».

Notons que le PDU prévoit la construction de plusieurs trémies pour fluidifier la circulation à plusieurs carrefours de la ville, sans parler des futurs transports en commun (tramway, métro…). En attendant, Place Dakar, les embouteillages se sont aggravés pendant les travaux de déplacement des installations de Lydec et Maroc Telecom, et les usagers redoutent le même scénario quand débuteront les travaux de creusement du tunnel.

La situation est également presque aussi critique ailleurs dans la ville. Ainsi, chaque matin, entre 8h30 et 9h15, raconte un autre conducteur, entre la Sqala, sur le boulevard Al Mouahhidine, et la Place Zellaka, des files ininterrompues de véhicules aux heures d’ouverture des bureaux.

Les poids lourds qui circulent en ville contribuent à la congestion des artères
«Ce type d’embouteillage n’est pas seulement dû à la saturation des artères et à l’absence de trémies ou de ponts pour décongestionner la circulation. L’attitude des conducteurs y contribue aussi amplement», se plaint cet ingénieur de la circulation au Conseil régional de la ville. Celle notamment des chauffeurs de poids lourds, qui sortent lourdement chargés du port, et donnent des sueurs froides aux autres usagers. Des conteneurs mal arrimés sont ainsi tombés en pleine circulation tuant parfois plusieurs personnes.

Cette femme, qui habite à Mohammédia et travaille à Casablanca, en croisent souvent sur sa route, au quartier Aïn Sebaâ et sur le boulevard Moulay Ismaïl. Elle s’en plaint avec colère. «Ils alertent à 300 mètres de distance par un klaxon tonitruant pour sommer les autres usagers de la route de libérer le passage. Ils ne respectent jamais leur couloir. Ils doublent tout en libérant d’épais volutes de fumée noire de leur tuyau d’échappement. Il faut absolument lever les vitres et attendre que la fumée se dissipe. C’est un calvaire».

«Il faut les voir circuler à 80 km à l’heure sur le boulevard Emile Zola, en plein centre-ville», renchérit un agent de la circulation.
Circulation est synonyme, en effet, de pollution à Casablanca. Les bus, les camions et les taxis blancs en sont les principaux émetteurs, dans l’impunité totale, au vu et au su des autorités locales, élus et services de police. Les véhicules utilitaires, souvent vétustes, y participent tout autant. Les statistiques officielles parlent, en effet, de 63% de voitures sur les 2,3 millions que compte le parc automobile marocain ayant 10 ans et plus, la moitié fonctionnant au gasoil. Pollution assurée.

Les transporteurs travaillant à leur compte et dont les véhicules ne sont pas de la première jeunesse ne se pressent guère pour les renouveler, malgré la primes à la casse instaurée par le ministère de l’équipement et du transport de Karim Ghellab et, rien que pour la période 2008-2010, atteignent 510 MDH.

Mais souvent, ce sont les mauvaises habitudes des conducteurs qui sont en cause. Taxis blancs et rouges s’arrêtent sans crier gare en plein milieur de la chaussée pour prendre des clients. L’essentiel pour eux est d’embarquer le maximum de passagers en un minimum de temps. Une véritable course contre la montre. «Si nous ne conduisions pas ainsi, nous ne gagnerions pas notre croûte. Il nous faut amortir les frais de consommation du véhicule, payer la location de l’agrément et dégager quelques bénéfices.

Pour cela il faut courir», se justifie un chauffeur de taxi. Les chauffeurs de taxis ne sont pas les seuls coupables. Les automobilistes s’arrêtent aussi n’importe où, souvent en deuxième position, par exemple pour acheter des fruits ou du poisson vendus sur des charrettes au bord de la route.

Les agents de la circulation (quand il leur arrive d’être vigilants) arrêtent parfois des contrevenants en plein milieu de la chaussée pour leur demander leurs papiers, et perturbent ainsi davantage la circulation. Le plus souvent, pourtant, se plaignent les usagers, ces agents sont aux abonnés absents. Ils regardent, sans réagir : des bus qui roulent à toute allure, des piétons qui traversent en diagonale, des motocyclistes qui brûlent le feu rouge, des automobilistes qui bloquent un couloir réservé à une direction donnée et signalé par une flèche verte.

Pour couronner le tout, un phénomène nouveau : des chapelets de dos d’âne (voir encadré) qui parsèment les routes en dehors de toute norme. Dur, dur de circuler à Casablanca.