Climat
Nezha El Ouafi : «Le Maroc a pris le virage écologique»
La nouvelle Constitution prône le développement durable comme option judicieuse pour assurer une prospérité économique. Le cadre politique, institutionnel et juridique en matière de préservation de l’environnement et de l’instauration du développement durable sera consolidé. La fiscalité environnementale est devenue une nécessité.
Bilan de la politique environnementale du gouvernement, fiscalité environnementale, organisation du secrétariat d’Etat, exemplarité de l’Etat… La secrétaire d’Etat revient en détail sur les réalisations du Maroc dans le domaine de l’environnement.
• La transition vers une économie verte est un enjeu principal de la SNDD. Quels sont les pas franchis par le Maroc pour verdir son économie ?
Effectivement, dans le cadre de la Stratégie nationale de développement durable, le Maroc vise à accélérer sa transition vers une économie verte et inclusive d’ici 2030.
Ce nouveau modèle de développement est perçu, aujourd’hui, comme une opportunité pour faire face à la dégradation de l’environnement. Il est appréciable à plusieurs titres et son intérêt va au-delà de la réduction des pressions exercées sur les ressources naturelles, dans la mesure où il peut contribuer significativement à la création de nouveaux emplois verts et à la modernisation des modes de production, tout en les rendant plus efficients et plus durables. En effet, partout dans le monde, les entreprises et les Etats qui auraient raté le virage écologique souffriront à terme d’un désavantage comparatif notable.
Le Maroc n’est pas en reste de cette dynamique mondiale. Durant cette dernière décennie, il a mis en place les fondements majeurs lui permettant d’inscrire son développement sur la voie de l’économie verte. Ainsi, la nouvelle Constitution prône le développement durable comme option judicieuse pour assurer une prospérité économique, un progrès social et un environnement sain à tous les citoyens.
L’engagement du Maroc en faveur de l’économie verte s’est concrétisé également à travers un ensemble de réformes politiques, institutionnelles, réglementaires et financières, entreprises pour promouvoir notamment le développement des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, l’économie de l’eau, la gestion durable des déchets solides et liquides et la mise en place des filières de recyclage des déchets, etc.
Pour concrétiser cette vision d’économie verte, l’administration publique elle-même est engagée aujourd’hui pour donner l’exemple en matière de développement durable. Pour ce faire, un pacte de l’exemplarité de l’administration a été adopté. Il vise à généraliser les démarches environnementales au sein des bâtiments publics, inscrire les administrations publiques dans la logique de gestion et valorisation des déchets, renforcer les initiatives d’un «État employeur responsable», intégrer une approche participative et améliorer la transparence, promouvoir une commande publique durable et responsable et développer l’exemplarité des acteurs publics en matière de mobilité.
Lors de la première réunion du Comité stratégique du développement durable tenue sous la présidence de chef du gouvernement, la décision a été prise pour introduire les véhicules verts dans le parc de l’administration publique pour atteindre au moins 10% des nouvelles acquisitions à partir de 2019.
• Selon vous, quel rôle peut jouer la fiscalité environnementale pour la réalisation des objectifs stratégiques du Maroc dans le secteur de l’environnement ? Qu’en est-il aujourd’hui ?
L’environnement au Maroc est soumis à de très fortes pressions dues notamment à la croissance démographique, à l’urbanisation et aux besoins générés par le développement économique. Ces pressions, conjuguées aux aléas climatiques et à la rareté et à la fragilité des ressources naturelles, finissent par dégrader le milieu naturel et porter atteinte à la santé et au bien–être des populations. L’étude d’évaluation du coût de la dégradation de l’environnement (CDE) élaborée par le Secrétariat d’Etat chargé du développement durable avec l’appui de la Banque Mondiale a mis en exergue que ce coût est de l’ordre de 33 milliards DH, soit 3,52 % du PIB pour l’année 2014. Conscient de cette problématique, le Maroc s’est engagé à consolider le cadre politique, institutionnel et juridique de son action en matière de préservation de l’environnement et l’instauration du développement durable. Plusieurs instruments de la politique environnementale ont été utilisés dont la planification (élaboration des programmes environnementaux tels le PNDM, le PNA, le PNair), la réglementation (l’adoption des lois environnementales telles la loi 28-00 sur les déchets, la Loi-cadre portant charte nationale de l’environnement et du développement durable…), les études d’impacts pour intégrer les préoccupations environnementales en amont des projets d’investissement, le renforcement du contrôle, et la mise en place des instruments économiques tels le FODEP et FNE, etc.
Cependant et malgré les efforts consentis, les pressions sur l’environnement se font de jour en jour plus croissantes et plus complexes et les coûts qui en découlent augmentent également. La disponibilité des ressources financières publiques pour assurer le maintien et la restauration de la qualité de l’environnement se fait quant à elle de plus en plus rare.
D’où l’intérêt aujourd’hui de mettre en place une fiscalité environnementale à la hauteur des enjeux environnementaux. Cette fiscalité aura un double objectif, soit pour donner un signal-prix pour orienter les comportements des personnes et des entreprises en faveur de la préservation de l’environnement, soit pour mettre à la disposition du Fonds national de l’environnement et du développement durable d’autres ressources supplémentaires à redistribuer pour financer les dépenses de remédiation environnementale.
Dans ce cadre, et pour permettre la mise en place de la filière de recyclage des matière plastiques, une écotaxe a été instituée sur la vente sortie usine et à l’importation des matières plastiques et des ouvrages en ces matières relevant du chapitre 39 du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Les recettes sont versées au Fonds national de l’environnement et du développement durable (FNEDD) et serviront à la mise en place des centres de tri qui vont nous permettre la collecte des déchets plastiques. Ces déchets seront mis à profit pour alimenter la filière de recyclage du plastique au Maroc.
• Les projets pilotés par votre secrétariat sont nombreux et nécessitent des moyens humains et financiers conséquents. N’estimez-vous pas qu’il serait judicieux d’augmenter de manière significative le budget et les postes budgétaires alloués à votre département ?
Certes, le caractère transversal du SEDD et ses attributions de coordination suscitent des moyens humains nombreux et qualifiés. Ce constat est soulevé de façon récurrente au service du ministère des finances afin d’augmenter la part de postes budgétaires octroyés à notre département. Il est à noter que le SEDD a créé, ces dernières années, douze directions régionales avec trois services par direction : le service contrôle environnemental, le service étude d’impact sur l’environnement et le service de la gestion environnementale, outre l’Observatoire régional de développement durable (OREDD).Pour 2018, ont été recrutés treize profils avec respectivement neuf ingénieurs et quatre administrateurs. En 2019, nous avons augmenté le nombre pour atteindre trente. Une procédure est en cours pour recruter neuf ingénieurs, huit administrateurs et quatre techniciens de secrétariats de direction et de bureau d’ordre, trois techniciens de laboratoire et quatre agents de soutien, en plus de deux experts.