Culture
«Poetic Trance» : l’enchantement en décibels
Après des années d’absence de Casablanca, l’artiste Aziz Sahmaoui s’est produit en février au Studio des Arts Vivants. Sa formation University of Gnawa y a présenté son dernier album «Poetic Trance», en plus de ses nombreux tubes à succès.

Il est 21h et un air de fête semble animer le Studio des Arts Vivants de Casablanca. Dans la salle qui se remplit à grande vitesse, des centaines de visages rayonnent en attendant le début du concert. Dans ce public hétéroclite, on reconnaît des maîtres gnaouis, des acteurs culturels, des sociologues, des journalistes et une multitude de jeunes assoiffés de beauté, d’ivresse et de diversité. Impatient mais heureux, tout ce beau monde attend University of Gnawa, qui ne s’est plus produit au Maroc depuis 2015.
Aussi, lorsque Aziz Sahmaoui monte sur scène, l’émotion est à son comble. Sans jamais se départir de son sourire enfant, de son humeur enjouée qui fleure bon la générosité, l’artiste fait d‘emblée la promesse de contenter les désirs des uns et des autres, tout en proposant de la nouveauté pour ce concert qui annonce une tournée nationale. En effet, University of Gnawa est en tout début de promotion de son dernier album ‘‘Poetic Trance’’.
‘‘Poetic Trance’’
On ne pouvait pas trouver plus explicite comme titre. L’album met de doux poèmes sur des musiques qui transcendent. L’effet en est infaillible et la promesse tenue: à coup de sons enivrants et de paroles vibrantes, le public entre en transe, se mélange et s’unit…
Neuf chansons constituent le troisième album d’University of Gnawa. Dans l’ensemble, on retrouve les thématiques chères à Aziz Sahmaoui, à savoir l’amour universel, la tolérance, la liberté, le tout emprunt de spiritualité à fleur de mots. ‘‘Janna Ifrikia’’ est une note d’amour au Maroc, au Maghreb et à l’Afrique, une chanson qui supplanterait aisément les faibles comptines qui se veulent patriotiques. ‘‘El Khouf El Mangouch’’ parle de peur et de parole opprimée. ‘‘Belaâmane’’ dénonce le mal qui s’empare de l’homme. ‘‘Nouria’’ est une ode à l’amour inspirée de Mhamid El Ghozlane. Dans ‘‘Bine El Jirane et Ghiab’’, le pardon et la réconciliation sont érigés en valeurs suprêmes. Quant au ‘‘Gang sound of Mbirika’’ c’est un son de fête et d’union.
Nous sommes l’Afrique
Dans cette diversité thématique, la musique prend ses grands airs. Forts des rythmes de l’Afrique du nord et subsaharienne, des influences blues, jazz, rock et même disco, les morceaux nous mènent en ballade, nous amènent en transe ou nous plongent au fond de nous-mêmes, pour un recueillement profond. Cette richesse mélodique est le fruit d’une rencontre de musiciens unis par l’amitié, l’africanité et le talent. Et quel bonheur de les voir chanter en darija ou en wolof, invoquant nos racines reniées au profit de cultures étrangères.
Depuis la création du band, avec des musiciens sénégalais, togolais et français, Aziz Sahmaoui n’a cessé de travailler sur l’héritage africain et maghrébin, pour innover et bousculer les attentes qu’on se fait des musiques de type fusion et world music. Pour l’artiste, il ne suffit pas de se ramener avec son instrument et sa suffisance pour gratouiller nonchalamment. La maîtrise s’impose, tout comme le labeur et l’ouverture à l’autre. Et le résultat est stupéfiant, à chaque fois. Aziz Sahmaoui incarne, à cet égard, un modèle d’artiste marocain comme il y en a plus ou alors très peu. Curieusement, malgré ses succès en festivals et son public inconditionnel, il y a comme un silence radio sur la magie sonore nommée University of Gnaoua et ceci est un gâchis impardonnable…
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