Culture
Parution : Dans «L’Œil des représailles», des notes de colère et des accords d’espoir
Dans «L’œil des représailles», Françoise Benomar photographie le réel avec une plume cinématographique. À travers un groupe de musiciens résistants, elle dénonce les trafics d’enfants, les viols et le pillage capitaliste en Afrique. Un roman-monde, vibrant d’engagement et de poésie, où la musique devient une arme de résilience face à la tyrannie.

Françoise Benomar ne se contente pas d’écrire : elle capture le réel à coups de phrases, comme une photographe. Dans «L’Œil des représailles», elle livre un roman-monde, un tourbillon cinématographique où l’Afrique, ses tragédies et sa poésie mystique se mêlent. À travers un groupe de musiciens résistants, elle dénonce le trafic d’enfants, les viols et le pillage capitaliste. Rencontre avec une autrice qui shoote la vie dans ses retranchements les plus sombres, avec la grâce d’un Salgado et le souffle d’une symphonie africaine.
L’écriture de Benomar, brute et elliptique, mêle documentaire, narration et photographie. «L’Œil des représailles» enchaîne des images littéraires comme des plans-séquences, où la photographie sanctifie le texte.
«Elle apparaît comme moyen de création, mais touche vite au réel», confie-t-elle. Ce réel, c’est celui des enfants vendus au Bénin pour travailler dans des mines gabonaises, des viols impunis, ou du «pipeline qui menace l’Ouganda, la Tanzanie et la mer».
Influencée par Sebastião Salgado, Benomar cadre la tragédie en noir et blanc, sublimant le vrai à travers des portraits intimes où «l’apothéose du bonheur éclate». Son roman, littérature d’engagement, fustige l’exploitation humaine et la tyrannie du gain.
Au cœur du récit, un groupe de musiciens brandit l’art comme une révolte. «Embourbés dans le malheur, la musique était la seule solution», explique Benomar. De l’Afrique à New York, Cuba et Haïti, ils jouent à corps perdu, portés par une passion nietzschéenne : «Sans musique, le monde serait une erreur». Guidés par «l’œil», un ancêtre sacré qui veille sur eux, ils triomphent, unis par une jouissance artistique. Même en prison, face à un dictateur, leur musique intérieure les tient en vie.
Plans-séquences
Benomar écrit comme on monte un film expérimental, en grands plans-séquences hypnotiques, mêlant poésie, psychanalyse et documentaire. «C’est une descente en apnée, un enivrement de souffrance dont il faut crever l’abcès», dit-elle.
Le lecteur navigue entre intimisme et révolte, sous le regard omniscient de «L’Œil» qui punit les oppresseurs. Pas d’images physiques : «Toutes les images sont dans les mots», tranche-t-elle, d’où sourdent des photogrammes dans l’esprit du lecteur.
«L’Œil des représailles» est aussi un appeal à la résilience. La musique, «l’or du monde», réinvente le réel face à un chaos «glauque et cruel». «Quand ils composent, plus rien n’existe, c’est de la création pure», s’enflamme Benomar. Arme face à la décadence, elle rallume l’espoir. Benomar, elle, continue de photographier, d’écrire, de résister. Et c’est magnifique.
