Culture
Malek Akhmiss en conquérant déchu
La première du film «The sea is Behind», de Hicham Lasri, est annoncée pour le 27 octobre à l’Institut français de Casablanca, suivie d’une tournée dans les autres instituts du Royaume.

Pourquoi le choix d’un institut culturel pour la projection du film ?
A mon avis, c’est parce que c’est un film d’auteur. Je pense que les grandes salles ne sont pas forcément le lieu idéal pour ce genre de production. Je ne dis pas que c’est un élitiste, mais je pense que tout le monde n’a pas les outils cinématographiques pour en saisir les méandres dramatiques. Et puis dans un institut, le dialogue avec le public se fait plus aisément.
Racontez-nous votre personnage dans le film…
C’est l’histoire d’un type qui danse dans les «h’dia». Jusqu’aux années quatre-vingt-dix, on employait souvent un homme, qu’on habillait en femme, pour danser sur les carrosses portant les présents offerts à la mariée. La plupart des gens en concluent que le personnage en question est un trans-genre alors qu’il n’en est rien. C’est un métier comme un autre. D’ailleurs, à aucun moment dans le film, vous ne pourrez porter ce jugement sur Tarik, ce qui tranche avec le préjugé répandu.
Il y a beaucoup de métaphores dans «The sea is behind». Commençons par ce parallèle fait entre Tarik le danseur et Tarik Ibnou Ziad.
En effet. Tarik du film s’identifiait depuis son jeune âge à Tarik Ibnou Ziad le guerrier, le brave. Alors que lui n’a jamais pu dire non à qui que ce soit. C’est un type peureux, taciturne, mais qui a des rêves de grandeur, des envies de révolte et de conquête du monde. Pour notre Tarik, l’ennemi n’est autre que son environnement lugubre, misérable, insensible puisque même son père est radin d’amour, lui préférant largement la compagnie de son cheval. Il y a aussi son ex-femme qui est l’ombre du bourreau suprême et le flic qui a noyé ses enfants et qui l’écrase en permanence.
Tarik ne peut-il pas être considéré comme un pays émasculé, un héros sans gloire, humilié par des forces aussi bien proches qu’éloignées ?
C’est une lecture parmi d’autres que je n’ai jamais faite jusque-là. Et tant qu’on y est, cela peut également être ce monde arabe inerte face aux agressions et injustices. Tarik serait le peuple arabe dont la révolte se serait exprimée par le printemps arabe. Il y a beaucoup de lectures possibles dans un film d’auteur et c’est ce qui en fait toute la beauté.
«The sea is behind» commence par une scène très violente qui rappelle cet acte barbare à l’égard d’un jeune homosexuel à Fès. Qu’avez-vous ressenti en voyant la vidéo, sachant que vous aviez tourné la scène bien avant ?
J’ai été choqué par cette scène atroce. Certes, par cette tendance à juger l’autre, mais également par l’effet meute qui exprime une violence latente et une prédisposition à la nuisance qui n’a besoin que d’un canal pour s’exprimer de la façon la plus vile qui soit.
Dans la dernière scène du film qui, rappelons-le, est tourné en noir et blanc, Tarik arrive à voir des couleurs. Quel est le message derrière cette scène ?
Avant d’expliquer cette scène, il faut préciser que tout le long du film, Tarik a du mal à pleurer ses enfants morts. Comme s’il avait un problème à déchiffrer ses sentiments, à les canaliser afin de s’en soulager. Lorsqu’à la dernière scène, il arrive enfin à pleurer ses gosses, il recouvre l’usage de ses sens et arrive enfin à distinguer tous les tons de la vie.
Le film a été primé plusieurs fois, il a été projeté au MOMA. Que ressentez-vous à cet égard ?
Je suis fier évidemment. C’est un sentiment que j’ai eu à chaque projection, du Canada à l’Egypte en passant par le Panorama de Berlin où les échanges étaient intenses. Je sais qu’il est difficile de rentrer dans ce film, mais à chaque fois que je revois ce film, je ressens de la fierté d’avoir fait partie du casting.
Quelle est votre actualité ?
7, rue de la folie. C’est un film belge du réalisateur Javad Ghalib. C’est l’histoire de trois sœurs belgo-arabes qui ont hérité d’une ferme en faillite. Pour sauver leur ferme, elles décident de conclure un mariage «halal» par le biais d’internet. Je n’en dirai pas plus !
