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Culture

La bataille des trois rois

Younès Nekrouf propose une réflexion cultivée sur un monde qui n’existe plus.
Un Portugal et un Maroc aujourd’hui encore hantés par le souvenir de l’empire disparu.

Publié le

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Il est des initiatives qui sont prises à juste titre. Il en est ainsi de la réédition, dans la Bibliothèque arabo-berbère (BAB), de La Bataille des trois rois(*) de Younès Nekrouf. Paru en 1984, réédité en 1991, l’ouvrage bénéficie d’une troisième édition conformément aux vœux du lectorat. L’ouvrage de Youssef Nekrouf vient donc à point nommé pour exhumer un pan majeur de l’histoire maroco-berbère.
Trois grandes parties composent le livre. En amont, pendant et après la bataille. L’auteur commence d’abord par la naissance de l’infant Don Sébastien le 20 juillet 1554. Naissance accompagnée d’une funeste prédiction : «Il lui adviendrait de grands troubles et afflictions». De chapitre en chapitre, la tension monte et avec elle le suspense bien entretenu par l’écrivain, tel un roman policier, qui nous mène vers le grand bras de fer. En 1568, à l’âge de dix ans, Don Sébastien est proclamé roi. Dix ans après c’est 1578, «l’année de tous les dangers». On suit avec curiosité ce jeune roi fougueux, qui avec ténacité et conviction, droit dans ses bottes, bardé de croyances, va conduire son armée et lui-même droit dans le mur. Enfin, Younès Nekrouf arrive à la date fatidique du 4 août 1578. Le charismatique roi Abdelmalek est en conflit avec son oncle Mohamed El Moutawakil, qui se prétend roi et s’alliant  à Sébastien. Abdelmalek, fin lettré et fin stratège, était malade, probablement victime d’un empoisonnement. Telle se présente la situation au moment de la bataille. Décrite avec un violent flux d’énergie qui fait pendant à la mort de pas moins de trois rois. Un seul cependant sur le champ d’honneur. Mohamed El Moutawakil, dans sa fuite, périt noyé. Abdelmalek se surpassant devant la maladie, finit par mourir d’épuisement. Seul le jeune et courageux Sébastien périt par les armes. Ksar El Kébir devient, par la suite, un lieu mythique avec la victoire mémorable du royaume musulman du Maroc sur le royaume catholique du Portugal.
Dans la dernière partie du livre, l’auteur excelle à démontrer les tenants et aboutissants de cette bataille. Ainsi, l’histoire, superbement racontée par Younès Nekrouf, est vibrante, car elle révèle, comme des dessins occultes dans les tapisseries, une vérité, celle d’un passé glorieux de l’Empire chérifien. C’est une histoire de passion, moins par la présence de trois rois, que parce qu’elle est écrite en fonction du présent. Le livre donne à voir, à ressentir le destin incroyable de deux pays, qui après avoir guerroyé dans le passé, entretiennent aujourd’hui les meilleures relations.

(*) De Youssef Nekrouf, La croisée des Chemins, collection BAB, 224 p, 85 DH.