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Culture

Mohamed Berrada: «Il faut traduire davantage»

Grand nom de la littérature marocaine d’expression arabe, Mohamed Berrada était présent à la 24e édition du Salon international de l’édition et du livre, au stand du Fennec, pour la signature de son dernier roman «Maoutoune Moukhtalif» (Une mort différente).

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Mohamed Berrada

Un mot sur le prix Katara dont vous avez été distingué dernièrement ?

Je me suis présenté comme le ferait tout autre écrivain ayant publié plus de cinq romans. J’ai eu la chance d’en être distingué. A partir du moment où l’œuvre est acceptée dans sa globalité, sans réserves sur le contenu, je considère que c’est une consécration. Comme vous le savez, un écrivain chez nous ne peut pas vivre des seules ventes de son œuvre, ce genre de prix nous aide donc à continuer à écrire, à voyager, à créer.

Vous faites partie des rares écrivains d’expression arabe à avoir été traduit au français. Comment se passe la rencontre avec le lectorat francophone et en quoi se distingue-t-il du lectorat arabophone ?

Depuis la traduction de «Louâbat Annisyane», «Le jeu de l’oubli», j’ai eu plusieurs rencontres dans plusieurs villes françaises. Il en était de même pour «Comme un été qui ne reviendra pas». Il est vrai que le lecteur français découvre des choses que le lecteur arabe connaît : dans «Le jeu de l’oubli», il s’agissait de l’évolution de la vie traditionnelle dans la ville de Fès, après l’Indépendance, alors que dans «Comme un été qui ne reviendra pas», je parlais de l’Egypte. D’un autre côté, le lecteur francophone a des penchants plus stylistiques que le lecteur arabophone qui scrute le récit. J’ai eu un article sur «Le Monde» en ce sens d’ailleurs.

 La traduction est-elle nécessaire à votre avis ?

Absolument. La traduction est toujours utile et il en faut davantage. Malheureusement, ce qui se traduit de l’arabe marocain vers le français est infime. Pourtant, la scène littéraire arabophone est très riche. D’autant plus que la littérature marocaine francophone représente un univers totalement différent de celui de la littérature arabophone. Peut-être parce que cette dernière s’ancre au plus profond dans la société, ne serait-ce que de par la multitude des espaces décrits. Les romans arabophones brassent large, décrivent la vie dans les grandes villes comme, dans les villages perdus. Sans parler de la génération de jeunes auteurs qui écrivent sur des sujets actuels, de la violence sociale, de la misère. Tout cela contribue à élargir le spectre de la littérature arabophone.

Persiste-t-il une sorte de rivalité entre les écrivains arabophones et francophones ?

Pas à mon avis. Selon mon expérience, depuis l’avènement de la littérature marocaine moderne, il y a toujours eu un dialogue entre les écrivains des deux langues. Il y a eu beaucoup de traduction dans un sens comme dans l’autre, surtout de poésie. Ce qui peut être source de discorde, c’est quand les écrivains d’expression française soutiennent que la langue arabe ne peut exprimer une certaine liberté, en raison de sa sacralité. C’est une vision orientaliste imprécise. Hormis cela, tout ce qui s’écrit sur le Maroc, par des Marocains, est un enrichissement de la littérature marocaine, qu’il soit en arabe, en français, en espagnol ou toute autre langue.