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Culture

La Marche verte, enfin sur grand écran

Le film tant attendu sur la Marche verte vient de sortir en salles le 27 avril. Lors de son avant-première, un grand nombre d’officiels s’est réuni dans une cérémonie de lancement en grande pompe.

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La Marche verte

Jeudi 21 avril, la salle I-Max du Morocco Mall a accueilli un public nombreux pour l’avant-première du film La Marche verte, du jeune réalisateur Youssef Britel. «Le choix de la salle est lui-même symbolique, puisqu’elle propose 350 places. Un chiffre qui rappelle les 350 000 volontaires ayant participé à cette manifestation historique», explique Othmane Benzakour, producteur du film.

Dans le public, des artistes, pour la plupart du monde du cinéma, dont les comédiens du film, Mohamed Khouyi, Rachid El Ouali, Nadia Niyazi, Saadia Azgoune… Un nombre important d’officiels se sont également déplacés pour cette avant-première qui a été pensée comme une cérémonie patriotique, inaugurée par des chants glorificateurs qui laissent quelque peu perplexe. Et pour cause. C’est un certain chanteur libanais qui a démarré la soirée, avant de céder la place à un jeune homme reprenant, plus ou moins bien, le chef-d’œuvre de Fathallah Lamghari, Sawt Al Hassan et celui de Jil Jilala, Lâyoune Aynia.

Quoi qu’il en soit, l’événement était à la hauteur des attentes du jeune réalisateur Youssef Britel, qui a déclaré que l’idée du film le hantait depuis neuf ans. «Quand j’ai appelé Rachid El Ouali pour jouer dans le film, il a ri en me lançant “Encore ce rêve ?”. C’est dire que j’en parlais depuis toujours», affirme Youssef Britel. Rachid El Ouali qui, réaliste quant aux moyens disponibles, a avoué avoir partagé la même ambition, mais avec moins de conviction sur la faisabilité.

Mais il y a quatre ans, Youssef Britel a trouvé la bonne opportunité et s’y est accroché. «Nous survolions la ville de Laâyoune quand, épris du spectacle, je dis à Youssef que l’on devrait tourner un film au Sahara. Ça lui a pris vingt minutes pour me raconter l’histoire de La Marche verte. C’était certes encore flou, mais il y avait là les prémices d’un vrai projet», confie Othmane Benzakour.

Un budget de 18 millions de dirhams a été annoncé lors de la conférence de presse précédant la projection. D’aucuns parlent de 80 millions, répartis entre contributions financières et dons en nature, chose que les producteurs rejettent en bloc. De sources proches, la prochaine œuvre de la team s’attaquera à la vie de feu le Roi Mohammed V. On ne change pas une équipe qui gagne, ni un créneau qui séduit…

Eu égard aux moyens conséquents qui ont été mis au service de ce travail, on est en droit d’attendre mieux. Dans la presse nationale, depuis la projection du film au Festival international du film de Marrakech, ou le Film national à Tanger, la majorité des critiques portent sur le caractère propagandiste du film.

La marche, le film

Pourtant, nous n’inventons pas la propagande dans le cinéma et un grand nombre de chefs-d’œuvre cinématographiques universels ont déjà servi des causes nationalistes, à la limite du chauvinisme (Hollywood continue à le faire sous des tonnerres d’applaudissements) ou même fascistes (comme au temps de Mussolini ou du Troisième Reich pour redorer le blason des dictateurs). Sur ce volet, la Marche verte est réelle, pacifiste et unanimement reconnue. Nulle propagande n’est donc nécessaire pour faire valoir l’événement.

Ce qu’on peut vraiment reprocher au film, par contre, c’est de ne pas avoir su exploiter les bons éléments disponibles. A commencer par les différents personnages censés reproduire la diversité notée lors de la manifestation, à savoir le Juif, le Sahraoui, l’Espagnole anti-franquiste, les frères commerçants, le personnage hollywoodien du gentleman cambrioleur et ses persécuteurs repentis : aucun d’entre eux n’était vraiment mû par une réelle volonté de participer à la marche verte. A part le caïd et la femme enceinte, veuve d’un soldat mort sur le front, c’est le pur hasard qui a rassemblé ces bons gens. L’absence de gens lettrés et de nationalistes convaincus dessert l’image de la Marche verte et ses participants.

L’on ne peut que sourire également de l’irréalisme de quelques scènes, concernant le personnage du gentil caïd et des fonctionnaires aimables et compatissants. Si le cinéma est censé polir et romancer, il ne doit pas non plus caricaturer. Le patriotisme se passe volontiers de telles tartuferies.

D’un autre côté, les dialogues sont tellement peu consistants, à la limite du collégial, que le film paraît court et assez frustrant par rapport à l’ampleur de l’événement. Avec un tel budget, il y avait moyen d’embaucher une guérilla de scénaristes pour ficeler une meilleure histoire, avec une meilleure rhétorique. Au final, l’on est partagé par un sentiment d’indulgence envers un jeune réalisateur et l’intransigeance due à l’importance de l’événement n

F.M.