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Culture

«La culture est une porte de sortie du fanatisme religieux»

Patrick Pelloux est l’urgentiste le plus célèbre de France n En plus de ses nombreuses collaborations éditoriales, il est surtout connu comme l’étrange médecin de «Charlie Hebdo», où il a écrit auprès de Charb et Cabu jusqu’au drame inattendu du 7 janvier, qui a emporté la vie de ses amis. Cette année, aux éditions Le Cherche-midi, Patrick Pelloux a signé un livre thérapeutique : «L’instinct de vie», qui se veut une main tendue à tous les rescapés.

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Patrick Peloux

«L’instinct de vie» est-il un livre à visée thérapeutique ?

Complètement. Comme j’étais le premier médecin à intervenir suite à l’attaque terroriste à Charlie Hebdo, en essayant d’aider mes amis, ce que je n’ai pas réussi à faire, cela a été très traumatisant pour moi. J’ai donc écrit ce livre pour toutes les personnes qui ont été victimes ou qui accompagnent des victimes de psycho-traumatismes, que ce soit lors d’attentats ou d’accidents de la vie courante. Vous savez, la souffrance est universelle. Un psycho-traumatisme, comme un infarctus, est le même chez un Marocain, un Français ou un Anglais. On est tous pareil. A partir de là, j’ai pensé qu’il  fallait faire rayonner cette prise en charge du psycho-traumatisme.

Dans ce livre, il s’agit d’une expérience personnelle. Pensez-vous avoir établi une conduite à tenir du psycho-traumatisme ?

Non. Je n’ai pas la prétention de dire que c’est une méthode ou une analyse. Je rends compte de ce que j’ai fait pour aller mieux et m’en sortir. J’ai découpé en chapitres qui décrivent les étapes par lesquelles je suis moi-même passé. Il y a la sidération, lorsque arrive l’accident, puis la dissociation, et, après, la reconstruction.

Vous parlez dans votre livre de l’avant et de l’après- traumatisme et vous y revendiquez presque votre statut de victime.

C’est que ça ne sert à rien de faire l’autruche. Quand on a vécu un drame dans sa vie, il faut l’affronter. Il faut embrasser la douleur pour lui tordre le cou. Quand vous comprenez comment et pourquoi vous souffrez, vous arrivez à aller mieux. Rester dans son coin et se dire que ça va passer, ce n’est pas une bonne méthode. 

Cela a-t-il changé votre façon de considérer le traumatisme psychologique dans votre pratique urgentiste ?

Complètement. Comme je travaille au SAMU de Paris, cela m’a permis d’abord de comprendre que les systèmes de secours, de police, des pompiers et de santé, doivent travailler dans la coopération et pas dans la concurrence. Deuxièmement, il ne faut pas traiter les gens dans l’immédiateté et les laisser partir. C’est au contraire le début de la prise en charge, notamment psychologique, qui  doit se poursuivre au-delà des premiers soins.

Ce drame de «Charlie hebdo» a-t-il créé un fossé entre vous et le reste du corps médical ?

Oui. Malheureusement, les médecins font de plus en plus dans le médico-économique et ne voient plus les malades qu’en termes de rentabilité. La médecine s’éloigne de l’humanisme et c’est un tort. Car c’est aux soins et à la prise en charge en urgence des malades qu’on mesure l’humanité et la bienveillance d’une société.

Vous ne cessez de dénoncer le terrorisme islamique. Pensez-vous qu’il faille encore les dénoncer ?

En effet et le monde musulman doit se joindre à nous pour dénoncer ce terrorisme, car les populations que Daech et Al Qaida ont le plus tuées étaient musulmanes. Je sais qu’ils veulent commettre des attentats au Maroc et se répandre au Maghreb. Et c’est là qu’on a besoin d’une modernité. Car le nouveau millénaire est celui des droits, ceux des femmes, ceux des enfants et des minorités.  Moi, j’espère que l’Islam va réinventer un modèle apaisé pour arrêter des conflits d’un autre âge. Mais je suis convaincu que ce radicalisme religieux, qui n’est autre qu’un nazisme, c’est la queue de la comète de l’emprise religieuse sur la société. Je suis optimiste.

Charlie Hebdo a souvent été accusé d’islamophobie…

Et c’est faux. Dans «Charlie Hebdo», on considérait que l’Islam était une religion comme une autre et c’est pour ça qu’on la caricaturait comme on le faisait pour les autres. Et puis dénoncer le nazisme ne veut pas dire qu’on est contre les Allemands. Il faut remettre les choses à leur place. «Charlie Hebdo», c’était des gens qui dessinaient qu’on a décimés avec des armes de guerre. Où va-t-on après ? On accepte les génocides ? Les plans d’extermination ? Ces accusations d’islamophobie servent surtout les terroristes.

Vous dites que la culture est une clé pour lutter contre le terrorisme.

Absolument. L’une des portes de sortie du fanatisme religieux, quel qu’il soit, juif, chrétien, ou islamiste, c’est la culture. De toute façon, les religieux se sont toujours pris à la culture. Donc il faut des pièces de théâtre, du cinéma, des livres qui répandent l’humanité et l’esprit universel  des droits des hommes et des femmes pour lutter contre ce radicalisme qui veut tuer tout le monde.