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Culture

«Le Goncourt des lycéens est le prix dont je rêvais»

Rencontré à l’occasion de la 23e édition du SIEL, Gaël Faye nous a parlé de son «Petit pays», de son Goncourt des lycéens et d’écriture en général.

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Gael Faye

Votre premier roman s’intitule «Petit pays» ? De quoi est-il question ?

«Petit pays» est l’histoire de Gabriel qui est un petit garçon d’une dizaine d’années, qui vit à Bujumbura, la capitale du Burundi. Son père est français, sa mère est rwandaise. Sa vie se passe très bien. Il grandit dans une impasse avec une bande de copains avec lesquels il fait les quatre cent coups. Ils vont chiper des mangues dans le jardin des voisins. Et puis, petit à petit, dans ce bonheur du quotidien, vont apparaître quelques changements. D’abord la séparation de ses parents et en  toile de fond une situation politique qui se dégrade, avec le coup d’Etat et l’assassinat du président du Burundi en 1993, la guerre civile qui s’installe dans le pays, le génocide des Tutsis au Rwanda… Et tous ces bouleversements vont pousser le petit bonhomme à passer du monde du bonheur et de l’insouciance à un monde beaucoup plus grave où il va perdre sa légèreté et son enfance.

On vous a souvent demandé s’il s’agissait d’une autobiographie.

Je parle forcément de moi comme dans tout ce que j’écris. Que ce soit les chansons ou les nouvelles que j’ai pu écrire. J’essaie de trouver ma «voix» dans tout cela. Après, le roman n’est  pas autobiographique. Les personnages sont totalement fictives, leurs péripéties imaginées. Et comme pas mal de romanciers, je me suis bien sûr appuyé sur des gens que j’ai pu croiser, sur des situations que j’ai pu vivre, mais en les fantasmant en allant beaucoup plus loin. Mais ce que je partage avec le narrateur est plus de l’ordre des sensations. Cet enfant va avoir des peurs, des angoisses, des questionnements et plein de choses qui m’ont traversé au même âge.

L’écriture vous a-t-elle toujours fasciné ?

Oui. Depuis longtemps, je voulais écrire un roman. Mais j’étais trop impressionné par la littérature. J’avais lu des classiques, des romanciers tellement grands que je me posais la question sur la légitimité.  Mais je savais que j’allais écrire un roman. Je ne savais juste pas que ça allait arriver aussi tôt. Et une fois que j’ai eu la chance de rencontrer une éditrice, j’ai décidé d’y aller. Maintenant, ça me motive pour en écrire d’autres.

Ecrire pour la musique vous a-t-il facilité la tâche ?

Quelque part. Il y a dans l’écriture des chansons une certaine proximité avec l’écriture romanesque. Ce qui change, c’est le temps qu’on met à écrire un roman qui est beaucoup plus long. Parce qu’il faut aussi trouver une musicalité intrinsèque à l’écriture d’un roman. C’est plutôt cela qu’il m’a fallu apprendre à faire. Il m’a fallu aussi comprendre que contrairement aux chansons, ma voix ne sera pas là pour porter les mots. C’était plutôt ce genre de questions qui s’imposait à moi au début de l’écriture du roman. Mais après, le roman offre une liberté unique et absolue.

Vous aviez déjà un public pour la chanson. Cela a-t-il contribué au succès du roman ?

De façon marginale, disons. Il y a une base de fans de mes chansons susceptible de s’intéresser à mon livre, par curiosité. Mais en réalité, j’ai eu beaucoup plus de succès dans le roman que je n’ai jamais eu dans la musique. Donc, il y a énormément de lecteurs qui ne connaissent rien de ma carrière de chanteur, qui achètent le roman et le passent autour  d’eux. Après, il faut savoir que le succès, c’est toujours une alchimie étrange. C’est la rencontre avec les interrogations d’une époque, d’un artiste qui porte l’œuvre. Etre chanteur est peut-être plus croustillant, dans un jeu médiatique, que d’être un moine enfermé dans un monastère…

Êtes-vous heureux d’avoir reçu le Goncourt du lycéen, plutôt qu’un autre ?

Oui. C’est le prix auquel je rêvais. Parce que c’est un prix populaire. Ce n’est pas une entente des membres d’un jury qui ont forcément des accointances ou des intérêts dans des maisons d’édition ou des choses comme ça que le grand public ne peut pas comprendre. Lorsqu’on attribue un prix dans ces circonstances là, ce n’est pas l’œuvre en tant que telle qui est jugée. Il y a toute une cuisine que moi-même je ne comprends pas. Alors que le prix des lycéens, c’est presque le prix de la sincérité et du cœur. Ce sont des jeunes qui vont lire un certain nombre de romans et qui vont choisir celui qui leur parle. Et moi ça me touche, car je me dis que j’ai 34 ans aujourd’hui et j’écris un roman qui parle à une jeunesse d’aujourd’hui. Me sentir en phase avec une tranche d’âge qui n’est pas la mienne, c’est forcément émouvant pour moi. Et puis je repense au lycéen que j’étais, aux émois littéraires que je trouvais très purs à cet âge-là.