Culture
Burn-out : triste réalité !
Le dernier film de Noureddine Lakhmari décrit une ville patchwork, dans laquelle espoir et détresse flirtent au quotidien. Des sujets d’actualité y sont abordés : avortement, viol, travail des enfants et disparité sociale.

Le 10 octobre dernier sortait Burn-out, dernier film de la trilogie noire du réalisateur marocain Noureddine Lakhmari. Comme expliqué lors de l’interview faite en fin août dernier (www.lavieeco.ma), le réalisateur a travaillé sur Casablanca comme toile de fond, à patchwork social et économique. De nombreux sujets d’actualité à caractère social ont été soulevés ou effleurés. Parmi eux, l’avortement, la prostitution et le travail des enfants dans des conditions précaires et souvent très dangereuses, tissent la toile du burn out.
Casa toujours Negra
Comme dans les précédents films de la trilogie, Burn-out se veut noir et amer. En effet, le Casablanca de Noureddine Lakhmari est lugubre, chargé, insoutenable de cruauté envers ses habitants, qu’ils soient riches ou pauvres.
D’ailleurs, le rôle principal, s’il n’y en a qu’un, donne à voir un jeune bourgeois, ne manquant de rien, dont le couple se délite dans la morosité d’une existence sans dessein. Jade, interprété par Anas Elbaz, s’accroche à la lubie compulsive d’atteindre la corniche, depuis chez lui, en moins de trois minutes, pour renouer avec un rêve d’enfant, avorté par un père tyrannique. Le personnage d’Ayoub (Ilyas El Jihani), petit enfant cireur, qui rêve d’acheter une prothèse de jambe à sa mère handicapée, doit zigzaguer entre les différents pièges et dangers de la grande ville.
Les autres personnages ne sont pas à envier non plus. M. Elghazali est détenteur d’une grande fortune, ainsi que du tableau unique du peintre Abbès Saladi. Et pourtant, atteint de dystrophie musculaire, il est réduit à faire chanter une galeriste (Morjana Alaoui) qui lorgne le tableau du maître. La jolie Aïda (Sarah Perles), étudiante en médecine, s’en sort difficilement durant l’année d’internat. Elle se prête au rôle discret d’escorte à mi-temps, proposé par Soumaya (Fatima Zahra El Jaouhari), une entremetteuse haut de gamme. Sa rencontre avec le politique conservateur M. Faridi (Driss Roukh) ne va pas arranger sa situation.
Les différents personnages cohabitent dans la grande ville et se croisent parfois. Ils se fréquentent peu ou pas assez, comme c’est le cas en réalité. Mais la main du cinéaste les réunit dans de rares moments empreints d’humanité. Malheureusement, réalisme oblige, l’on ne pousse pas l’empathie jusqu’à créer la différence dans la vie de l’autre.
Et la polémique ?
Noureddine Lakhmari avait annoncé la couleur dès les premiers teasers du film. Dans l’entretien qu’il a donné à «La Vie éco», il affirmait vouloir relancer le débat sur plusieurs thématiques. Parmi elles, celle de l’avortement est la plus pressante. La plus violente aussi. Lorsque le politique conservateur M. Faridi viole l’interne parce qu’elle a facilité l’avortement d’une jeune fille, le paradoxe se met à nu dans toute sa splendeur : double discours, distanciation absurde par rapport aux victimes des lois anti-avortement, rapport malsain au corps et à la sexualité. En gros, les échanges entre ces deux personnages dévoilent toute la profondeur de la confusion au sujet des droits humains qui règne au Maroc.
Fait intéressant, plusieurs journalistes ont rapporté des réactions incompréhensibles lors des séances publiques. En effet, la scène de viol a, à maintes reprises, suscité l’hilarité générale, alors que les scènes de tendresse et d’intimité ont mis de la gêne en salle. Ces faits sont à eux seuls des indicateurs du malaise qui pèse sur les questions liées au corps et aux libertés. En attendant que ces questions soient remises sur la table par la société civile ou des politiques engagés, les sociologues ont, par là, matière à analyser. Le rôle du cinéaste est quant à lui parfaitement rempli.
