Culture
FICAM : drôle d’animation à Meknès !
Le Festival International du cinéma d’animation de Meknès vient de clôturer sa 18e édition. Son succès augure d’un bel avenir pour le cinéma d’animation au Maroc.

Incroyable festival ! Le FICAM, c’est comme les grandes retrouvailles en famille, mais avec des stars du cinéma d’animation, ceux qui font rêver les enfants et subjuguent les adultes par leur aptitude à dessiner le monde dans toute sa splendeur et sa noirceur. En effet, la 18e édition du Festival international du cinéma d’animation de Meknès a réuni, pour le plaisir d’un public avide, les plus grands artistes et professionnels du monde, primés dans les prestigieuses manifestations du genre. Dans l’agréable cadre de l’Institut français, ces stars qui, ailleurs, s’enferment dans des espaces VIP, se sont mélangées au public meknassi, dans une atmosphère conviviale et détendue, afin d’assister aux rencontres de tous genres: leçons de cinéma, discussion avec des professionnels, projections… Ou plus simplement, pour discuter entre professionnels, un thé à la main, la curiosité ravivée par la bienveillance ambiante. «Je crois que je n’ai jamais assisté à un festival pareil. Mis à part la compétition que je trouve de qualité, il y a une douceur à Meknès qu’on ne trouve nulle part», affirme Michael Dudok De Wit, le grand réalisateur néerlandais qui préside le jury de la Court Compet cette année. Des courts métrages, on en a vu de toutes les couleurs. Et de toutes les techniques aussi.
Tout un programme !
Cette diversité est d’ailleurs l’une des caractéristiques principales du court métrage d’animation. «Le court métrage permet une liberté totale d’expression, de technique et même de durée. Parce que le réalisateur fait tout, de bout en bout, contrairement au long métrage où l’on travaille en équipe. J’ai vu des choses stupéfiantes sur le plan technique, mais surtout des choses très personnelles et émouvantes», commente le président du jury. A ses côtés, officiaient le producteur Marc du Pontavice, président de Xilam Animation, et la comédienne Samia Akariou.
La spécificité originale de la compétition du long métrage d’animation du FICAM tient à son jury. Le Jury Junior était composé des élèves de l’option cinéma du lycée Paul Valéry et ceux de la section internationale du lycée qualifiant Moulay Ismaïl. Doté de 2000 euros, le Grand Prix de l’édition 2019 a départagé les six longs métrages d’animation, au grand plaisir des réalisateurs qui préféraient nettement être jugés par «un public de passionnés».
Hors compétition, on a eu droit à une très belle programmation, dont certains films réservés aux adultes. Le documentaire «Zero Impunity», mettant la lumière sur l’impunité des auteurs de viol en temps de guerre, a particulièrement retenu l’attention des spectateurs. Ce film montrait clairement que l’on pouvait aisément utiliser l’animation pour traiter différemment, mais efficacement, de sujets aussi sensibles.
They have a dream
Depuis la création du FICAM, co-organisé par l’Institut français et la Fondation Aïcha, un rêve se profile : celui de lancer la filière animation dans le cinéma marocain. Aujourd’hui que le cinéma d’animation a plus de chance de traverser les frontières et de conquérir les publics étrangers que le cinéma de vues réelles, le Maroc reste à la traîne de ce côté. C’est ce que l’on entendait dans le «Thé à la menthe» avec les producteurs Mustapha Mellouk et Ghita El Quessar, pour qui le Maroc regorge d’un potentiel inexploité.
Mais la patience est de rigueur. «Il faut au moins quatre décades pour espérer voir naître un cinéma d’animation dans un pays. Il faut d’abord créer le public, installer la formation professionnelle, l’industrie cinématographique d’animation et puis le marché. Tout cela prend du temps», nous rassure Marc du Pontavice.
«Ce n’est pas pour rien que le FICAM travaille, depuis 18 ans, à préparer le public et à initier la formation», corrobore Mohamed Beyoud, le directeur artistique du festival (voir interview). En témoignent les beaux moments que sont les leçons de cinéma, les making of et les work in progress, qui ont fait salle comble, avec un public de jeunes et d’adultes. Cette année, ces passionnés d’animation ont eu droit à la «crème» des animateurs : Peter De Sève, dessinateur du New Yorker et père des personnages de l’âge de glace, Michel Ocelot, père de Kirikou et de Dilili à Paris, Louis Clichy, co-réalisateur de «Astérix et la potion magique», le génie Denis Do, créateur de Funan et bien d’autres. D’un autre côté, la résidence d’écriture francophone, chapeautée par la productrice Delphine Maury qui a accompagné les six boursiers francophones dans leurs projets de courts métrages, s’inscrit également dans ce projet long-termiste d’installer le cinéma d’animation dans le paysage artistique marocain. Bon vent au FICAM !
