Culture
«Femme écrite», un univers étrange et onirique
«Femme écrite», le deuxième long-métrage de Lahcen Zinoun, présenté en avant-première le 15 novembre, essaie de décrypter le langage du tatouage.

Femme écrite (maouchouma), le deuxième long-métrage de Lahcen Zinoun (après Oud Al’waed, beauté éparpillée, sorti en 2007) est à l’image de son réalisateur : une créature habitée par la mémoire, le corps et la transgression des tabous. Zinoun, chorégraphe à l’origine, peintre à ses heures perdues, cinéaste désormais, nous offre cette fois-ci une lecture du passé, du patrimoine et de l’art à travers le wachm (tatouage) sur le corps d’une femme, amazighe, fière et rebelle. Une pratique ancrée dans l’histoire sociale du Maroc, décriée comme une hérésie par quelques défenseurs du temple.
L’histoire est celle de Mririda n’Aït Attik, une poétesse fleurant le jasmin que l’on retrouvait vêtue, la nuit, de somptueux brocarts dans le Tassaout (Haut-Atlas). C’est Adjou, campée par Fatym El Ayachi, qui joue le rôle de cette poétesse, dont un anthropologue appelé Naïm (rôle joué par Ismaïl Abou Alkanater), a voulu ressusciter la mémoire. Dans sa quête, il la retrouve dans le «bordel» que fréquentait Mririda, l’habille des atours de cette dernière et se fond en communion spirituelle avec elle. Le mariage est célébré selon les rites ancestraux des tribus du Haut-Atlas où fertilité et fécondité sont représentées par des effigies phalliques.
Après le retour d’un voyage, l’anthropologue découvre sa bien-aimée assassinée. L’assassin, avant de se volatiliser, dissout à l’acide l’écriture inscrite sous forme de tatouage au bas-ventre du corps d’Adjou. Une enquête policière commence. En toile de fond de Femme écrite où réalité (Mririda) et fiction (Adjou) s’entremêlent, une tentative de déceler les secrets du tatouage sur le corps des femmes berbères, qui est en même temps un symbole d’appartenance et une invitation à l’érotisme.
Le film nous plonge dans un univers onirique et étrange, où les dialogues n’ont pas toujours été aisés en raison de la complexité d’un sujet tel que le tatouage où le symbolique est omniprésent. L’opus est aussi un appel au respect de la liberté de la femme d’user de son corps comme elle l’entend, un corps objet de toutes les convoitises, de tous les fantasmes. Et de toutes les critiques malveillantes qui sont à l’affût de toute création artistique. Fatym El Ayachi, qui confirme son grand talent d’actrice dans ce film, accepte, elle, pour l’amour de l’art, de faire de son corps ce qu’elle veut, sans jamais le renier. «Le réalisateur, explique-t-telle, m’a offert un rôle qui raconte cette mémoire que l’on efface, qui raconte ces histoires qui s’écrivaient dans la chair. Bien sûr, j’ai ma pudeur… Jamais je ne renierai ma chair sur laquelle j’ai ancré mes rêves de gamine et mes délires d’adolescente. Et que ceux à qui ça ne plaît pas baissent les yeux. Car moi je ne les baisserai pas».
