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Culture

« La traversée du K.-O. » : marche ou crève

Pour ceux qui ont raté sa sortie en langue arabe (en 2007), une traduction de «Fà¢sil li el-dahcha», le premier roman de Mohamed Al-Fakharany, vient tout juste de paraître aux éditions du Seuil.

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Mohamed al Fakharany traversee du KO 2014 05 06

Publié initialement au Caire en 2007, Fâsil li el-dahcha est le premier roman de Mohamed Al-Fakharany. La traversée du K.-O.  : tel est le titre français de ce livre qui a fait un tollé à sa sortie et pour cause.

Saisissant de brutalité, Fâsil li el-dahcha ne raconte pas une histoire, mais la vie quotidienne de gens qui ont tellement occupé l’abîme que l’on se complaît à les oublier, à les traverser du regard ou à glisser dessus sans vraiment les voir. Jugé trop noir, le livre est un récit en spirale très fluide qui dresse des portraits de personnages lacérés par une existence glauque dans une favela à l’égyptienne…

L’espoir s’y évapore instantanément. Dès la première page, on est capturé par le magnifique Hilal, dealer et organisateur de soirées de «planage», qui refuse de se faire attraper par le gouvernement (comprenez la police en égyptien). Il vengera ainsi son père coffré tôt. Hilal, un personnage dont la force et la violence n’ont d’égal que la nostalgie pour le bain que lui donnait son père et sa tendresse pour sa bien-aimée qu’il n’hésite pas à corriger comme il se doit lorsque pointe la discorde.

Humain, trop humain

Faraoula, elle, a tant rêvé de devenir danseuse sur le bateau du Pacha comme la belle Ahlam, ou de devenir actrice reconnue, avant de terminer figurante sans tête sur cinq films pornographiques vendus sur la place. Awad, le cireur de chaussures, indic de la police, qui traîne la honte d’être fils d’un bisexuel notoire et d’une femme aux mœurs douteuses.

Pour financer les projets de son amoureux, Naïma, serveuse, n’hésite pas à se laisser culbuter derrière son comptoir dans un café de nuit pour économiser ces précieux sous qui les rapprocheront davantage. Badri, proxénète de sa nièce et violeur de sa femme, est l’un des baltagis qu’utilisera le «gouvernement» pour mater l’opposition.

Dans les rangs de celle-ci se trouvera Samah, une journaliste en quête de vérité et dont les questions existentielles foisonnent à souhait au contact des petites gens. À côté du sexe, des abus, du viol et du proxénétisme, Al-Fakharany dresse un tableau réaliste de tous les hallucinogènes et substituts à la drogue utilisés par une jeunesse en quête d’oubli ou d’endurance.

Mais la violence du récit, son traitement cru de détails sordides ne sont pas superflus ni inélégants. L’on est frappé par la douceur qui surgit là où on l’attend le moins pour nous rappeler combien humaines peuvent être la tourmente et l’espérance d’une gent déshumanisée par la violence de la vie.