Culture
«70% des access primes et des primes marocains devraient être divertissement»
Public Prod est la boîte de production derrière des programmes de divertissement tels que «Lalla Laâroussa», «Al Qadam Dahabi», «Bghit Ndouz f 2m» et plus récemment «Coke Studio Maroc». Son dirigeant, Othman Benabdeljelil, nous parle de cette aventure, du divertissement et de la culture sur nos télés nationales.

Quel est votre ressenti après la première édition de «Coke studio»? Êtes-vous satisfait ?
Jamais. Dans le sens où l’on veut et peut toujours faire mieux. En termes de produit, c’est quelque chose de frais et d’original qui peut être améliorée sur l’aspect de la production télé, musicale ou logistique. C’est normal qu’on retienne des leçons sur chaque nouveau produit pour le parfaire par la suite.
Quel type de leçons ?
Coke Studio était une très belle expérience.
A Public prod, on a déjà produit des concerts et des festivals. Mais on arrive dans un modèle qu’on connaît déjà. On a une approche technique et artistique, on choisit des artistes et on les fait travailler ensemble. Là on a eu accès aux coulisses qu’on n’avait jamais touchées de près. On a appris comment se fait une musique, les différentes étapes et difficultés que rencontre la production musicale. Personnellement, je n’avais jamais travaillé sur cet aspect. Cela m’a donné des idées pour faire de nouvelles choses, de concevoir de nouveaux projets.
On vous a beaucoup comparé à Coke Studio Algérie…
On a produit les deux programmes en fait. L’organisation convenue avec le client était de lancer la production musicale en parallèle, puis d’enregistrer les primes marocains et ensuite algériens. Il y a donc eu un mois de décalage entre les deux programmes, ce qui nous a permis de retenir des apprentissages de la version marocaine et de les appliquer à la version algérienne. Maintenant, certains supports estiment que la version algérienne était meilleure, je ne sais pas s’il y a lieu de comparer deux musiques différentes.
Est-ce qu’il y a une deuxième saison dans le pipe ?
Pour le moment, ça se passe très bien avec Coca. S’il y a une deuxième saison, je pense qu’il n’y a aucune raison pour que ce soit avec une autre boîte que nous. Nous avons rempli notre part du contrat, autant en termes de qualité que d’audience et de mobilisation des équipes. Pour le moment, il n’y a pas encore de reconduction officielle. Mais je pense qu’il y aura une deuxième saison, car le programme a apporté beaucoup de choses.
C’est la première fois que vous réalisez un programme de divertissement musical. Est-ce par manque de demande ou parce que vous vous sentez-plus à l’aise dans d’autres styles de programmes ?
Public prod produit en majorité des programmes de divertissement. On a une expérience avérée dans ce domaine. Le divertissement peut être constitué de musique, de jeux, de téléréalités sous divers formats. On a produit des téléréalités de format sportif, «Al Qadam Dahabi», on a produit «Lalla Laâroussa» qui est plutôt un docu-soap familial, on a produit des émissions dans le domaine du spectacle, y compris le chant, telles que «Bghit ndouz f 2m». C’est pour dire qu’on a travaillé sur divers genres de programmes. Mais c’est la première fois que l’on s’attaque à un programme musical à 100% avec la particularité de la réorchestration. Parce que c’est là toute la particularité du programme, avec cette rencontre de générations.
Le divertissement se porte-t-il bien au Maroc ?
Il y a plusieurs questions qui se posent au sujet de la place du divertissement dans la télé marocaine. A-t-on, aujourd’hui, une incertitude sur la valeur ajoutée de la case divertissement dans nos chaînes ? Est-ce que nos télés manquent de budget ? Peut-être qu’il existe des raisons qu’on ignore, liées à des choix politiques ou d’autres paramètres qu’on ne voit pas, nous producteurs. Parce que, personnellement, je note une irrégularité dans la case prime au sein de nos chaînes nationales. Dans toutes les chaînes du monde, la part du lion revient au divertissement. Au Maroc, de toute évidence, on n’en a pas assez. Je pense que 70% des access primes et des primes marocains devraient être divertissement.
Quid de la place de la culture dans le divertissement ?
Si la case divertissement est faible, par ricochet, la place de la culture dans le divertissement est faible. Maintenant, c’est tout à fait possible de faire du culturel dans le divertissement, mais on ne peut pas le confier à n’importe qui. Aujourd’hui, la majorité de ce qui se fait en culture est produit en interne au niveau des chaînes, sous formes de documentaires ou de talks, pour des raisons probablement financières. Mais on revient toujours aux priorités des chaînes et à leurs missions premières. Est-ce que le divertissement et la culture en font partie ? Là est la question.
Du coup, comment s’en sortent les grosses boîtes de production de produits de divertissement ? Doivent-elles se diversifier pour subsister ?
Public prod est dans d’autres secteurs par choix, pas parce qu’on ne s’en sort pas. D’abord, le divertissement pour nous ne s’arrête pas à la télé. Il s’étend sur plusieurs métiers, principalement l’événementiel et les parcs d’attraction. Il n’y a pas automatiquement des synergies. Mais il y a un transfert de savoir qui se fait entre un métier et un autre, ne serait-ce que sur des réflexions de développement de mécanismes, de décoration, de scénographie, de mise en scène. Après, est-ce que les commandes des chaînes devraient être meilleures, je pense que personne ne vous dira «c’est bon, on en a assez !». En gros, on ne souffre pas, mais on manque de possibilités de développement.
