SUIVEZ-NOUS

Culture

Cahiers des charges de l’audiovisuel… un bilan médiocre

Trois ans après l’adoption des cahiers des charges de l’audiovisuel, le bilan des chaînes nationales convainc peu. La qualité a peu bougé et les doléances des producteurs externes persistent.

Publié le

Cahiers des charges de audiovisuel

Le dépit va en grandissant chez les producteurs audiovisuels marocains. Si certains accusent les commissions des chaînes de boycotter leurs projets, d’autres incriminent directement l’application des appels d’offres qui privilégient les grosses boîtes de production au détriment des autres. Petit retour en octobre 2012. Le ministère de la communication annonce une belle victoire en faisant adopter de nouveaux cahiers des charges du secteur audio-visuel. La dernière mouture acceptée par le gouvernement est censée changer pour le mieux le contenu médiatique des chaînes étatiques. Est annoncée alors la consolidation de «la production externe, qui représente un secteur vital et prometteur, à travers l’établissement d’un partenariat solide basé sur la promotion de ce secteur et de la coopération sur l’application des règles de transparence et d’égalité des chances», annonce le ministre de tutelle, Mustapha El Khalfi. 

Appels d’offres écourageants

Égalité des chances ? Si auparavant les «petits producteurs» avaient peu de chance de séduire les commissions des programmes, l’application des cahiers des charges n’a fait qu’empirer les choses. Et ce, en raison des garanties imposées et des cautionnements exigés qui rognent les moyens de production. La responsable administrative de la boîte Les Deux Rives explique que «bloquer la caution, en plus des coûts de production et des assurances, c’est très décourageant». Surtout qu’en général les sociétés répondent à plusieurs appels d’offres pour espérer en décrocher un. «C’est-à-dire qu’il nous faut d’abord disposer du montant de toutes les cautions qu’on doit bloquer, le temps d’avoir les réponses. Ce qui nous oblige à postuler moins et réduit nos chances considérablement. Finalement, les appels d’offres se jouent d’emblée entre les grands producteurs».

Ce n’est pas Larbi Altit, président de Warda production, qui dira le contraire. Producteur de la série Hdidane et d’autres programmes à succès pour la RTM, Médi1 TV et même Aljazeera, Larbi Altit ne manque pas de moyens. Pour lui, l’avènement des cahiers des charges s’est à peine fait sentir. «En effet, à part la paperasse et la constitution du dossier devenues plus encombrantes, la collaboration avec les chaînes nationales n’en est que plus structurée, puisque les appels d’offres agissent en premier filtre qui facilite les choix en réduisant la concurrence», dit-il. Propos confirmés par des responsables de la deuxième chaîne nationale. «Les appels d’offres ont imposé un filtre qui nous a épargné beaucoup de travail inutile. Nous recevions beaucoup d’ébauches de dossiers mal ficelés… Parfois on découvrait, après l’acceptation du dossier, des problèmes au sein de la société de production, ce qui pouvait causer l’arrêt de tournage».

Et la qualité dans tout cela ?   

Cela étant dit, ce nouveau système s’est avéré très rigide, même pour les responsables des chaînes nationales.  «Avant, on pouvait aider une petite production lorsqu’on lui sentait du potentiel. On pouvait la guider pour mieux améliorer son produit», nous explique-t-on au département de la fiction à 2M.

En sus, la soumission spontanée de concepts n’est plus à l’ordre du jour, limitant grandement la créativité : «Même lorsqu’un créatif a une idée brillante, il ne peut nous la présenter si l’on n’y a pas pensé avant, afin de lancer l’appel d’offres qui lui sied». En effet, les commissions définissent les besoins de la chaîne à partir des grilles pré-établies et en se basant sur des chiffres de l’audience, critère insuffisant pour évaluer la qualité des programmes.

«La réforme souhaitée du secteur audiovisuel ne peut se faire sur la seule base des modifications apportées à l’étape de sélection. Un grand effort reste à déployer dans le domaine de l’écriture», assure-t-on à la fiction. À cela, le ministre de la communication a répondu le 11 décembre dernier, lors d’une journée d’étude avec les professionnels du cinéma, du théâtre et de l’audiovisuel. Parmi les objectifs établis, le développement de l’écriture scénaristique et la formation continue figurent parmi les grandes priorités. Reste à savoir par quel biais et dans quel délai les résultats se feront sentir…

Côté finances…

À 2M, le contrat programme tant désiré et annoncé comme l’étape suivante à l’adoption des nouveaux cahiers des charges se fait attendre. «En l’absence de cette subvention, nous dépendons totalement des ressources publicitaires et de la taxe pour la promotion du paysage audiovisuel national (ou TPAN) qui est à la charge des abonnés du réseau d’électricité. Un budget insuffisant pour répondre aux attentes qualitatives du public», explique une source interne. Bien que la chaîne garde ses parts d’audience, l’absence dudit contrat programme sous-entend un refus d’engagement de la part de l’État.

Ce qui est à craindre, c’est que l’expansion des médias, surtout arabes (presque 500 chaînes générales et thématiques) n’en finisse avec les chaînes nationales. Et ce n’est certes pas le passage vers la TNT, entamé en juin dernier, qui va y changer grand-chose. Le bouquet numérique terrestre devrait être renforcé par la création de chaînes supplémentaires dont  une qui traitera des questions de la famille et de l’enfant, conçue en partenariat avec le ministère de la famille et du développement social. En plus de la chaîne éducative et culturelle Arrabiâa, Al Maghribia, simple relais des programmes d’Al Oula et 2M, la chaîne religieuse Assadissa et Arriyadia déjà présentes sur le câble. En somme, des chaînes à l’audience faible et aux budgets infimes, dont on attend beaucoup trop.