Influences
Le conseil supérieur de l’éducation veut repenser l’université
Lors de la 16ème session du conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, se tenant les 14 et 15 mai, il a été question de repenser l’enseignement supérieur.
Le conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique a ouvert, ce mardi 14 mai 2019 à Rabat, sa 16ème session, qui durera deux jours. Cette session portera sur la présentation et l’examen de projets rapports.
Dans le détail, cette session va examiner le projet du rapport annuel concernant le bilan de l’année 2018 et les perspectives, un projet d’avis et deux rapports thématique, dont « l’enseignement supérieur à l’horizon 2030 : perspectives stratégiques ». Ce dernier est élaboré par la commission permanente de la recherche scientifique et technique et de l’innovation, en collaboration avec l’instance nationale de l’évaluation.
Notons que les travaux du conseil, lors des sessions, sont à huis clos. Nous avons rencontré en marge de cette rencontre Abdellatif Miraoui, rapporteur de la commission permanente de la recherche scientifique et technique et de l’innovation et membre du conseil.
Ce projet a pour ambition de définir les contours d’un « enseignement supérieur homogène et intégré. Un système qui soit en mesure d’offrir la chance et créer les possibilités pour tous les jeunes, par le biais d’une orientation efficace », précise d’emblée Abdellatif Miraoui, par ailleurs président de l’université Cadi Ayyad.
La mise en place de passerelles
Selon le rapporteur de la commission, “un jeune qui, à titre d’exemple, a un baccalauréat scientifique peut changer d’orientation, et ce à travers la mise en place de passerelles structurelles”. Car, ajoute-t-il, “aujourd’hui, un jeune, qui n’a pas une moyenne de 17 sur 20 au baccalauréat, ne pourra pas s’inscrire à la faculté de médecine, ni à l’école nationale des sciences appliquées, etc. Donc, il est condamné à vie. Or, nous savons qu’il y a des jeunes qui, à l’âge de 17 à 18 ans, peuvent passer par des moments difficiles. Il faut donner une chance à ces jeunes pour rebondir”.
Et d’arguer : “C’est une caractéristique des systèmes modernes. Nous avons besoin de talents. Il ne faut pas qu’on les perde juste parce que, à un moment donné, ils n’étaient pas en forme”.
Les crédits, flexibiliser l’alternance
Les crédits est un des points suggérés par la commission permanente. Qu’est ce que le système des crédits, au juste ? Abdellatif Miraoui l’explique : “un étudiant qui réussit un module, c’est un acquis à vie. L’étudiant n’est pas obligé d’avoir un diplôme en trois années. En validant ses modules, on dit qu’il a des crédits et peut donc aller travailler pour ensuite revenir à l’université”. Et de développer : “C’est ainsi qu’on peut donner aux jeunes la possibilité de faire des études longues et poussées. On ne peut plus jouer sur un système qui est un peu bancal. En ayant la possibilité de choisir la cadence des études, les étudiants auront la possibilité de faire de l’alternance”.
Une ingénierie pédagogique à revoir
Abdellatif Miraoui est catégorique : “on ne peut plus enseigner comme il y a 40 ou 50 ans”. Que propose-t-il, avec les autres membres de la commission pour un “changement de paradigme” ? “Il faudrait intégrer la pédagogie hybride ou inversée, par le digital, en visant la capacitation des étudiants”, recommande-t-il.
“De nos jours, un jeune n’est plus attentif au bout de 20 minutes”, constate le président de l’université Cadi Ayyad. Partant de là, la commission s’est posée une question : “comment intéresser les étudiants et leur transmettre ce qu’il faut pour faire face aux transformations?”. En prenant en compte qu’à présent, “les jeunes diplômés changent d’emploi plusieurs fois, il est crucial d’intégrer l’entrepreneuriat au sein de l’université”, recommande Abdellatif Miraoui.
Quid du rôle des régions ?
Selon notre interlocuteur, le projet de rapport contient également le levier de la recherche, “avec un certain nombre de préconisations”. Objectif : “définir la politique de recherche de chaque université, selon les orientations du pays, sans pour autant exclure la recherche fondamentale, à travers laquelle se produisent les ruptures scientifiques”.
“Nous devons en effet répondre aux questions sociétales au niveau des régions. Nous avons proposé que la région soit un centre de gravité de l’université. Les régions ne peuvent se développer que par des universités solides et modernes. Nous avons insisté sur la nécessité de structurer ces points, à travers une politique émanant de l’exécutif” avance-t-il. Une politique en mesure d’inciter les chercheurs, notamment à travers “l’impôt-recherche”.
Partant du fait que c’est au niveau de l’université que l’étudiant se développe en tant que citoyen, “il faut lui créer toutes les conditions : compétences transversales, culture, théâtre, etc., pour qu’il puisse se construire tant professionnellement qu’humainement”, insiste Abdellatif Miraoui. Et de conclure :“les orientations sont là, c’est au politique de réfléchir à comment les transposer sur le terrain”.