Culture
Hay Mohammadi, quartier-dortoir plein d’espoir
Au cÅ“ur de derb Moulay Chrif et derb Essaà¢d, l’association Initiative urbaine fait un remarquable travail d’animation culturelle pour les enfants de Hay Mohammadi.

«Bienvenue à Hay Mohammadi !», entonne gaiement Abdeljalil Bakkar avant de se rembrunir brusquement : «L’Hay, où 156 000 habitants se superposent dans trois kilomètres carrés. Belle densité, n’est-ce pas ? Joli indice de développement aussi… 0,74 ! Même pas un dixième de la moyenne respectable», ironise le président d’Initiative urbaine, avec un sourire un peu résigné. Mais pas abattu pour autant. Ce quartier-dortoir «délaissé et mal défendu par ses élus», doit se réveiller, et l’association de Abdeljalil a bien l’intention de participer à cette résurrection. «Nous nous battons pour faire de ce lieu autre chose qu’une banlieue aride. Nous voulons que Hay Mohammadi devienne un havre de culture et d’épanouissement pour ses enfants», espère le militant associatif. «On n’est jamais si bien servi que par soi-même» : ce proverbe pourrait très bien être la devise de cet homme et de son équipe d’animateurs, qui s’acharnent depuis 2002 à sauver de l’ennui quelque 230 enfants du quartier. «Au début, ils rechignaient à venir. Maintenant, il n’est pas rare de voir un bataillon de mômes arriver une heure à l’avance !», se félicite Abdeljalil.
A quelques centaines de mètres de la Fabrique culturelle des anciens abattoirs, juste à côté du défunt cinéma Chérif, le «siège» d’Initiative urbaine, une maisonnée colorée de deux étages, pullule de jolies têtes occupées à fabriquer leur propre gazette, Atfal Magazine qui en est déjà à son troisième numéro imprimé et distribué aux écoles du quartier. Les enfants y interviewent, entre autres, un personnage loufoque de bande dessinée, prénommé 7ni9iza par son père-dessinateur, Abderrahim Bensaâd. Quand ils ne sautillent pas avec 7ni9iza, ces mini journalistes s’amusent à enregistrer des émissions dans les locaux de Radio Atfal, un authentique studio équipé de micros, de casques et d’une régie à l’allure très professionnelle : «C’est Redouane Chaâbi, un de nos animateurs, qui a eu l’idée de lancer cette Web radio. Trente enfants de huit à douze ans s’initient ici au journalisme. Ils ont été formés pendant trois week-ends par une reporter bénévole», explique fièrement Abdeljalil Bakkar. A côté, une belle salle de théâtre et de danse fait office de conservatoire improvisé. «A chacune de nos représentations, nous invitons les parents pour les rassurer. Une de nos pièces abordait subtilement la prostitution, mais nous avions quand même un peu peur». Abdeljalil n’oubliera jamais sa frayeur puis sa grande surprise lorsque le père d’une des comédiennes s’est soudainement levé et s’est engouffré dans les coulisses : «J’essayais de l’en dissuader, mais j’étais soulagé quand il m’a finalement dit ceci : J’entre deux minutes pour embrasser ma fille et je retourne m’asseoir !» Le président d’Initiative urbaine est confiant : «Les mentalités changent lentement mais sûrement». Les enfants y seront sans doute pour quelque chose. Un mini conseil communal a été récemment désigné, pour «apprendre la démocratie locale» et dialoguer avec les élus adultes de Hay Mohammadi. «Peut-être que ces mômes feront un bien meilleur boulot, une fois grands», rêve à haute voix Abdeljalil Bakkar.
