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Influences

Publicité sur internet : Adblock Plus tente de faire la paix

Rempart des internautes contre la pub intrusive, c’est l’ennemi juré des sites vivant des recettes publicitaires. Le logiciel allemand Adblock Plus tente de faire la paix, en proposant une réflexion commune sur le concept de publicité « acceptable » sur internet.

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La référence historique est forte: Eyeo, qui chapeaute Adblock Plus, a baptisé « Camp David » les discussions autour de son projet de créer un « comité des pubs acceptables » indépendant. L’allusion au premier accord de paix signé entre Israël et un pays arabe à la fin des années 1970 rappelle l’ampleur du défi pour mettre autour d’une même table éditeurs internet, publicitaires et bloqueurs de pubs.

La première de ces rencontres a eu lieu en novembre à New York, la deuxième ce mardi à Londres. Elle réunit « les plus grands noms européens de l’édition, du marketing numérique, de la publicité, des organisations numériques à but non lucratif et de la création de contenus », se réjouit Ben Williams, de chez Eyeo, sans pour autant dévoiler de noms.

Développé il y a dix ans et installé plusieurs centaines de millions de fois, le logiciel gratuit Adblock Plus est l’un des plus populaires « adblockers », ces programmes empêchant l’apparition intempestive de publicités sur l’écran et l’utilisation de l’historique de navigation à des fins commerciales.

Son essor fait rager les éditeurs de sites internet, libres d’accès uniquement grâce à l’argent de la publicité. Adobe et Pagefair, qui aide les sites internet à contourner les bloqueurs de pubs, ont estimé à presque 22 milliards de dollars la perte globale de revenus publicitaires causée par les logiciels bloqueurs en 2015.

Liste blanche

L’utilisateur d’Adblock Plus peut dans une certaine mesure définir lui-même ce qui est bloqué ou pas, mais par défaut ne peuvent s’afficher que ce qu’Eyeo a mis dans sa liste des « publicités acceptables », dite « liste blanche ».

Pour y figurer, il faut satisfaire les critères fixés pour l’heure par Eyeo seul, qui « stipulent ce que doit être une publicité n’importunant pas », en termes de taille, d’emplacement et de présentation, explique Ben Williams.

Pour ne pas voir leur pub bloquée, les gros sites doivent en plus payer. C’est ainsi que se finance la société de Cologne, qui compte 49 employés. Google ou Amazon sont passés à la caisse, d’autres s’y refusent.

Axel Springer, éditeur du tabloïd allemand Bild, parle de racket. « A l’évidence, il s’agit pour Eyeo de mettre la main sur une partie de l’argent de la pub », explique un porte-parole du groupe, évoquant un péril pour « l’existence même du journalisme professionnel sur internet ».

Eyeo préfère y voir « une chance d’innovation pour l’industrie de la publicité, une chance de dépasser le blocage aveugle de toutes les pubs » et une opportunité pour offrir « quelque chose de mieux » aux utilisateurs, assure Ben Williams.

L’Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d’Information (WAN-IFRA) reconnaît qu’il y a un « besoin de principes directeurs » de la publicité sur internet. Mais « ce sont aux éditeurs et non aux plateformes de mener cela. (…) Ils ont une opportunité unique de redéfinir comment la publicité en ligne fonctionne », assure Ben Shaw, l’un de ses responsables.

Devant les tribunaux

La WAN-IFRA, qui organise prochainement à Francfort un « Ad Blocking Action Day », a constitué son propre groupe de travail sur les bonnes pratiques en la matière.

L’heure est donc loin d’être au dialogue apaisé et à l’accord de paix entre logiciels anti-publicité et sites internet. Le seul échange que prévoit Axel Springer est lui devant les tribunaux: comme d’autres, il a attaqué Eyeo en justice. Débouté en première instance, il a fait appel.

Le site de Bild tente depuis octobre une parade, en refusant l’accès aux internautes ayant un bloqueur de pubs. Pour le consulter, ils doivent soit désactiver le logiciel – ce que font le gros d’entre eux -, soit payer un abonnement sans pub. Le site allemand du magazine Geo a opté pour la même stratégie.

Et qu’adviendrait-il d’Eyeo dans un monde idéal de publicités internet toutes acceptables ? « Nous aurons développé d’autres produits… ou nous serons de l’histoire ancienne », conclut Ben Williams.