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«El Othmani décidera du sort des polycliniques dans les jours à venir»
Deux pistes sont retenues : une dérogation permettant à la CNSS de continuer à gérer les polycliniques ou l’instauration d’un partenariat public-privé. De 500 et 220 MDH au début des années 2000, la subvention et le chiffre d’affaires des polycliniques sont passés respectivement à 200 et 438 MDH. La plupart des tâches qui ne relèvent pas directement de l’activité de soins sont externalisées. La mise à niveau des établissements requiert un budget de 30 MDH sur cinq ans.

Conformément à l’article 44 de la loi 65.00 réglementant l’AMO, la CNSS doit renoncer à la gestion de ses 13 polycliniques. Depuis l’échec du premier projet de gestion en 2009 en raison d’un désaccord avec le groupe espagnol USP Hospitales qui devait prendre le relais, c’est le statu quo. La caisse a bénéficié de deux délais de prolongation pour continuer à les gérer en attendant les conclusions de l’étude stratégique et la décision finale du chef du gouvernement… Docteur Redwan Frej, directeur du pôle Unités médicales, fait le point sur les actions menées jusque-là et sur les pistes retenues.
Sur recommandation du chef du gouvernement, une étude stratégique a été entreprise par la CNSS pour évaluer la situation des polycliniques. Où en est ce chantier aujourd’hui ?
En effet, le chef du gouvernement avait demandé en octobre 2012 de mener une étude stratégique. Une résolution du conseil d’administration de décembre de la même année a confirmé donc la nécessité de cette étude en vue de répondre à une double problématique juridique et économique. Juridiquement, la gestion par la Caisse nationale de la sécurité sociale des polycliniques n’est pas conforme à l’article 44 de la loi 65-00 relative à l’Assurance maladie obligatoire dans la mesure où la caisse ne peut gérer ce régime de couverture maladie pour les salariés du privé et être aussi prestataire de soins de santé. Economiquement, les polycliniques ont toujours fait face à un déficit structurel d’où la nécessité pour la CNSS de verser une subvention annuelle régulière. Suite à la proposition du gouvernement, la CNSS a confié, à la fin 2013, à la suite d’un appel d’offres, la réalisation de l’étude au cabinet de conseil en management et technologie BearingPoint. Pour le suivi de ce chantier, un comité de pilotage a été mis en place regroupant des représentants du chef du gouvernement, de la CNSS et des ministères du travail, des finances, de la santé et de l’enseignement supérieur. Les conclusions de cette étude stratégique ont été finalisées en 2016 et remises par le ministère du travail au chef du gouvernement en mai 2017. Nous attendons sa décision qui doit être rendue dans les prochains jours.
Sur quoi exactement a porté cette étude ?
Ce travail a été mené en trois phases. D’abord, l’examen de la situation juridique en faisant un benchmark avec ce qui se faisait dans d’autres pays. Ensuite, le diagnostic interne et externe de ces structures sanitaires, ce qui a permis de mettre à plat la situation des polycliniques et d’évaluer leur environnement, notamment la concurrence et l’offre existante dans les secteurs public et privé. Enfin, la phase finale de l’étude a porté sur la proposition des scénarios de développement afin de savoir comment faire face, dans un délai correct, au déficit structurel des polycliniques et équilibrer leur situation financière.
Justement, de quel ordre est le déficit ?
Les polycliniques reviennent de loin. Nous étions au début des années 2000 à une subvention de l’ordre de 500 MDH pour un chiffre d’affaires de 220 millions. Aujourd’hui, la subvention a été ramenée à 200 MDH et le chiffre d’affaires s’est amélioré pour se situer en 2017 à 438 millions. Le déficit se situe autour de 190 à 200 MDH contre 520 millions en 2000-2001. Du travail a été fait depuis, sachant que nous n’exerçons pas dans les mêmes conditions que le privé et que la tarification nationale de référence (TNR) n’a pas évolué depuis 2006.
Comment avez-vous pu inverser la tendance ?
Nous avons agi sur les deux postes principaux que sont les charges et le chiffre d’affaires. Ainsi, pour les charges nous avons agi prioritairement sur la masse salariale. Il y a eu un plan de départ échelonné sur trois ans à partir de 2006, qui a permis le départ de 1000 à 1200 personnes sur un effectif global de 2600. C’était un plan bien pensé dans la mesure où la CNSS n’a pas cherché à se débarrasser de certains de ses salariés mais a visé l’optimisation des ressources. Ainsi, nous avons procédé à une évaluation des profils et nous avons pu retenir ceux dont on avait besoin. Cela s’est fait dans le cadre de la stratégie médicale qui a été élaborée par le cabinet Charles Riley Consultants International. Pour l’amélioration de l’activité, nous avons consolidé nos achats et nous avons quasiment externalisé tout ce qui pouvait l’être, notamment le gardiennage, la restauration, le nettoyage, la buanderie de façon partielle et la gestion des déchets hospitaliers.
Toutes ces mesures se sont traduites par une amélioration de l’activité au niveau de toutes les polycliniques et une évolution transversale du chiffre d’affaires.
