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L’abonnement serait-il la solution à la crise de la presse digitale ?

La fermeture du Huffpost Maroc est un rappel de la difficile conjoncture que vit la presse digitale. Les offres payantes demeurent peu nombreuses sur le marché. Les chiffres très bas de la lecture n’encouragent pas les opérateurs à se lancer dans l’abonnement.

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Transformation numérique

Le 3 décembre dernier, le site web d’information, Huffpost Maroc, jette l’éponge en publiant sur son interface un message laconique en trois langues, arabe, français et anglais. Indépendamment des raisons spécifiques ayant poussé ce site à arrêter la publication de son contenu, le site-mère Huffpost Maghreb ayant également baissé les rideaux, la situation actuelle de la presse digitale au Maroc est à tout le moins délicate. Avec environ 80% de recettes publicitaires qui vont dans les poches des GAFA, essentiellement Google et Facebook au Maroc, et la baisse soutenue des recettes publicitaires, n’y a-t-il plus d’issue à cette situation «de crise» actuelle ? Les opérateurs ne devront-ils pas renouer avec le contenu payé, une vocation qui a accompagné l’évolution de la presse durant sa genèse ?

Pour Naceureddine Elafrite, gérant et co-fondateur de Medias24, pure-player d’information économique et financière en ligne, il sera impossible dans le futur de ne pas proposer du contenu payant. «Si peu de gens acceptent de payer pour lire et si toutes les parties prenantes du secteur sont en difficulté, tôt ou tard la presse en ligne devra vendre son contenu éditorial. C’est inéluctable», précise le co-fondateur de Medias24. Qu’est-ce qui empêche donc ce média de prendre le virage de l’abonnement ? C’est une question de temps. «Il faut reconquérir le marché des lecteurs. Plusieurs formules d’abonnement peuvent être développées, selon les différents niveaux d’information, allant de l’information gratuite à l’information premium», déclare M. Elafrite.

Le nombre de lecteurs n’est pas encourageant

C’est un constat. Cette évolution de la presse, écrite et digitale, n’est pas typique au Maroc. Idem pour le paysage de cette presse et son modèle économique. Pour l’instant, deux supports, à savoir le Desk et Telquel ont choisi de s’orienter vers l’abonnement. Si Telquel en est au début de son expérience d’offre payante, le Desk a terminé sa quatrième année, malgré des échos sur des difficultés à atteindre un nombre d’abonnements capable de garantir au média un équilibre financier. Le reste de l’offre est divisé entre deux types d’opérateurs. Les premiers sont les sites web des journaux, avec des fonctions allant de celle d’un simple relais des articles publiés sur le papier jusqu’à un support avec une stratégie presque indépendante. Les seconds sont les pure-players avec des versions arabophones et francophones, comme Yabiladi, Hespress… Sans compter l’effusion récente des webtélés, qui s’écartent, en matière de contenu, de la fonction éditoriale.

Pour Yabiladi, le salut pourra venir de l’audience de ce site multilingue, à plus de 70% située à l’étranger. Malgré cela, Mohamed Ezouak, fondateur de la plateforme Yabiladi, demeure «réticent à mettre en place une offre payante qui permettrait d’amortir la baisse des recettes publicitaires». Pour cause, les chiffres de la lecture sont très bas au Maroc comparés aux pays de la région. Ils ne dépassent pas 300 000 tirages par jour pour la presse papier. «Autre élément décisif, le concept de l’abonnement ne marche pas au Maroc. C’est un constat culturel», souligne M. Ezzouak.

Que faire donc face à la recrudescence des recettes publicitaires ? Le fondateur de Yabiladi a un projet en gestation qui consiste à mettre en place un club où il sera question de payer un abonnement annuel. «Cela ne sera pas lié au paiement pour avoir accès à des articles, car le contenu restera gratuit pour tout le monde», précise Mohamed Ezzouak. Si cette option évitera, dit-il, d’avoir une hiérarchie dans l’information offerte au public, cela donnera la possibilité aux membres du club de soutenir Yabiladi, en ayant accès à plusieurs avantages, comme la désactivation de la publicité. Autre problématique, le flou entoure l’évolution des supports digitaux. En effet, la majorité écrasante des professionnels que nous avons contactés n’a pas répondu à nos sollicitations, y compris le Groupement des annonceurs du Maroc (GAM). Mais cela est une autre histoire.

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[tab title= »La radio réalise deux fois plus de recettes  » id= » »]Selon les statistiques fournis par le Groupement des annonceurs marocains (GAM), à fin 2018, le digital a enregistré une progression de 10,3% par rapport à l’année précédente, à 604,7 millions de dirhams. Cette performance reste en deçà de ce que la radio a réalisé. Ce dernier canal a enregistré une augmentation de 9,5%, à 1,1 milliard de DH au cours de la même année. Les deux canaux ayant fait l’exception par rapport aux autres canaux qui ont connu tous une dégringolade en 2018, à l’instar de la presse écrite qui a connu une baisse de 23,3%, à 575 millions de dirhams. Début 2018, une taxe de 5% a frappé tous les supports numériques, une mesure qui a été appliquée aux annonces publicitaires sur les sites de presse digitale et qui ne concernait auparavant que la télévision et le cinéma. Nul besoin de préciser qu’elle n’a pas arrangé les affaires au sein du secteur.[/tab]
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