SUIVEZ-NOUS

Culture

Gnaoua 2025 : Essaouira en état de transe-mission

Essaouira entre en transe du 19 au 21 juin : 54 concerts, 350 artistes, des fusions enivrantes et un forum engagé. Trois jours où la musique célèbre l’humanité sans frontières.

Publié le

Du 19 au 21 juin, Essaouira redevient le nombril de la création musicale mondiale, là où les guembris des Maâlems Gnaoua rencontrent les percus sénégalaises, les cuivres français et les vibes afro-cubaines pour trois jours de fusion musicale et d’humanité à vif.

Le coup d’envoi ? Une parade explosive (appelée Al Aada) dans les ruelles d’Essaouira, où les Maâlems, gardiens de la transe gnaoua, mènent la danse avec une foule en liesse. Un rituel qui pose les bases d’un festival sans barrières. Sur la scène Moulay Hassan, le concert d’ouverture envoie du lourd : Maâlem Hamid El Kasri, monument de la tagnaouite, croise le fer avec la compagnie sénégalaise Bakalama, leurs percus sabars en dialogue avec les voix magnétiques d’Abir El Abed et Kya Loum. Une ouverture magistrale, entre racines marocaines et modernité ouest-africaine, qui donne le ton : ici, on ne cloisonne pas, on fusionne.

En effet, le festival, c’est une orgie de métissages. Maâlem Houssam Gania fait chanter son guembri avec la batterie libre du new-yorkais Marcus Gilmore. Morad ElMarjan dialogue avec le jazz mystique de Dhafer Youssef. Asmaa Hamzaoui et ses Bnat Timbouktou, porte-étendards d’une sororité gnaoua, s’allient à la Malienne Rokia Koné, voix de feu et d’engagement. Et que dire de la création de Maâlem Mohamed Boumezzough, où balafon malien, guembri marocain et cuivres français s’entremêlent dans une transe collective portée par Anas Chlih, Aly Keïta, Tao Ehrlich et consorts ? Ça pulse, ça transcende, ça réinvente.

La programmation aligne aussi des pointures africaines et afro-diasporiques : Cimafunk, OVNI afro-cubain, Tiken Jah Fakoly, roi du reggae conscient, ou encore CKay, prodige nigérian à la pop introspective. Sans oublier la jeune garde gnaoua, qui partage la scène de la plage avec les maîtres, et des ovnis comme Fehd Benchemsi & The Lallas, DuOud ou Ribab Fusion, qui électrisent Essaouira avec leurs hybrides sonores. Au total, 350 artistes, dont 40 Maâlems, pour 54 concerts, des shows XXL en plein air aux sets intimistes dans les lieux patrimoniaux. De quoi perdre la tête et retrouver l’âme.

Transmission, audace, futur

Mais Gnaoua, c’est aussi une agora d’idées. Pour sa 12e édition, le Forum des droits humains s’attaque aux mobilités humaines et aux dynamiques culturelles. Écrivains, cinéastes, penseurs – Andrea Rea, Elia Suleiman, Véronique Tadjo, Faouzi Bensaïdi ou encore Pascal Blanchard – se retrouvent pour décortiquer les liens entre migrations, récits et création. Une bouffée de pensée libre dans un monde qui s’asphyxie sous les frontières.

Le festival mise aussi sur l’avenir. Le programme Berklee at Gnaoua, en partenariat avec le mythique Berklee College of Music, revient pour former des jeunes musiciens de 23 pays aux côtés de cadors internationaux. Un labo vivant, où l’apprentissage croise la création. Dans la même veine, la nouvelle Chaire des Croisements Culturels, portée avec l’Université Mohammed VI Polytechnique, explore les spiritualités et les hybridations musicales à travers des tables rondes ouvertes. Ajoutez à cela l’Arbre à Palabres, espace de parole libre inspiré des traditions africaines, l’expo Entre jeu et mémoire au Borj Bab Marrakech, les concerts de rue, les ateliers : tout ici respire la transmission et l’ouverture.

Trois jours pour vibrer, penser, s’émerveiller. Trois jours pour se rappeler que la musique peut rassembler ce que le monde s’échine à fracturer. À Essaouira, Gnaoua 2025 n’est pas qu’un festival : c’est un souffle, une transe collective. Alors, on s’y retrouve ?