SUIVEZ-NOUS

Culture

«La musique andalouse est très proche de la musique classique universelle»

L’artiste multicarte Fayçal Azizi vient de dévoiler «Al Borda», une reprise électro très osée d’un morceau mythique du répertoire andalou. Il raconte la genèse de ce tube et les projets futurs qui s’inscrivent dans la même veine.

Publié le


Mis à jour le

Faycal Azizi Visa for Music

Vous venez de réaliser une version des plus originales d’un morceau du patrimoine marocain. Comment avez-vous pensé et réalisé ce tour de force sur la musique andalouse?

La musique andalouse du nord du Maroc est très proche de la musique classique universelle. Cela permet de l’innover et de la recréer au goût du jour. J’ai toujours cru que nous pouvions rejoindre les musiques mondialement «tendance», en nous basant sur les transitions/structures de la musique andalouse, pour en faire un style reconnu par les auditeurs partout dans le monde. J’ai eu l’honneur de travailler avec l’orchestre Temsamani dans le cadre de la tournée «Majalis». M. El Akram et Zaineb Afailal (et le reste de l’équipe bien sûr) ont réveillé en moi les sons andalous et méditerranéens et m’ont ouvert les yeux sur ce que je maîtrisais inconsciemment. «Al Borda» était l’un des morceaux du concert et à chaque fois que je le récitais, une sensation intense me submergeait. Pendant cette tournée, j’écoutais Imogen Heap, une virtuose de production musicale. J’ai tout de suite noté le rapport entre «Al Borda» et «Hide and Seek» de Imogen. Après quelques mois, je partais à Paris, Mohamed Sqalli (directeur artistique) me mettait en contact avec Raphaël Hardy, qui maîtrisait la technique que je voulais, et le résultat voulu fut immédiat.

Vu la transformation complète du morceau, n’auriez-vous pas pu utiliser un autre texte, peut-être plus contemporain?

Justement, j’ai pris des partis où nous ne sommes pas dans des éloges religieuses classiques, mais plutôt des vers poétiques et limites sensuelles. D’ailleurs j’étais très impressionné de retrouver une telle sensualité dans un «Madh». Al Bosayri était un génie. Le résultat est tout aussi contemporain.

Vous attendez-vous à quelque mécontentement de la part des puristes du genre ?

C’est possible et même prévisible. Mais jusque-là, ils aiment ce que je fais et ils considèrent que je revisite le patrimoine avec délicatesse et beaucoup de responsabilité.

On dit souvent que les jeunes ne s’intéressent pas au patrimoine, en particulier à la musique andalouse. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que cela a davantage à voir avec leur frustration vis-à-vis de cette musique difficile à toucher. La musique andalouse est une musique savante, une musique de maîtrise, où tu es appelé à employer aussi bien tes émotions que ton cerveau. Je crois que c’est plus une incapacité qu’un désintérêt.

Vous avez eu une expérience similaire avec le morceau «Hak a Mama» remis au goût du jour. On a vu ensuite ce morceau repris à l’infini dans diverses versions. Pensez-vous qu’il en sera de même pour «Al Borda» ?

Je ne crois pas. «Hak a Mama» est une chanson populaire qui était oubliée et que j’ai fait renaître en Electro Pop. «Al Borda» est un chant tellement compliqué qu’il ne peut intéresser les artistes à tubes éphémères.

 Comptez-vous récidiver ? Si oui, dans quel registre ?

Bien sûr que oui. D’ailleurs dans le prochain EP, il y a «Bi ayi sabab nohjar» qu’on compte sortir en single bientôt. Les registres sont des appuis, des moules, quand on travaille une reprise, c’est la chanson originale qui impose son remake. Quoique j’aie un faible pour les sonorités électro.

Vous avez réalisé cette version en France. N’était-ce pas possible au Maroc ?

Malheureusement, non. D’ailleurs c’est toujours une galère de trouver des collaborateurs qui peuvent me suivre dans mes délires. Souvent, ils pensent à l’efficacité, alors que nous sommes dans la phase écriture. Mais aujourd’hui, je suis très content d’être entouré de musiciens, qui sont à la fois instrumentistes et producteurs. Cela va me faire économiser énormément de billets
d’avions (rires).