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Idées

USFP : pas de refondation sans courants organisés

Les appels, contributions ou initiatives signés par divers groupes de militants depuis les élections de septembre préfigurent, pour certains, l’émergence de futurs courants se présentant en tant que porteurs de la refondation. Il faut espérer que leurs actions se traduisent par des projets de motions au congrès.

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Beaucoup pensent que la crise que vit actuellement l’USFP aurait pu être évitée ou, tout au moins, atténuée si la pratique des courants organisés au sein de ce parti avait été effective.

Le fonctionnement de l’USFP en courants organisés aurait-il pu éviter le retrait des partisans de Amaoui au VIe congrès ? Les avis divergent, mais un des résultats en est qu’aujourd’hui les relais traditionnels de l’USFP dans les milieux syndicaux ont perdu de leur force d’antan, entraînant une perte notable d’influence du parti tant dans le monde ouvrier que dans le secteur public. Bien plus, la scission de la CDT qui en a résulté a accentué la crise de représentativité de l’ensemble du mouvement syndical, contribuant ainsi à l’affaiblissement de la gauche.

Quels que soient les jugements qu’on pouvait avoir sur Amaoui – populisme, problème d’ego… -, il n’en demeure pas moins que son retrait, ainsi que celui d’autres voix discordantes, s’est accompagné – ou a coïncidé (avec) – d’un affaiblissement de l’influence de l’USFP dans le champ politique. En effet, à une réelle intensité des débats, même s’ils étaient parfois empreints de vives tensions et d’une grande perte d’énergie, a succédé une sorte de «silence» que les électeurs ont interprété comme renoncement, perte de dynamisme et d’esprit critique vis-à-vis de l’action gouvernementale, le tout sur fond de perte d’influence de la presse du parti.

Cette perte d’influence, avérée depuis 2002, était-il possible à l’USFP de l’éviter ? Fort probablement si le débat interne avait été organisé sous forme de courants reflétant une réelle diversité des sensibilités et opinions, si le débat interne avait été encouragé pour affirmer l’autonomie du parti vis-à-vis du pouvoir exécutif, si ce débat interne avait été porté sur la place publique et si les décisions du VIe congrès relatives à l’organisation des courants en son sein avaient été appliquées lors de la préparation du VIIe congrès (voir encadré page suivante). Rien de cela ne fut entrepris. Résultat : l’USFP ne sait toujours pas gérer de manière féconde la différence en son sein.

La récente débâcle électorale de l’USFP a eu au moins un mérite : libérer la pensée et la parole de ses militants. Ces derniers sont aujourd’hui unanimes à reconnaître que leur parti est confronté à une vraie crise de fonctionnement et de gouvernance. Beaucoup pensent que le fonctionnement en courants organisés peut constituer pour leur formation un moyen efficace pour regagner en influence politique et intellectuelle. L’émulation entre courants conduit forcément ces derniers à expliciter leurs positions et à redoubler d’efforts, notamment en matière de communication, conditions nécessaires pour que le parti puisse de nouveau alimenter le débat public comme il le faisait auparavant.

L’USFP est en panne de leader. Sa refondation dépend en grande partie de sa capacité à renouveler son équipe dirigeante. En l’absence d’une personnalité transcendante, le choix d’une direction sur la base de la clarté des idées, des options et de la vision politique demeure le meilleur gage d’une bonne gouvernance du parti. L’USFP a besoin d’un leadership qui exprime clairement ses convictions et non pas d’un leadership dont on ne connaît pas le fond de sa pensée, qui se garde bien d’aller au-delà des généralités et qui évite de donner son avis sur les sujets qui fâchent.

L’institutionnalisation des courants peut encourager certains segments de la gauche à rejoindre l’USFP.

Ce n’est un secret pour personne que les anciens militants du PSD coordonnent leurs actions au sein de l’USFP. C’est en explicitant leur ligne politique et en agissant en courant déclaré qu’ils gagneront en influence et non pas en demandant des quotas dans les instances dirigeantes du parti. En contribuant intelligemment à la clarification des termes des débats, ils inciteraient d’autres courants potentiels à faire de même. Ils enclencheraient ainsi une émulation qui ne peut être que bénéfique au parti, car fondée sur des débats d’idées et non sur des jeux de clans.

Les appels, contributions ou initiatives signés par divers groupes de militants depuis les élections de septembre préfigurent, pour certains, l’émergence de futurs courants se présentant en tant que porteurs de la refondation. Il faut espérer que leurs actions, qui ont largement contribué au début du sursaut du parti, se traduisent par des projets de motions au congrès. C’est à ce prix que sortiront peut-être de leur silence d’autres prétendants à la direction du parti dont la seule ligne de conduite commune jusqu’à présent est de se garder d’exprimer le fond de leur pensée. C’est à ce prix qu’ils se convaincront de la nécessité de constituer des courants.

Des confrontations se dessinent sur la ligne politique du parti, notamment sur la position vis-à-vis du gouvernement actuel, sur les modes d’organisation et de fonctionnement du parti, ainsi que sur l’ampleur du renouveau du leadership. L’idéal serait que ces courants en gestation explicitent leurs positions dans des plateformes devant parvenir le plus tôt possible aux sections du parti pour être débattues et servir de support aux thèses que défendront les délégués au VIIIe congrès.

L’importance de la question justifie même un léger report de la date de tenue du congrès. Cependant, si cela s’avère difficilement réalisable, il est extrêmement important que le rapport préparé par la commission politique laisse ouvertes au débat, au sein du congrès, toutes les questions d’importance sur lesquelles les points de vue diffèrent.

Aujourd’hui, telle que la préparation du congrès se déroule, il est à craindre que le parti ne retombe dans un certain unanimisme ; un unanimisme de façade qui masque de réelles divergences d’appréciation sur nombre de sujets. Il est à craindre que les rédacteurs du rapport politique, participant encore de la culture de la plateforme unique, ne s’évertuent à trouver des compromis à tout prix. Ce faisant, on ne favorise guère les conditions de la clarification tant attendue ; on perpétue le statu quo tant redouté qui ne peut conduire qu’à la mort lente du parti.

C’est en laissant les options ouvertes que le VIIIe congrès pourra être vécu comme un moment fort dans la vie du parti. Un moment fort dans la mesure où les congressistes, contrairement aux congrès précédents où le seul véritable enjeu était celui de l’élection des membres du conseil national, sont appelés à se prononcer sur des lignes politiques et des feuilles de route consignées dans autant de motions et, concomitamment, sur les listes des hommes et des femmes qui vont les porter. L’USFP gagnerait assurément à voir émerger une nouvelle direction sur la base d’un vote sur des courants organisés plutôt que sur des clans opaques. C’est à ce prix que la refondation de l’USFP commencera à prendre forme.

Ne soyons pas naïfs. L’USFP n’est pas préparée à ce changement, mais son état d’impréparation organisationnelle à la logique des courants ne devrait pas servir d’alibi pour rejeter en bloc ce nouveau mode de fonctionnement car il y a un début à toute réforme. Le VIIIe congrès ne fera qu’inaugurer un processus. L’institutionnalisation de courants ne se décrète pas, elle résulte d’une adhésion à son bien-fondé et d’une conjoncture politique qui existent aujourd’hui et d’un processus qu’il tient aux porteurs de la refondation de faire aboutir.