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Culture

« Le dîner de trop » : piquant mais délicieux !

« Le diner de trop » est le premier roman de Yasmina Rheljari, paru aux éditions Le Fennec. L’auteure y dresse un diagnostic de la vie de couple dans un microcosme bourgeois, avec un regard à la fois caustique et tendre.

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Le diner de trop YASMINA

Il y a de ces romans qu’on feuillette en pensant savoir à quoi s’attendre. Puis pris au piège d’une jolie phrase, d’un trait d’humour ou d’un brin d’intelligence, on y plonge avec plaisir. «Le dîner de trop» de Yasmina Rheljari fait partie du genre. Léger, diététique mais lourd de sens, assurément. Dans ce premier roman, l’auteure place le couple sur le billard et l’autopsie avec précision chirurgicale. Le tout après avoir procédé à la recherche des antécédents de ce grand corps malade.

Une histoire simple… mais non

«Le dîner de trop» fait le récit d’une rencontre entre amis sur la plage de Skhirate. Maryama, quinquagénaire fraîche et épanouie, va réunir ses amis lors d’un dîner pour leur présenter son nouveau fiancé, un avocat propre sur lui et tout à fait potable pour un deuxième mariage. Mais rien ne se passe comme prévu. Car les couples d’amis invités avaient décidé de saisir l’occasion pour régler des comptes internes…

Les personnages sont parfois burlesques, pathétiques, mais décrits de telle manière qu’on ne peut les juger, ou du moins sans en ressentir quelque compassion. En plus de Maryama, on découvre Séverine, Française au passé humanitaire qui devient plus rbatia que les Rbatis. Son mari Majid, lui, est un brillant cardiologue qui en a marre de voir sa femme changer en être vénal insensible. Hakima, la femme au pantalon, grande engagée pour l’émancipation des femmes, mais dont la féminité est en déclin, se donne à cœur joie de blesser Brahim, homme d’art et de lettres, mais incapable de faire des thunes. L’équilibre des forces dans leurs couples est tellement précaire qu’il finit par éclater au grand jour, au mauvais moment.

Soucis de classes

Par ailleurs, le livre dresse un portrait pertinent de la société bourgeoise rbatie, ce qui est à la fois rafraîchissant, parce qu’on s’éloigne d’un certain misérabilisme social, mais pointu tant les descriptions et les analyses sont convaincantes. Cette société, que l’auteure connaît bien, est à peine caricaturée pour les besoins de la narration. On y découvre tous les travers liés au matérialisme : le culte des apparences, le maniérisme, l’hypocrisie, l’indifférence aux autres. A plusieurs reprises et à travers différentes situations, l’auteure souligne l’absence stridente d’une sorte de mélange social. Ces aspects là sont, pour l’auteure, plus présents dans cette société que dans d’autres. D’ailleurs, le personnage de l’aide ménagère Khadija permet de comparer la vie des bourges à celles des pauvres, et à en souligner l’incroyable décalage, mais sans pour autant minimiser les besoins ou les malheurs des uns ou des autres. Mais le plus grand absent dans la vie de couple et dans la société actuelle, selon Yasmina Rheljari, c’est l’amour. Ce ciment familial, cet ingrédient magique qui fait monter la pâte et lui donne toute sa consistance, brille par son absence. Il en découle un délitement inéluctable qui conduit à la séparation ou à la haine avec passion… A lire.