Idées
Y’a pas que des malfrats !
Dans les jours qui suivirent la perte de la carte,
le chauffeur du taxi dans lequel elle était tombée
se présenta à un guichet de banque pour l’y déposer.
Un geste simple, basique mais qui prouve ceci :
au sein de notre société, en dépit des apparences,
l’esprit civique n’est pas inexistant.
Glissant de la poche, elle était tombée sur la banquette arrière du taxi. Le temps de le réaliser, la voiture avait disparu à l’horizon. Branle-bas de combat immédiat. Une carte bancaire qui se promène dans la nature, ce n’est jamais très rassurant. Les mésaventures entendues sur le sujet ne s’oublient pas. Ce fut le cas de cette amie, victime d’un vol à l’arraché, qui se retrouva avec un débit d’une dizaine de milliers de dirhams sur son compte. Pourtant, sitôt le forfait commis, elle avait alerté sa banque du vol de la carte contenue dans le sac. A l’époque – il y a quelques années de cela – le blocage d’une carte ne pouvait se faire sur le champ. Entretemps, on n’était pas couvert. Du coup, le numéro de code n’étant pas exigé pour les paiements, l’auteur du larcin eut toute latitude d’opérer des achats substantiels auprès de commerçants peu regardants. Plutôt que de se retourner contre ces derniers qui n’avaient pas jugé bon de demander au voleur sa carte d’identité pour vérifier la conformité de son nom avec celui porté sur la carte bancaire, une formalité obligatoire en théorie, la banque débita sans état d’âme le compte de l’amie en question. Celle-ci se perdit en réclamations sans obtenir gain de cause, la banque, experte dans l’art de l’argutie, se refusant à endosser toute responsabilité. Aujourd’hui, le système paraà®t mieux rodé. Bien que les appareils à la disposition des commerçants fonctionnent toujours sans code, la carte peut désormais être bloquée sitôt la disparition constatée. Encore faut-il le savoir ou taper à la bonne porte pour obtenir la bonne information. Un conseil : avec l’horaire continu, mieux vaut ne rien perdre au-delà de 16 heures !
Ce vendredi-ci, quand le taxi s’en alla vaquer à ses courses avec la carte trônant sur son siège arrière, ladite heure se trouvait largement dépassée. La banque ayant fermé ses guichets, il fallait trouver – et vite – le moyen de se renseigner sur la marche à suivre. Contactée, une connaissance opérant dans le secteur bancaire se renseigna et revint nous dire que la seule chose à faire, en attendant l’ouverture des banques le lundi suivant, était de déclarer la perte au commissariat. Selon cette source, pourtant de la profession, rien d’autre ne pouvait être fait à ce stade. Ce qui était faux. Heureusement, un second coup de fil s’avéra plus probant : la déclaration de perte s’imposait certes, mais la première étape était de contacter de toute urgence le service Interbank pour qu’il procède au blocage de la carte.
Ainsi, l’indélicat qui aurait eu l’idée de gâter sa dulcinée à nos dépens en eût été pour ses frais. La procédure est simple, à condition de la connaà®tre. Le problème est que, avant de vivre ce type de mésaventure, il est rare que l’on se préoccupe de savoir ce qu’il faut faire en pareille circonstance. Au moment de la délivrance de la carte, en dehors de la formule inscrite au dos de celle-ci, précisant qu’en cas de perte ou de vol, le titulaire doit aviser immédiatement sa banque, on ne se soucie guère d’attirer votre attention sur le sujet. L’information est peut-être inscrite quelque part sur les documents que l’on vous donne à signer au moment de la commande mais, vu la lecture habituelle qui en est faite, c’est pour le moins insuffisant. Que des gens du domaine ne disposent pas de la bonne information montre à quel point il y a dilettantisme en la matière. Or, l’intérêt du client est en jeu et son souci relève des devoirs de la banque.
D’une mésaventure susceptible d’arriver à tout détenteur de carte bancaire et à propos de laquelle il n’est pas superflu d’informer, on ne retiendra cependant qu’un fait : sa conclusion. Dans les jours qui suivirent la perte de la carte, le chauffeur du taxi dans lequel elle était tombée se présenta de lui-même à un guichet de banque pour l’y déposer.
Un geste simple, basique mais qui prouve ceci : au sein de notre société, en dépit des apparences, l’esprit civique n’est pas inexistant. Il n’y a pas que des malfrats autour de nous. Il faut le dire et le répéter. Le bon exemple a valeur de modèle. Plus il se diffuse, plus on y croit et plus la citoyenneté prend corps.
Aujourd’hui, notre plus grand handicap est le manque de confiance. En tout. En soi, en l’autre, en l’avenir. Ne serait-il pas temps d’apprendre à séparer le bon grain de l’ivraie ?