Culture
«Skefkef» : un peu gluant mais appétissant
« Puant et savoureux !» Voilà une jolie formule pour un drôle d’objet: le premier numéro de Skefkef, la bande dessinée que vous agrippez avec vos doigts poisseux, que vous engloutissez debout, à toute vitesse, devant le marchand de casse-croûtes, comme un pain rond truffé de thon, d’Å“ufs durs et de harissa.

Au diable les mets fins, sophistiqués, vive le Skefkef bien gras, bien dégoulinant, qui booste la glycémie en un rien de temps, qui remet d’aplomb et, dans le cas ici présent, chatouille irrésistiblement les zygomatiques : en darija, en noir et blanc, des histoires brèves et rigolotes défilent sous vos yeux, comme le voyage apocalyptique d’une vaillante pizza de Sidi Maârouf à Belvédère (dans quel état arrivera-t-elle? ), la mutation à la Place de la Fontaine d’un pigeon fonctionnaire du ministère du tourisme, le drame des petits gabarits comprimés dans les grands taxis, la cupidité des merdas, ces flicaillons brimés par leurs supérieurs, qui tourmentent et rackettent à leur tour marchands de légumes ambulants et petits dealers de cannabis, ou qui mangent à l’œil chez la pauvre Daouia réduite à un silence éternel et consterné… Un portrait tragicomique de Casablanca se dresse devant vous, dans toutes ses contradictions, toute son horreur, parfois.
À l’origine de ce «Fanzine» – revue amateur «bricolées» par des passionnés sans but lucratif -, un groupe de quatorze jeunes bédéistes marocains encadrés par l’Égyptien Mohamed Shennawy, l’un des fondateurs de la revue à grand succès Toktok.
Cette résidence artistique, financée par l’organisation Creative Commons, s’est tenue en juillet dernier au Boultek de Casablanca, avec la participation de l’association Kerwazma, du Collectif Brain Oil Factory et de l’espace Iwa Factory. Résultat : du 13 au 15 septembre derniers au Souk du Tremplin (L’Boulvard), ces premiers exemplaires de Skefkef sont partis comme des petits pains. Y aura-t-il un deuxième numéro? Espérons-le…
