Climat
«Le Maroc a adopté depuis des décennies une stratégie anticipative et avant-gardiste»
L’eau est la première victime du changement climatique, ce n’est qu’à la COP21 qu’elle a été présente au sein d’une conférence climatique. Un Plan national de l’eau a été élaboré, prévoyant des actions combinant la gestion de la demande et le développement de l’offre
Vous avez, lors d’une conférence, placé l’eau au cœur des négociations de la COP22. Pour quelles raisons cette question est plus primordiale que celle qui porte sur l’électricité ou les émissions de gaz ?
Effectivement, le ministère délégué chargé de l’eau a organisé, conjointement avec le ministère français de l’environnement, de l’énergie et de la mer et le Conseil mondial de l’eau, la conférence internationale de l’eau et du climat en juillet dernier à Rabat, à mi-chemin entre la COP de Paris et celle de Marrakech. Cette conférence intervient dans une conjoncture de mobilisation générale, tant au niveau national que régional et planétaire pour lancer la mise en œuvre effective de l’accord de Paris à l’occasion de la COP22.
En effet, l’eau est la première victime du changement climatique et le premier secteur touché, et malheureusement ce n’est qu’à la COP21 à Paris que l’eau a, pour la première fois, été présente au sein d’une conférence climatique. Plusieurs initiatives ont effectivement été lancées au sein de l’agenda de l’action. De plus, l’accord historique de Paris a reconnu la place de l’adaptation, qui doit être traitée au même plan que les financements, dont l’eau est un bénéficiaire naturel, en tant que ressource largement impactée par le changement climatique et en lien avec la majorité des risques.
C’est dans ce sens que la conférence de Rabat a permis la mobilisation et l’engagement de la communauté internationale de l’eau, acteurs politiques, institutionnels, techniques, financiers et la société civile pour que les enjeux liés à l’eau soient inscrits au premier plan de l’agenda des négociations des parties sur le changement climatique et donnent surtout un signal clair sur la nécessité de poursuivre les initiatives adoptées lors de la COP21 et lancer d’autres nouvelles initiatives.
Pouvez-vous évaluer l’impact du réchauffement climatique sur le secteur de l’eau au Maroc ?
Le Maroc de par sa situation géographique est très vulnérable au changement climatique. La faiblesse des précipitations dans la majeure partie de son territoire et le caractère irrégulier du régime pluviométrique qui se manifeste surtout par une alternance de séquences d’années humides et de séquences sèches sévères pouvant durer plusieurs années, risque d’être accentué à l’avenir sous l’effet du changement climatique. Un réchauffement moyen dépassant les 1°C sur les 2/3 du pays a été observé durant la période 1960-2000. Une baisse des précipitations avec une tendance à la concentration en début de l’année a également été enregistrée.
Une certaine recrudescence des phénomènes extrêmes a aussi été notée à partir de la fin des années 70.
En fait, les périodes de sécheresse sont devenues plus fréquentes et plus longues, chose qui pourrait causer des difficultés d’approvisionnement en eau potable des populations, entraîner des déficits de fourniture d’eau d’irrigation et des diminutions de la production hydroélectrique.
De l’autre côté, les inondations sont de plus en plus ressenties durant les dernières décennies, en raison, d’une part, de la croissance démographique, et du développement socio-économique qui entraînent une occupation croissante des zones sensibles et, d’autre part, de l’augmentation de l’occurrence des épisodes de fortes précipitations et de forts orages localisés.
A l’avenir, l’analyse du changement climatique susceptible de concerner le territoire national durant la période 2021-2050, réalisée par la Direction de la météorologie nationale, fait ressortir une tendance à l’assèchement du climat à l’Ouest des montagnes de l’Atlas. Face à cette situation et pour maîtriser cette vulnérabilité et réduire les impacts des changements climatiques, le Maroc renouvelle continuellement sa politique de l’eau.
A votre avis, quelles sont les premières mesures que devrait prendre le Maroc pour justement limiter cet effet néfaste du dérèglement climatique sur les ressources en eau ?
Le Maroc a adopté depuis des décennies une gestion et une planification des ressources en eau anticipative et avant-gardiste. En fait, notre pays s’est engagé dans une politique d’adaptation à travers la maîtrise et la mobilisation des ressources en eau, ainsi que l’adoption d’une démarche de planification et de gestion intégrée. Ce qui lui a permis de sécuriser l’approvisionnement des populations en eau potable, de satisfaire les besoins en eau des secteurs productifs, même pendant les périodes de sécheresse, et de développer l’irrigation pour garantir la sécurité alimentaire ainsi que le développement de l’énergie hydro-électrique.
Et comme je vous l’ai déjà dit, le Maroc renouvelle continuellement sa politique de l’eau. Dans cette optique, un Plan national de l’eau a été élaboré.
Ce plan prévoit des actions et des mesures combinant la gestion de la demande en eau et le développement de l’offre, avec la préservation et la protection des ressources en eau et la gestion des phénomènes climatiques extrêmes, notamment à travers l’actualisation et la mise en place du Plan national de protection contre les inondations.
Et pour assurer la mise en œuvre de cette nouvelle politique de l’eau, les bases légales ont été posées avec l’adoption de la nouvelle loi 36-15 sur l’eau publiée en septembre dernier.
Vous avez soulevé la question de la gestion des eaux souterraines. Dans ce domaine, le ministère délégué chargé de l’eau, en se basant sur les orientations du Plan national de l’eau et les dispositions de la nouvelle loi sur l’eau, et en collaboration avec les différents acteurs concernés, œuvre pour l’instauration d’un nouveau mode de gouvernance de cette ressource privilégiant la participation, l’implication et la responsabilisation des différents acteurs concernés.
Qu’en est-il de la mobilisation des différents secteurs concernés y compris le secteur privé ?
Le ministère délégué chargé de l’eau s’ouvre de plus en plus sur le secteur privé et le Partenariat public-privé est actuellement un levier pour le financement des actions prévues dans le cadre de la nouvelle politique de développement du secteur de l’eau au Maroc dans ce contexte caractérisé par un dérèglement climatique. En fait, le secteur de l’eau est devenu attrayant pour le privé, notamment dans le domaine du développement de l’énergie hydro-électrique, du dessalement de l’eau de mer et de la réutilisation des eaux usées.
En parallèle, le ministère essaye à chaque événement et à chaque occasion de mobiliser au maximum tous les acteurs et secteurs concernés. D’ailleurs, lors de la Conférence internationale de l’eau et du climat, il y avait 700 participants nationaux et internationaux de 40 nationalités différentes entre ministres et représentants de ministres de l’Afrique, du pourtour méditerranéen et du Proche-Orient, représentants du corps diplomatique au Maroc, des institutions et agences gouvernementales et intergouvernementales, des agences de coopération et bailleurs de fonds, des organismes de bassins, des universités, centres et instituts de recherche et bien évidemment des représentants du secteur privé.
Le problème du financement se pose avec acuité. Que proposez-vous dans ce sens ?
Face à cette situation de changement climatique et bien que le Maroc soit un faible émetteur des gaz à effet de serre, les banques au Maroc doivent aujourd’hui s’engager à financer des actions et des projets concrétisant les efforts de notre pays pour assurer une meilleure adaptation au changement climatique et l’atténuation des effets de ce changement, notamment la politique d’efficacité énergétique et tous les autres politiques ou programmes sectoriels qui s’intègrent dans la contribution du Maroc pour la lutte contre le changement climatique.