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Cancer : la création d’un fonds spécial s’impose pour une prise en charge globale
Un groupe de citoyens se mobilise pour la création d’un fonds spécial de lutte contre le cancer. La pétition, lancée le 27 décembre, a collecté 6 000 signatures en deux jours. Placé sous la tutelle du ministère de la santé, le fonds devrait permettre l’accès aux soins et aux médicaments. Devraient en bénéficier les patients nécessiteux et ceux de la classe moyenne.

Au Maroc, le taux d’incidence du cancer est de 139,6 cas pour 100000, et le taux de mortalité est estimé à 86,9 cas pour 100000. Les Marocains ont, selon le Centre international de recherche sur le cancer, 14,67% de probabilité de contracter un cancer avant l’âge de 75 ans, et 9,28% de risque d’en mourir avant le même âge. Pathologie chronique, lourde et coûteuse, le cancer, tous types confondus, reste très lourd à gérer, aussi bien pour les patients qui en sont atteints que pour leur entourage. «C’est une grande souffrance morale, financière et sociale. C’est une maladie qu’un grand nombre de familles marocaines confrontent ou ont confronté difficilement. Pour cela, nous avons lancé cette initiative», explique Omar Cherakaoui, professeur de droit à la Faculté des sciences juridiques et sociale de Mohammédia. Une initiative qui ambitionne de trouver, souligne-t-il, «une solution juridique qui aiderait à assurer une prise en charge digne de ce nom pour les personnes atteintes de cancer». Avec un groupe de citoyens, Omar Cherkaoui a lancé une pétition en vue d’élaborer une proposition législative pour la création, par le gouvernement, d’un fonds spécial de lutte contre le cancer. Cette action s’inscrit dans le cadre de l’article 15 de la Constitution de 2011 qui stipule que «les citoyennes et citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics».
Lancée vendredi 27 décembre, la pétition comptait, deux jours plus tard, 6 000 personnes signataires dont plusieurs médecins. «C’est un très bon début pour nous qui prévoyons d’atteindre 500 000 signatures. Ce n’est pas une exigence légale mais tout simplement un nombre qui symbolisera, pour nous, une large adhésion à cette cause hautement humaine», dit le professeur Cherkaoui. Parallèlement à cette collecte de signatures, le groupe a créé, conformément aux dispositions légales, un comité de douze membres représentant quatre régions du pays. Une campagne de communication a également été lancée afin de sensibiliser les élites politiques, les organisations des droits de l’homme, les artistes ainsi que les syndicats et d’élaborer un plaidoyer. C’est une étape importante et nécessaire dans cette démarche, souligne Omar Cherkaoui, car «notre initiative vise la garantie du droit à la vie». Le plaidoyer sera présenté au Parlement, à la majorité, à l’opposition, aux institutions constitutionnelles ainsi qu’au Conseil économique, social et environnemental.
Le futur fonds spécial de lutte contre le cancer a pour objectif de participer à la prise en charge globale du cancer. Il ne se positionne pas, selon le Pr Cherkaoui, «comme concurrent des organes existants militant déjà pour cette cause, mais en tant qu’instrument complémentaire pour garantir l’accès aux structures de soins et aux médicaments». Placé sous la tutelle du ministère de la santé, qui en sera l’ordonnateur, et le ministère des finances, le fonds serait alimenté par des recettes fiscales et devrait contribuer à la construction de centres oncologiques sur l’axe Rabat-Casablanca afin de décongestionner les centres hospitaliers universitaires dont la capacité ne suffit pas à traiter, ou du moins à traiter dans les meilleurs délais, tous les cas de cancer.
Le Maroc s’est doté d’un Plan national de prévention et de contrôle du cancer, grâce à un partenariat liant l’Association de lutte contre le cancer et le ministère de la santé. Entré en vigueur en 2010, ce plan arrivé à terme à la fin 2019, a permis de mettre en place de nouvelles approches de prévention, de dépistage, de traitement et d’accompagnement social des patients.
«Il faut créer une dynamique et mobiliser l’ensemble de la société»
L’impact est notoire, toutefois la chaîne de prise en charge et des soins connaît encore des dysfonctionnements qui pénalisent les malades et en particulier les nécessiteux et même les patients de la classe moyenne. Aujourd’hui, on note malheureusement la lenteur des prises de rendez-vous et les longues attentes. «Il est inconcevable que des personnes atteintes de cancer puissent atteindre un an ou même deux pour avoir un rendez-vous. Dans ce cas, ce n’est plus un rendez-vous avec le médecin mais plutôt un rendez-vous avec la mort !», dénonce Omar Cherkaoui. Et d’ajouter qu’«il est impensable d’avoir encore des ruptures de stocks de médicaments anti-cancéreux!». Pour dépasser tout cela, il faut que le Maroc se dote en urgence, et c’est l’objectif de la pétition, d’une stratégie nationale de lutte contre le cancer : «Nous avons les cas de l’Egypte qui dispose d’un Plan national de lutte contre le cancer ou encore de l’Algérie qui a mis en place une stratégie nationale de lutte contre le cancer». L’autre objectif des auteurs de la pétition est de «pousser le gouvernement à mettre en place un plan national de lutte contre cette pathologie afin de permettre une prise en charge globale des patients, qu’ils aient ou non les moyens et qu’ils soient couverts ou non par l’assurance maladie».
Au Maroc, les statistiques sont alarmantes. Ce sont 40000 nouveaux cas de cancers qui sont diagnostiqués chaque année, selon le ministère de la santé. Le cancer du sein arrive en tête chez les femmes avec 36% des cas.
Pour autant, le cancer du col utérin progresse notablement : selon les dernières données du Centre international de recherche sur le cancer, le Maroc est passé de 2 258 nouveaux cas par an en 2012 à 3 388 nouveaux cas par an en 2018. Avec un nombre de décès qui a doublé, passant de 1 076 à 2465 décès sur cette période. Cette progression n’est pas exclusive au Maroc, puisque mondialement un homme sur cinq et une femme sur six dans le monde développeront un cancer au cours de leur vie, et un homme sur huit et une femme sur 11 meurent de cette maladie. On retiendra, par ailleurs, que 18,1 millions de nouveaux cas et 9,6 millions de décès en 2018.
Les cancers du sein et du col de l’utérus sont les plus répandus chez la femme.
Chez l’homme, les cancers de la prostate, du poumon et du larynx sont les plus fréquents au monde, tandis que le cancer du côlon est le troisième cancer courant chez les deux sexes.
