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Culture

Un Festival de Marrakech en prise avec l’actualité

72 films, 15 pays représentés, des nouveautés, une pluie
de stars, des hommages vibrants, le Festival international du Film de Marrakech
fait fort pour sa troisième édition (du 3 au 8 octobre).

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Plein d’audace et d’allant, le Festival international du film de Marrakech se profile à l’horizon de nos sens en quête d’éblouissement. Somptueux pied de nez aux rabat-joie qui lui promettaient tempête et désastre. Mais les Cassandre ont dû ravaler leurs funestes augures. Là où des festivals moins vernis doivent faire leurs preuves avant d’obtenir leurs lettres de noblesse, le Festival international du film de Marrakech s’est distingué, dès son éclosion, par sa pluie d’étoiles inatteignables, la bonne facture de sa programmation, et cette atmosphère délectable et fraternelle qu’il répand généreusement. En dépit des tremblements du temps qui, par malheur, précèdent ou accompagnent comme une ombre mauvaise chacune de ses prestations. Jamais celles-ci n’ont été annulées ou différées, quelle que soit la portée des menaces proférées par les chronophages, les haineux et les boutefeux.

Choix délibéré de thèmes douloureux, en prise avec le contexte international
72 films et 15 pays représentés. Le prodige qui, en trois ans, a atteint les rivages de la maturité, ne déroge pas à son principe vivifiant : former un espace de dialogue, d’échange et d’ouverture. Il n’y a pas meilleur moyen de s’imprégner de cultures distantes et donc de forcer les barrières existantes que de visiter leurs cinématographies. Cette année, les voyages dans l’imaginaire des peuples sont particulièrement attrayants : Inde, Bosnie, Russie, Etats-Unis, France, Iran, Cuba, Japon, Algérie, Liban, Sénégal, Norvège, Argentine, Israël et Afrique du Sud.
Tout en étant optimiste quant à l’avenir de l’humanité, le FIFM ne saurait occulter le désarroi qui est son lot présent. D’où le choix délibéré d’œuvres filmiques surfant sur des thèmes douloureux, sinon doloristes. Portrait de la société bosniaque exsangue après plusieurs années de guerre ( Au feu) ; le rêve du bonheur évanoui sous la coupe castriste ( Suite Habana) ; le devoir de résistance au régime des ayatollah (La première lettre) ; la discrimination raciale dans l’Afrique du Sud de l’après-apartheid (La caméra de bois) ; le reflux des valeurs et repères en Inde (Abar Arrannye) ; l’impasse dans laquelle se retrouve l’économie argentine (Bar Chino). Autre thème récurrent : l’impuissance. Celles d’aimer (Raja) ; de vieillir en paix (Baboussia) ou de vivre une vie d’homme.

Les jeunes talents mis en lumière
Tous ces films, chacun à sa manière, révèlent un homme hésitant, privé d’assurances et de certitudes, étreint par le doute, voué au mal-être. Dans ce labyrinthe qu’est l’époque contemporaine, dans ce chaos, dans cet «infernal séisme», comme disait Pasolini, il ne reste plus rien de la foi dans les valeurs religieuses, ni de la foi dans le progrès qui a montré son visage le plus menaçant, le plus inquiétant. Et si le choix de Christine Ravet, directrice artistique du FIFM, s’est porté sur des œuvres creusant le sillon désastreux, ce n’est pas pour sacrifier à l’air du temps – hollywoodien surtout – mais pour mettre en vive lumière un cinéma qui s’occupe de cet homme incertain, titubant, si désorienté qu’il n’est même pas capable de se reconnaître et qu’il en a conclu que ce monde est absurde.
Un fait qui doit réchauffer les cœurs des Marocains, c’est l’intérêt accordé par le FIFM au cinéma marocain, ou plutôt au néo-cinéma marocain. Quatre films seront à l’honneur : Mille mois, de Faouzi Bensaïdi (en ouverture), Les yeux secs de Narjiss Nejjar (en compétition), Momo Mambo, de Leïla Marrakchi (court métrage en compétition) et Les fibres de l’âme, de Hakim Belabbes (dans la section Mawahib. «Une façon, déclare André Azoulay, de faire découvrir le cinéma marocain et de le confronter au reste du monde. C’est un échange fructueux». D’autant que les œuvres choisies sont pétries de talent.
Faouzi Bensaïdi, Narjiss Nejjar, Leila Marrakchi et Hakim Belabbes ont en commun d’être à la fois talentueux et jeunes. Et c’est pour donner sa place au soleil à la jeunesse que le FIFM a concocté une nouvelle section, baptisée éloquemment «Mawahib». On y retrouvera neuf réalisateurs, venant d’horizons divers, pour la plupart peu connus mais prometteurs. Cures de fraîcheur, d’impertinence et d’audace garanties.
L’émotion intense, la sensation de nostalgie et le sentiment de gratitude vibreront aussi au cœur du Palais Badii, où des hommages seront rendus à des figures emblématiques du cinéma : Ridley Scott, Oliver Stone, Alain Delon, Yousra, Amina Rachid, Amibath Bachchan. Le festival célébrera en dix films la prolixe activité du regretté Toscan du Plantier. Pour ce lumineux fondateur du FIFM, André Azoulay eut cette tendre pensée: «Intervenant dans un contexte particulier, le Festival international du film de Marrakech se déroule sous le regard et le sourire tendre de Daniel Toscan du Plantier. Il était le compagnon hors pair, il avait, dès le départ, compris notre démarche. Il est là avec nous».

Nathalie Baye, présidente pimpante, enjouée et partageuse
Il ne fait aucun doute que l’ombre tutélaire de Daniel Toscan du Plantier planera sur ce festival devenu orphelin. Elle donnera du cœur à l’ouvrage à ses fervents servants. On se consolera de cette absence brutale grâce à la présence de Nathalie Baye. Enjouée, pimpante, partageuse, elle incarne les valeurs qui fondent ce festival qu’elle présidera.
«J’aime infiniment le Maroc que j’ai visité auparavant. Je suis heureuse d’y revenir pour travailler. Je suis émue et fière du choix qui m’honore. Le festival de Marrakech sera pour moi l’occasion de rencontrer les réalisateurs marocains, de voir ce qu’ils font, car c’est la plus belle manière pour moi de voyager. J’ai envie de communiquer mon enthousiasme…» Qu’en termes généreux, ces choses-là sont dites ! La générosité ? une des vertus cardinales de cette troisième édition