SUIVEZ-NOUS

Culture

««Elle», c’est ce dont nous sommes tous faits»

Après y avoir reçu un hommage en 2012, présidé le jury en 2014, l’actrice française Isabelle Huppert est revenue au FIFM pour présenter deux films, dont «Elle» de Paul Verhoeven, auquel elle a rendu hommage au nom du festival. Salué par la critique et classé dans le top 30 du British Film Institut, «Elle» conforte la ligne audacieuse et subversive du réalisateur néerlandais. Isabelle Huppert nous en a parlé exclusivement.

Publié le


Mis à jour le

Isabelle Hupper 1

Un critique a dit : «Personne d’autre qu’Isabelle Huppert n’aurait pu jouer le premier rôle de “Elle”. Sachant qu’il s’agit d’un personnage féminin complexe, torturé, flirtant avec une certaine perversité, comment le prenez-vous ?

Je ne le prends ni comme un compliment ni comme une insulte. Je pense que ce genre de personnages sont jugés pervers un peu hâtivement et de manière caricaturale, comme s’est arrivé pour La pianiste. C’est évidemment plus que ça. C’est quelque chose qui se balade entre la normalité et l’anormalité, l’envers et l’endroit, le bien et le mal. Il s’agit plutôt de quelque chose dont nous sommes tous faits et qui prend une forme un peu exagérée. Le personnage de Elle est un personnage inédit, une sorte de fantasme et le cinéma est fait pour donner corps à ce fantasme et pour déranger aussi un petit peu.

Vous incarnez souvent la femme forte, libre, féminine voire sexuelle. Pensez-vous pouvoir jouer le rôle d’une femme soumise, sans désirs? Une nonne, par exemple ?

Ah, mais moi j’ai déjà joué un rôle de nonne, sauf qu’elle n’était pas soumise ! C’était le rôle de la religieuse de Diderot. Alors c’est vrai que la pauvre en a fait les frais et qu’elle meurt tragiquement, mais le passage de Diderot est extrêmement drôle. Comme tous les grands livres d’ailleurs. De voir cette nonne emportée par une attirance irrépressible pour cet autre jeune religieux. Donc voilà, la nonne finalement n’était pas le meilleur exemple à donner (rire).

«Elle» signe le retour triomphal de Paul Verhoeven après des années d’absence et pas mal d’échecs surtout. Travailler sur ce film avec lui ne vous a-t-il pas mis de pression ?

Pas du tout. Au contraire. Quand j’ai su que c’était lui qui faisait le film, ça a enlevé toute suspicion, toute contrainte. On l’a fait dans un état de confiance et de complicité absolue, mais à mille pour cent. Moi, j’avais découvert le travail de Paul Verhoeven, il y a très longtemps. J’avais vu un de ces premiers films hollandais qu’il a fait-avant de partir aux Etats-Unis. J’étais encore au lycée et j’avais vu son film Turkish Delices. Et déjà à l’époque, il y avait ce malentendu et cette ambiguïté qui entourent aujourd’hui le travail de Verhoeven. J’avais lu une critique formidable dans Charlie Hebdo qui le conseillait fortement et j’avais trouvé le film magnifique. Comme tous ses films d’ailleurs où il combine plusieurs genres. Il va du thriller à la comédie, du drame à la légèreté, du suspense au portrait psychologique. Il est très fort pour ça.

Le film est une adaptation du roman «Oh…», de l’écrivain Philippe Djian. Avez-vous une approche différente quand vous travaillez sur un personnage de roman ?

Je n’ai pas de préférence. J’ai fait des films formidables tirés de bons ou de mauvais romans. On dit communément que ce sont les mauvais livres qui font les bons films. Mais je trouve que ce n’est pas nécessairement vrai. Je trouve Mme Bovary et Oh… très bons comme romans. Le film La pianiste a été également adapté d’un roman, mais Michael Haneke n’a pas voulu que je le lise, car la lecture du roman peut avoir un apport, mais aussi représenter un frein. Donc, non, ça n’intervient pas du tout pour moi.

Vous avez reçu un hommage, présidé un jury et êtes souvent revenue au Festival international du film de Marrakech. Est-ce un festival qui compte pour vous ?

Je l’apprécie beaucoup. J’y ai vécu des moments formidables quand j’y ai reçu un hommage et j’ai toujours eu un plaisir à y retourner. Un festival comme celui-là permet au public de voir des films qui ne passeront peut-être pas dans les circuits de distribution. Cela dépend de la vie de ces films-là. C’est toujours des moments formidables, et pour le public et pour les équipes des films.