Dans ce même cadre, vous avez aussi procédé à la spécialisation des polycliniques ?
Pas du tout, nous n’avons pas de polycliniques spécialisées, à l’exception de celle de Hay Hassani qui est dédiée à la santé de la mère et de l’enfant. Mais l’étude stratégique a pris en charge ce volet. Le portefeuille et l’identité des polycliniques ont été examinés, ce qui permettra de déterminer des orientations précises pour les diverses unités qui, à la base, feront toutes les prestations, mais elles seront dédiées à l’exploration, à la chirurgie, à la réanimation etc.
Donc, à la suite de ce diagnostic des unités, l’étude a proposé des scénarios…
Les scénarios, nous avons exploré avec le cabinet l’ensemble des possibilités. Soit une dizaine de pistes qui ont été étudiées dont cinq ont été retenues par le cabinet. Sur ces cinq, le conseil d’administration de la CNSS a retenu deux pistes, notamment la dérogation à la loi 65-00 pour permettre à la caisse de continuer à gérer les polycliniques et la gestion dans le cadre d’un partenariat public et privé incluant la délégation et la prise de participation d’investisseurs étrangers marocains et étrangers. Ces scénarios ont été faits sur la base du diagnostic de l’activité, de la situation financière, des ressources humaines pour chacune des 13 polycliniques. Ce qui a permis d’élaborer un plan d’action précis qui doit s’étaler sur cinq ans.
La caisse a-t-elle une préférence pour l’un des scénarios ?
Nous n’avons aucune préférence. Nous sommes là pour faire un travail et nous ne pouvons que respecter le choix. Dans ce cadre, nous sommes les techniciens qui allons gérer tout simplement.
Mais techniquement la dérogation à la loi est le scénario le plus facile à mettre en place ?
Oui, en effet, mais il s’agit d’une disposition légale et il faut passer aussi par le Parlement. Nous sommes sereins, quelle que soit la décision qui sera prise, et nous sommes prêts à prendre les dispositions en place pour continuer à gérer les polycliniques ou bien de discuter leur gestion déléguée. Et la CNSS sera toujours impliquée dans la mesure où elle gardera toujours un droit de regard sur ce qui se fait.
Il y a quelques années, les négociations pour la gestion déléguée avaient échoué du fait de l’opposition des syndicats qui estiment que les polycliniques sont la propriété des assurés de la CNSS. Leur position a-t-elle changé ?
Vous savez, la CNSS elle-même estime aussi que les polycliniques lui appartiennent et la CNSS tient à les défendre bec et ongles. Les négociations avaient échoué faute de garantie financière de la part de notre partenaire.
Maintenant, s’il y a une décision, la CNSS va l’accepter, même si elle n’est pas convaincue parce que les polycliniques ont un apport important pour les citoyens et pour les salariés qui les financent. Nous occupons un segment intermédiaire entre le public et le privé et la CNSS croit qu’elle a sa place sur ce créneau. Elle doit proposer des prestations aux patients, notamment les salariés et aussi les non-salariés. Il est vrai que notre premier client est l’assuré AMO.
Revenons au plan d’action. Quand l’exécution va-t-elle démarrer ?
Dès la validation du scénario définitif par le chef du gouvernement.
La logique retenue est la suivante : indépendamment du scénario retenu, les polycliniques ont besoin d’une étape de cinq ans pour effectuer leur mise à niveau avant d’adopter le mode de gestion choisi: soit rester dans le giron de la CNSS ou passer dans le cadre d’une délégation de la gestion.
Quelles sont les actions à entreprendre pour la mise à niveau et quel est le montant des investissements ?
Nous allons agir sur le fonctionnement des polycliniques, notamment au niveau des ressources humaines, il faudra constituer un noyau dur de médecins et d’infirmiers dans chaque unité.
Pour l’équipement technique, nous allons procéder au renouvellement du matériel pour être à jour par rapport à la technologie. L’investissement sera de l’ordre de 300 MDH sur cinq ans en matériel et en aménagement. Il sera financé par les fonds propres des polycliniques qui seront complétés par la subvention de la CNSS.
Y-a-t-il un calendrier précis ?
Il n’y a pas d’urgence car nous n’avons pas de souci pour la marche des polycliniques, même si la situation reste précaire. Nous avons l’espoir que dans un délai court nous aurons la réponse de la Primature… Nous connaissons la situation et savons ce qu’il faut faire.
Et en attendant la réponse de M.El Othmani ?
Nous avons des investissements, nous allons les faire dans le respect des recommandations de l’étude stratégique. Il en va de même pour les recrutements.
Nous sommes en train de procéder à la mise à niveau. A Hay Hassani, Ziraoui le chantier est fini; à Marrakech, ce sera pour bientôt. A Settat et Tanger, les travaux sont en cours. Ils concernent les bâtiments, les conditions de séjour et le renouvellement du matériel.
Quel est le coût de ces chantiers ?
Le coût est 100 MDH sur la période 2016-2019.
